[histoire] Lawrence Taylor : un géant parmi les Giants

« L.T. » Pour beaucoup, ces initiales riment avec LaDainian Tomlinson. L’électrique et emblématique coureur des Chargers du début des années 2000. Mais il n’est pas le seul à porter ces deux...

« L.T. » Pour beaucoup, ces initiales riment avec LaDainian Tomlinson. L’électrique et emblématique coureur des Chargers du début des années 2000. Mais il n’est pas le seul à porter ces deux lettres en guise de surnom. Et son co-propriétaire n’est pas n’importe qui. Terreur des terrains dans les 80’s, Lawrence Taylor n’est ni plus ni moins que l’un des plus redoutables et respectés défenseurs que la ligue n’ait jamais porté.

1-lawrence-taylor-lb_pg_600

L’enfer du dimanche, c’est lui

Attention, phénomène

Arrivé sur le tard sur les terrains de football, il attendra la fin du lycée pour enfiler son premier uniforme. Rapidement affublé du surnom de « Godzilla » chez les Tar Heels de North Carolina, il se mue en véritable terreur des quarterbacks. Du haut de son mètre 91 et fort de ses presque 110 kilos, il se jette à l’assaut des lignes adverses avec une vitesse déconcertante. Son ascension est vertigineuse et il devient rapidement la principale attraction de la draft 1981. Fort d’une solide réputation (à l’époque) et vierge de toute blessure, tout le monde le veut.

« Taylor est le meilleur linebacker universitaire que je n’ai jamais vu, » commente le GM des Giants, George Young. « Bien sûr j’ai vu Dick Butkus (Hall of famer et linebacker de légende, ndlr) jouer. Mais je n’ai aucun doute sur Taylor. Il est plus physique et fort que Butkus ne l’était. Sur les blitz, il est dévastateur. »

George Young est sous le charme. Et ça tombe bien, c’est en tant que 2e choix général qu’il rejoint les New York Giants. Lawrence Taylor, de son côté, n’est pas aussi enthousiaste. Du moins en coulisse. Il voulait être drafté par les Cowboys. Quant à sa petite visite du Giants Stadium, elle l’a laissé de marbre. Mais face aux caméras, il se montre plus déterminé et heureux que jamais.

L’ennemi public numéro 1 des quarterbacks

Floqué du numéro 56 de son idole des Cowboys, Thomas Henderson, il ne tarde pas à faire parler de lui. Dès le camp d’été, ses coéquipiers l’affublent du surnom de « Superman » et ses entraîneurs en viennent à manquer de qualificatifs pour décrire le phénomène LT.

« Sur le pass rush, c’est un animal. Soit il vous contourne, soit il vous marche dessus. Avec sa rapidité, en deux appuis il atteint sa vitesse maximum, » explique Phil Simms, impressionné.

Véritable machine à sacker, il va redessiner le poste de linebacker extérieur. En tant que rookie, il envoie neuf fois les quarterbacks manger le gazon. Ses prouesses lui ouvrent le droit à un voyage de fin d’année à Honolulu. Le premier d’une série de dix consécutifs. Logiquement élu rookie défensif de l’année, il fait également main basse sur le titre de joueur défensif, une première pour un débutant. Une récompense qu’il remportera à nouveau l’année suivante, puis en 1986. L’année de tous ses exploits. En 1982, il illumine le week-end de Thanksgiving en interceptant le quarterback des Lions et remontant les 97 yards qui le séparent de la Terre Promise, faisant étalage de son étonnante vitesse.

Sans cesse bousculé par Bill Parcells, son coordinateur défensif puis head coach, Taylor partage une relation singulière avec le stratège. Si le coach confie volontiers son admiration pour le linebacker en privé, il n’a de cesse de le pousser dans ses retranchements. Une approche que n’apprécie guère le joueur.

« J’en ai plus qu’assez. Soi tu me coupes, soi tu m’échanges, mais lâche-moi bordel, » lâchera-t-il un jour.

Il n’a beau en faire qu’à sa tête et volontiers ne pas suivre le plan de jeu, blitzant comme un dégénéré quand il doit pourtant glisser en couverture, il est un joueur à part. Alors que Taylor enchaîne les apparitions dans l’équipe All-Pro, les Giants alternent le bon et le moins bon. Survient alors l’une des actions les plus marquantes de la carrière du linebacker. Lors d’un Monday Night Football face aux Redskins, LT sacke Joe Theismann, le passeur de Washington, et provoque bien malgré lui une fracture de la jambe. Affolé, le linebacker crie aux soigneurs d’intervenir. La carrière de Theismann est terminée. Il n’en voudra jamais au défenseur, qui s’est toujours refusé à revoir les images de la malheureuse action.

