[histoire] St. Louis Rams 2000’s : The Greatest Show on Turf

Lundi soir, les St. Louis Rams célébreront les 15 ans du « Greatest Show on Turf » lors de la réception des 49ers. L’occasion de revenir sur cette armada offensive qui a...

Lundi soir, les St. Louis Rams célébreront les 15 ans du « Greatest Show on Turf » lors de la réception des 49ers. L’occasion de revenir sur cette armada offensive qui a marqué le début du millénaire.

Ils lancent, ils sautent, ils courent. Que dis-je, ils volent ! Non, ce ne sont pas les Harlem Globetrotters, mais les Rams du tournant du siècle. Le bien nommé « Greatest Show on Turf ». Un spectacle qui a écœuré bien des défenses à l’aube du nouveau millénaire. Un feu d’artifice offensif époustouflant, un jeu total, véritable machine de guerre née d’une idée simple : « pourquoi le jeu au sol doit toujours préparer le terrain pour le jeu à la passe? »

Une question du coordinateur offensif de l’époque, Mike Martz, adressée au coach Dick Vermeil à l’orée de la dernière saison du 20e siècle. Il faut dire qu’avec 23 revers au compteur pour seulement 9 succès lors des deux dernières campagnes, l’attaque des Rams patauge et la franchise tout entière végète dans les profondeurs du classement. Il faut trouver une solution. Un détonateur. Et vite.

Mike-Martz

Mike Martz, l’artisan de la révolution

Simplement révolutionnaire

Ce détonateur, c’est Mike Martz. De 23e attaque aérienne et 26e escouade offensive en terme de points marqués en 98, l’armada des Rams va se muer en l’un des plus redoutables rouleaux compresseurs de l’histoire la saison suivante. Artisan de cette incroyable métamorphose, Martz a redonné vie à une équipe à la dérive. Un impact digne d’un franchise quarterback drafté tout en haut du premier tour.

« De tous les coachs assistants qui sont passés à St. Louis, en tout temps, je n’en connais pas un seul qui ait autant apporté que Mark l’a fait à l’époque, » confiait récemment Vermeil.

Si la question adressée par le coordinateur offensif à son head coach durant l’été 1999 est si importante, c’est qu’à l’époque, le credo est simple : on court et ensuite on lance. L’idée de Martz est révolutionnaire, presque choquante à l’époque. Son principe est pourtant simple : lançons à tout va, bombardons les défenses adverses jusqu’à posséder une avance suffisamment confortable pour pouvoir installer le jeu au sol, contrôler la rencontre et protéger le score.

Brian Billick, coach des Ravens à l’époque, l’explique mieux que personne. À l’aube du nouveau millénaire, l’attaque du Missouri fait figure « d’aberration »  face aux attaques conventionnelles mises en places par ses adversaires. Mais ça marche. Car si la voie des airs devient la marque de fabrique des Rams, le jeu au sol n’est pas en reste pour autant. Loin de là.

« St. Louis était nettement devant. Difficile de dire qu’ils misaient tout sur la passe, parce qu’en réalité ils courraient beaucoup et bien, » explique Billick, qui a croisé le chemin des Rams en semaine 1 en 1999. « Mais il ne fait aucun doute qu’ils voulaient à tout prix lancer le ballon. »

Lancer le cuir, oui, mais pas au point d’oublier le jeu au sol comme le souligne Brian Billick. Car au sein de l’attaque volante des Rams, Marshall Faulk joue les gloutons et avale les yards à toute vitesse. S’il n’est pas la pierre angulaire de l’attaque tout feu tout flamme de Mike Martz, le coureur se hisse tout de même au cinquième rang en 1999, amassant pas moins de 1381 yards et 7 touchdowns. Pas mal pour un joueur qui occupe un rôle presque secondaire au sein d’une escouade obsédée par les airs.

