[portrait] Julius Peppers, l’héritier sans couronne

On dit que tout homme est jugé à l’aune de ses possibilités. Peter Parker l’apprend de la bouche de son oncle Ben lorsque ce dernier l’informe qu’avec de grands pouvoirs viennent...

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On dit que tout homme est jugé à l’aune de ses possibilités. Peter Parker l’apprend de la bouche de son oncle Ben lorsque ce dernier l’informe qu’avec de grands pouvoirs viennent de grandes responsabilités. Avec ses qualités hors du commun, à sa sortie de l’université de North Carolina en 2002, Julius Peppers aurait dû être le defensive-end référence des années 2000. Douze ans plus tard, à 34 ans, fort de 8 Pro Bowls mais orphelin de toute bague de champion, le nouveau Packer aura bien exprimé son potentiel individuel mais son arrivée dans le Wisconsin, tout comme elle l’a été pour la légende Reggie White en 1993, sera-t-elle enfin synonyme de consécration collective ? L’empreinte qu’il laissera sur la NFL pourrait bien dépendre de cela.

Sweet Home Alabama Carolina

Comme un certain Michael Jordan dans les années 80 et 90 (né à Brooklyn mais dont les parents ont déménagé à Wilmington lorsqu’il était encore nourrisson), Julius Peppers aura été le porte-étendard de la Caroline du Nord à Chicago lors des quatres années qu’il aura passées sous le maillot des Bears entre 2010 et 2014. Mais c’est bien sûr sous le maillot des Carolina Panthers qu’il aura effectué la plus grande partie de sa carrière et y aura acquis gloire et fortune. L’attachement presque viscéral qu’il éprouve pour la terre des Tar-Heels l’aura peut-être empêché de couper les liens plus tôt avec une franchise qui n’est apparue que deux fois en playoffs entre 2003, l’année de son Super Bowl perdu contre les Patriots, et 2010, l’année du départ de Peppers pour les Bears.

“J’y ai habité pendant 30 ans. C’est l’Etat d’où je viens et je l’adore. C’est toujours là-bas que j’irai m’installer après avoir arrêté de jouer. Mais il y a besoin de changer de paysage quelquefois, de s’évader” Julius Peppers en 2010, après son départ pour Chicago

Julius Peppers, portant un maillot Bleu et Blanc d'une équipe de Caroline du Nord, quoi de plus logique?

Julius Peppers, portant un maillot Bleu et Blanc d’une équipe de Caroline du Nord, quoi de plus logique?

Cadet de trois enfants, élevés par leur mère célibataire dans un mobil-home de Bailey, c’est dans cette même ville que Julius Peppers va faire ses premières gammes, gagner ses premiers galons et acquérir une gloire locale grandissante. Phénomène physique avec des mensurations d’1m96 et 105 kilos à seulement 16 ans, c’est au lycée qu’il va devenir un sportif hors-norme, alternant les performances au poste de running-back et de defensive-end, tout en martyrisant les panneaux de basket, au point d’être élu meilleur ailier-fort de la Conférence lors des quatre années passées là-bas. C’est donc sans énorme surprise qu’il décide en 1998 de parcourir les 100kms qui séparent Bailey de Chapel Hill et de rejoindre l’Université de North Carolina.

Sa trajectoire de footballeur y est limpide et ascendante, son talent de pass-rusher lui valant le prix de meilleur défenseur universitaire en 2001, le « Chuck Bednarik Award », et qui lie déjà dans l’Histoire Julius Peppers avec l’un des plus grands pass-rushers que la NFL ait connu, Chuck Bednarik (8 Pro-Bowls, 2 titres de champion). C’est peut-être pourtant sur les parquets cirés de NCAA que Julius Peppers impressionne le plus. Invité à s’entrainer avec l’équipe de basket, il parvient à gagner sa place dans un effectif qui, sans énorme talent, arrivera quand même à atteindre le Final Four en 2000 et partage avec Donovan McNabb l’honneur d’être l’un des deux seuls joueurs de l’histoire à avoir joué dans un Final Four et un Super Bowl. Malgré des doutes émis lors d’une enquête sur ses réelles notes en classe, Julius Peppers reste bien l’un des athlètes les plus complets et vénérés que cette université mythique ait pu compter.

Panthers Peppers

 Le mariage semble presque trop beau pour être vrai. Alors que Houston prend David Carr pour le premier choix de son histoire lors de la draft 2002, les Carolina Panthers ne peuvent pas laisser passer l’occasion de choisir l’enfant du pays en seconde position. Pour la jeune franchise créée en 1995, Julius Peppers est la chance de drafter une relève crédible à la légende Reggie White, arrivé en 2000 mais dont les performances moyennes (5 sacks et demi en une saison) le pousseront vers la retraite dès 2001.