Giants et Sharks, LT n'a connu que deux franchises durant sa carrière

Giants et Sharks, LT n’a connu que deux franchises durant sa carrière

Lawrence Taylor au plus-que-parfait

Puis vient 1986. L’apogée de la carrière de Lawrence Taylor. Les stats parlent d’elles-mêmes : 105 plaquages et 20,5 sacks. Le linebacker est inarrêtable. Il emporte tout sur son passage et décroche le titre de MVP. Une première pour un défenseur depuis 15 ans. Mieux encore, il est honoré à l’unanimité. Monstre statistique, Taylor est une force de la nature. Il encaisse les coups avec une facilité déconcertante. À tel point qu’un jour, l’encadrement des Giants a dû cacher son casque pour l’empêcher de reprendre le jeu après avoir subi une commotion. Lors d’une autre rencontre, c’est avec des ligaments de l’épaule déchirés et un muscle pectoral disloqué qu’il mène les G-men à la victoire. Un vrai dur à cuire.

Pion essentiel d’une redoutable armada de linebackers, la bien nommée « Big Blue Wrecking Crew », LT porte les Giants en playoffs au terme d’une saison admirable conclue avec 14 succès au compteur. Les hommes en bleu ne font qu’une bouchée des 49ers et Redskins avant de mater les Broncos de John Elway dans le Super Bowl XXI. Après une saison stratosphérique, au cours de laquelle il aura tout raflé, Taylor est grisé.

« Une fois le Super Bowl terminé… Tout le monde était tellement excité, mais je me suis senti vidé. J’avais tout gagné, je venais de réaliser ma plus belle saison, avait enfin remporté un Super Bowl. J’étais sur le toit du monde. Qu’est-ce qui pouvait arriver de mieux? Rien. C’est la quête des sommets qui fait vibrer. L’excitation se bâtit jour, après jour, après jour, et finalement vous y parvenez, et le match s’achève. Et puis, plus rien… « 

Lawrence Taylor multiplie les performances herculéennes. Capable d’enregistrer 7 plaquages, 3 sacks et 2 fumbles forcés malgré un muscle pectoral déchiré face aux Saints, il suscite l’admiration et l’adhésion inconditionnelle de ses coéquipiers. Malgré des casseroles de plus en plus nombreuses en dehors du terrain, il est nommé co-capitaine. En janvier 1991, il ajoute une nouvelle bague à sa main, au terme d’un match épique face aux Bills, l’un des Super Bowls les plus mémorables jamais disputés. Moins productif et gêné par des blessures, il tire sa révérence à l’issue de la saison 1993. Le numéro 56 sera bientôt retiré. Le bilan est lourd : 1 088 plaquages, 142 sacks, 9 interceptions, 33 fumbles forcés, 11 recouverts et 2 touchdowns. Le linebacker a laissé bien des (mauvais) souvenirs à nombre de quarterbacks. Parmi eux, Terry Bradshaw :

« Il a bien failli me tuer, j’arrêtais pas de répéter, ‘qui c’est ce type?’ Il déboulait sans cesse sur mon côté aveugle et a fini pas me broyer les côtes. »

Plus que les traces laissées sur les corps meurtris des passeurs qui ont eu le malheur de croiser son chemin, c’est son influence sur la façon de défendre qui marque.

« Défensivement, aucun joueur n’a eu davantage d’impact que Lawrence Taylor, jamais. Il a révolutionné la façon de défendre, d’exécuter le pass rush, la façon de jouer des linebackers et la manière dont les attaques tentent de les bloquer, » racontera John Madden.

Joueur d’instinct, intimidant et craint, Taylor a laissé une marque à jamais indélébile.

Après la gloire, les déboires

Comme bien des stars, LT possède un côté sombre, nettement moins reluisant. Brillant sur le terrain, il ne brille pas vraiment en dehors. Loin de là. Car il collectionne à la vie autant de casseroles qu’il a de quarterbacks à son tableau de chasse. Fêtard invétéré, il aurait dépensé des milliers de dollars chaque semaine, chaque jour même, en drogues diverses. Le genre de choses que l’on pouvait se permettre dans les années 80 sans être suspendu à vie. Autre époque, autres mœurs, autre politique. Ou presque. Car un contrôle positif à la cocaïne et au crack lui vaudra tout de même 30 jours de suspension au début des années 90.

Une fois les crampons raccrochés, ses exploits vont continuer de faire la une des journaux. Mais pour des raisons nettement moins glorieuses. En 1996, il est arrêté pour achat de crack en Caroline du Sud. Une cure de désintoxication plus tard, il est enfin sobre. Mais les déboires ne s’arrêtent pas pour autant. En novembre 2009, il commet un délit de fuite en Floride. L’année suivante, il est arrêté à New York et inculpé pour viol et sollicitation de prostituée à l’encontre d’une jeune fille de 16 ans. En 2011, il plaide coupable et devient fiché comme agresseur sexuel. Triste fin pour celui que beaucoup considèrent comme le meilleur défenseur de tous les temps.

Mais tout n’est pas si sombre. Analyste pour TNT ou encore catcheur lors de WrestleMania XI, il s’illustre également devant les caméras d’Hollywood. Renfilant son uniforme le temps d’une saison pour les Miami Sharks. Il y interprète un défenseur rugueux et cinglé qui n’hésite pas à découper en deux la voiture de son nouveau coéquipier à coup de tronçonneuse. Un rôle sur mesure, pour un joueur abonné à la démesure.

Tags →  
Partagez cet article sur : Twitter Facebook
Afficher les commentaires