Passer avant de courir. Une stratégie simple qui allait rapidement faire ses preuves et soulever un constat qui semble aujourd’hui relever de l’évidence : on ne gagne pas en courant, mais on court quand on gagne. Et les Rams l’ont bien compris. Après avoir assommé leurs adversaires à coup de bombardements aériens chirurgicaux et avoir creusé un écart souvent conséquent, les hommes du Missouri laissent l’artillerie se reposer et envoient la cavalerie. Résultat, ils sont la sixième escouade à courir le plus en seconde mi-temps. Plus édifiant encore, pas une seule équipe n’use davantage du jeu au sol lors du dernier quart temps.

Idée saugrenue en juin 1999, l’intuition du coordinateur défensif s’est muée en éclair de génie. Il ne le sait pas encore, mais il vient d’ouvrir une ère nouvelle. Celle des attaques aériennes. Lancer le cuir devient désormais la priorité. Et cette tendance n’aura de cesse de s’accentuer au cours de la décennie suivante.

La genèse de la révolution

Si c’est au confluent du Missouri et du Mississippi que Mike Martz a mis en application sa stratégie avant-gardiste, c’est sur les rives du Potomac qu’a germé cette conception nouvelle de l’attaque. Alors entraîneur des quarterbacks des Redksins, le technicien usait, avec succès, de formations chargées de receveurs sur les troisièmes tentatives. La formule marche tellement bien, qu’il se demande pourquoi s’en contenter sur les troisièmes essais explique le gourou des passeurs d’ESPN Ron Jaworsky dans son ouvrage The Games That Changed The Game.

« Étant donné qu’on adore ces jeux l’un comme l’autre, pourquoi ne pas les utiliser quand bon nous semble? Pourquoi attendre les troisièmes tentatives? » aurait demandé Martz à Norv Turner, head coach de Washington à l’époque.

La décision qui a suivi cet échange? Recourir à ces jeux peu importe le nombre de tentatives restant et la distance à parcourir.

« Pour nous, ça n’avait plus aucune importance, » raconte Martz à Jaworsky. « Ça laissait les défenses dans le doute – elles étaient incapable de deviner nos tendances, nos packages de joueurs, nos formations, car elles devaient toujours craindre une longue passe. »

Si l’idée a fait ses premiers pas dans la capitale fédérale, c’est finalement dans le Midwest qu’elle a pris vie. Inspiré des Chargers de Don Coryell dans les 80’s ou de la West Coast offense de Bill Walsh, le football total proposé par Mike Martz se démarque par sa verticalité. Là où les deux génies californiens étiraient le terrain dans la largeur, le coordinateur des Rams cherche en permanence la profondeur. La stratégie est simple : lancer beaucoup, n’importe quand, dans toutes les directions. Et le tout, suivant la logique du feu nourri. Incessant, harassant.

« Quand vous avez une Mercedes, vous ne la gardez pas dans le garage, » résume avec malice Mike Martz.

Une menace permanente pour les défenses. Une arme de dissuasion au service d’une arme de destruction massive. Un ancien magasinier en route pour le Hall of Fame de Canton. Un destin comme les Américains les aiment.

Torry-Holt-&-Isaac-Bruce

Torry Holt & Isaac Bruce. L’élève et le maître. Duo de choc.

Un casting cinq étoiles

Car la révolution tactique orchestrée par Mike Martz n’a pas tout fait. Pour que la métamorphose prenne forme, encore fallait-il détenir les bons hommes. Et les Rams s’en sont donné les moyens. Il faut dire que le changement s’imposait. D’anémique sous l’impulsion des quarterbacks Tony Banks et Steve Bono et du running back rookie Robert Holcombe et ses 2,6 yards par course, l’attaque du Missouri va se muer en machine de guerre. Un virage à 180°. Spectaculaire.

Au printemps 1999, au terme d’échanges houleux et acharnés, les Rams parviennent à arracher Marshall Faulk, référence en la matière à l’époque, des sabots des Colts. Trent Green et sa précision débarquent dans le Missouri avec pour mission de prendre en main l’attaque new-look des Béliers. Quelques semaines plus tard, Torry Holt est drafté au 6e rang général pour former la paire avec Isaac Bruce, tout juste remis de blessure. Les dirigeants ont fait les choses en grand. L’objectif est clair : Martz veut de la vitesse. Beaucoup de vitesse. Même les seconds couteaux tels que les receveurs Tony Horne et Az-Zahir Hakim n’échappent pas à la règle. Ajoutez à cela la référence des années 2000 au poste de left tackle en la personne d’Orlando Pace et vous obtenez une attaque cinq étoiles. Car plus qu’un système, le « Greatest Show on Turf » est avant tout une histoire d’hommes.