Sur ces terres indiennes ancestrales, les esprits du « Pasteur » White (2ème meilleur sackeur de l’histoire de la ligue avec 198,5 unités) et de Julius Peppers semblent se combiner et s’allier dans la continuité. L’un est venu y finir sa carrière et sa vie (Reggie White mourra en 2004 en Caroline du Nord) pendant que l’autre démarre la sienne dans l’excellence, gagnant le trophée de Rookie Défensif de l’Année en 2002. Lors de ses 122 matches disputés sous les couleurs bleues et blanches, il aura accumulé 81 sacks et 30 fumbles forcés, le plaçant sur les mêmes bases que Bruce Smith, le leader « All-Time » dans cette catégorie. Avec un Jake Delhomme qui ne jouera plus jamais à ce niveau et un Steve Smith monté sur ressort, Julius Peppers trouve en 2003 deux coéquipiers capables d’emmener les Panthers au Super Bowl mais pour finalement y échouer à 3 points de Patriots qui gagnent là le second titre de leur franchise. Ni Peppers, ni les Panthers ne retrouveront la grande finale au cours des 10 saisons suivantes.

Malgré une saison respectable à 10,5 sacks en 2009, les dirigeants des Panthers préfèreront le laisser partir sous d’autres cieux plutôt que d’handicaper leur salary-cap avec son salaire gargantuesque (plus de 16 millions par saison). Les matches exceptionnels alternent maintenant avec les rencontres où sa présence n’est plus autant ressentie par les adversaires et les Bears sont, eux, prêts à parier sur un joueur de 30 ans aux performances sinusoïdales.

Game of Clones

De futur Reggie White, Julius Peppers est passé à un Pro Bowler à la réputation de flemmard, d’un talent hors-norme se contentant de vivre sur son celui-ci plutôt que de le faire fructifier. D’un naturel timide, et desservi par quelques expériences inconvenantes pré-Draft avec des personnes plus intéressées par un éventuel gain financier qu’une réelle amitié, son attitude solitaire ne l’aide pas à se débarrasser de cette étiquette dans le vestiaire. La facilité qu’il a à réaliser des gestes et des actions de classe rend également ses performances beaucoup moins impressionnantes. Tous les observateurs s’accordent cependant à dire qu’ils ont rarement vu une telle combinaison de puissance et d’agilité.

« Je ne veux pas être le prochain Lawrence Taylor. Je ne veux pas avoir à vivre dans l’ombre de sa légende. Je veux être moi-même » Julius Peppers en 2002

Si, finalement, Julius Peppers a signé cette année chez les Packers, marchant toujours un peu plus dans les pas de Reggie White qui avait rejoint les Cheeseheads en 1993 pour y gagner le seul titre de sa carrière en 1996, c’est à une autre légende du sack qu’il rend hommage en portant le #56 sous le maillot de Green Bay : Lawrence Taylor, l’un des deux seuls défenseurs jamais élu MVP de la ligue (en 1986). Par ce geste, rendu obligatoire par l’impossibilité de porter le #90 déjà pris par BJ Raji chez les Packers, il est revenu sur ses déclarations d’antan, celles où il voulait justement se démarquer de ses prédécesseurs.

Assumant enfin l’héritage des deux plus beaux phénomènes des trente dernières années à sa position de defensive-end, Peppers s’est pourtant également réinventé cette saison en se mutant en outside linebacker au sein du système 3-4 de Dom Capers. Il pourra enfin, et pour la première fois de sa carrière, compter sur un équipier de son niveau en la personne de Clay Matthews, lui l’héritier biologique d’une lignée de joueurs NFL. Unis par le talent de pouvoir aller sacker des quarterbacks comme peu de joueurs savent le faire, les deux joueurs vont pouvoir continuer ensemble leur quête d’identité, de reconnaissance et de victoires.

Après 14 saisons infructueuses au point de vue collectif, il est temps pour Julius Peppers d’enfin valider son immense carrière par une bague que ses illustres prédecesseurs, eux, n’ont pas manqué de gagner. Sa place au firmament des meilleurs défenseurs de l’histoire est à ce prix et son buste au Hall of Fame de Canton semblerait inachevé si  aucune couronne de lauriers victorieux ne venait le coiffer. D’autres Julius avant lui ont dû également lui en donner l’idée…

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