« Ce sport a toujours été, est et sera toujours avant tout une question de talent, » commente Billick. « Sans rien enlever au système, nous parlons de Hall of Famers comme Marshall Faulk, Kurt Warner – qui, j’en suis sûr, entrera au Hall of Fame – du talent d’un Isaac Bruce et d’un Torry Holt… Tous étaient des joueurs uniques auxquels le système correspondait parfaitement. »

Adepte patenté d’Air Coryell et ses Chargers volant, Dick Vermeil possède enfin les armes pour mettre en place ce qu’il a tenté d’établir en vain au cours des deux saisons précédentes. Et avec Mike Martz en guise de chef d’orchestre, toutes les cartes sont réunies. Alors que la belle machine semble prendre forme, c’est la tuile. Du moins on le craint. Trent Green se blesse au cours de la présaison et sa saison s’achève avant même d’avoir commencé. Kurt Warner entre en scène. Un quarterback de 27 ans sorti de nulle part. L’éclair de génie de Dick Vermeil. Le staff s’en tient à ses plans initiaux et ne fait aucun ajustement. Nul besoin, le passeur est un surdoué et éclabousse la campagne 1999 de son talent.

Warner conclut sa première saison NFL avec un détonnant 65,1% de passes complétées, troisième meilleure marque de l’histoire à l’époque. Il rejoint Dan Marino dans le club très sélect des quarterbacks à avoir lancé plus de 40 touchdowns sur une saison. Alors que ses pairs enregistrent des évaluations moyennes de 75,1, le passeur de St. Louis et son rating de 109,2 évoluent dans une autre dimension. À des années-lumières. Des prouesses qui lui valent de décrocher le titre de MVP, dès sa première saison. Dans sa vague, c’est toute l’escouade qui s’abat sur les défenses de la ligue et se hisse parmi les attaques aériennes les plus efficaces de l’histoire, juste derrière les Niners de 1989. Marshall Faulk court pour près de 1400 yards et en ajoute plus de 1000 par les airs. Ses 2429 yards combinés lui valent d’être nommé joueur offensif de l’année et de terminer deuxième dans la course à la couronne de MVP. La triplette Bruce-Holt-Hakim fait des étincelles. Les hommes de Dick Vermeil s’amusent. Les défenses, nettement moins.

Une formule gagnante

De la théorie à la pratique, les Rams ont démontré que l’on pouvait gagner sans établir le jeu au sol en priorité, mais en pilonnant les lignes arrières à feu nourri. Aucune attaque de la ligue ne lance plus, ne gagne plus de yards dans les airs ni ne marque plus de touchdowns que celle du Missouri sur premières tentatives. Une révolution. Un véritable signe annonciateur d’une nouvelle ère pour la NFL. Car ce qui faisait office d’anomalie à l’époque, comme le soulignait Brian Billick, allait rapidement devenir la norme.

Pareils aux All Blacks néo-zélandais et à la Dream Team de 92, le « Greatest Show on Turf » ne se contente pas de faire le spectacle. Il sait aussi gagner. Au terme d’une saison 1999 bouclée avec 13 succès, les hommes de Dick Vermeil poursuivent sur leur lancée. Inarrêtables. Kurt Warner lance cinq touchdowns pour écarter les Vikings de Randy Moss, toujours pas remis de leur désillusion de 1998, dans un feu d’artifice offensif (49-37). Les Rams passent difficilement l’obstacle Buccaneers (11-6) en finale de conférence et s’ouvrent les portes du Super Bowl. Au Georgia Dome d’Atlanta, ils mènent 16-0 face aux Titans avant de voir les coéquipiers de Steve McNair fondre sur eux et égaliser à 2 minutes de la fin. Warner prend les choses en main et expédie un missile vers Isaac Bruce qui sprint sur 73 yards jusque dans la endzone, fou de joie. La suite fait partie de la légende. Sur la dernière action du match, le linebacker Mike Jones stoppe Kevin Dyson à une poignée de centimètres de la Terre Promise. Avec ses 414 yards record, Kurt Warner est élu homme du match. Apothéose d’une saison magistrale, au cours de laquelle il aura tout raflé.

Durant l’été, Dick Vermeil tire sa révérence et passe le flambeau à Mike Martz. C’est bien la seule chose qui change. Pour le reste, l’escouade des Rams continue de semer le chaos dans les lignes adverses : 540 points accumulés, au moins 34 points inscrits lors des huit premières rencontres, dont six fois plus de 41 ! Kurt Warner n’est pas un feu de paille et lance plus de 300 yards lors de chacune des six premières semaines, avec en prime, 19 touchdowns. Et soudain, c’est le drame. Le quarterback se fracture la main. Mais en bon soldat, Trent Green assure l’intérim avec brio et permet aux Rams de devenir l’attaque la plus prolifique de l’histoire en terme de yards à la passe (5492) et au total (7335). Marshall Faulk vole au-dessus des défenses et enquille 26 touchdowns et près de 2200 yards au sol et dans les airs. Rarement un coureur aura autant dominé son sujet au cours des dernières décennies. Torry Holt ajoute 1635 yards à l’addition (9e meilleure performance de l’histoire), Isaac Bruce 1471. Au terme d’une démonstration de force face aux Chargers (57-31), Chris Berman d’ESPN décrit l’attaque XXL des Rams comme le « Greatest Show On Earth. » Un surnom qui deviendra rapidement le « Greatest Show on Turf, » en référence à la surface de jeu du Edward Jones Dome.

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Ty Law, l’un des bourreaux des Rams lors du Super Bowl XXXVI

Une dynastie éphémère

Malgré une escouade offensive destructrice et un départ canon, les hommes de Mike Martz doivent attendre l’ultime journée pour décrocher un ticket pour les playoffs. La faute, entre autres, à une défense aussi perméable que l’attaque peut-être explosive. En Wild Card face aux Saints, Kurt Warner et compagnie sont étouffés et abandonnés par une escouade défensive aux abonnés absents. Premier faux pas. C’est déjà le début de la fin.

Avec une défense remaniée de font en comble, la franchise du Missouri repart du bon pied en 2001 et s’offre un troisième départ 6-0 consécutif. Une performance unique. Le reste de la saison se déroule sans embuche. Les Rams ont retrouvé leur modjo et s’assurent l’avantage du terrain grâce à leurs 14 victoires. 45 points et six interceptions de Brett Favre plus tard, ils se débarrassent non sans mal des Eagles en finale de conférence. C’est archi-favoris qu’ils se présentent au Superdome de New Orleans pour défier les Patriots de Tom Brady. L’attaque tourne à plein régime et amasse les yards à la pelle, mais paye des erreurs coûteuses. Un coup de pied d’Adam Viniatieri à l’ultime seconde scelle l’issue de la rencontre. Brady lève les bras au ciel. Warner baisse la tête. Il n’y aura pas de dynastie dans le Missouri. Les New England Patriots viennent de prendre le pouvoir. Un véritable coup d’État.

Après une nouvelle saison record, Kurt Warner est élu MVP. Marshall Faulk reçoit son troisième trophée de joueur offensif de l’année consécutif. Pour la première fois dans l’histoire, une formation conclut une troisième saison d’affilée avec plus de 500 points au compteur. Mais malgré toutes ces prouesses, la défaite du Super Bowl XXXVI sonne le glas du « Greatest Show on Turf. » Déjà. Bien qu’inchangée, l’équipe concède cinq revers de suite en ouverture de la saison 2002. Kurt Warner cristallise les critiques. Marshall Faulk marque le coup. Seule la doublette Holt-Bruce reste fidèle à elle-même. Mais ça ne suffit pas. Même chose l’année suivante. Au printemps 2004, les Rams coupent Warner et draftent Steven Jackson. Le rideau tombe. Le spectacle est terminé. Mais quel spectacle !

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