[portrait] Adam Jones, la virevolte de Pacman

On pensait que sa carrière ne durerait pas longtemps. Pourtant, neuf ans après sa draft, Adam « Pacman » Jones porte toujours des protections et un casque dans une équipe NFL et...

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On pensait que sa carrière ne durerait pas longtemps. Pourtant, neuf ans après sa draft, Adam « Pacman » Jones porte toujours des protections et un casque dans une équipe NFL et fait même partie des meilleurs retourneurs de punt de la ligue et d’une des meilleures défenses de toute la ligue. Mais comment un joueur pareil, avec un casier long comme ses dreadlocks et une véritable attitude à problèmes hors des terrains, a-t-il pu survivre en NFL ? En canalisant son talent, réel, et en changeant, tout simplement.

Le précurseur

Adam "Pacman" Jones sur un ring de catch. Qui aurait parié sur son retour à ce moment-là?

Adam « Pacman » Jones sur un ring de catch. Qui aurait parié sur son retour à ce moment-là?

Mai 2007. Roger Goodell n’est en place au poste de Commissaire de la NFL que depuis 9 mois mais sort la même artillerie lourde que celle qu’il utilisera 7 ans plus tard à l’encontre de Ray Rice et Adrian Peterson : Adam Jones, sous contrat avec les Titans, est suspendu pour toute la saison tandis que Chris Henry, le joueur des Bengals, prend une sanction de 8 matches fermes « au nom de la protection de la NFL ». Tous les observateurs s’accordent à dire que cette suspension, très lourde, sonne peut-être la fin de deux carrières courtes mais très chaotiques pour deux joueurs talentueux mais incontrôlables. Chris Henry trouvera la mort deux ans plus tard, au cours d’un accident de voiture bien trouble impliquant sa fiancée et on lui trouvera plus tard des marques d’encéphalopathie chronique au cerveau, celle des joueurs ayant subi des traumatismes crâniens.
Adam Jones, lui, en plus de perdre des millions de dollars en salaire non payé, devra se trouver une nouvelle carrière  (il tentera d’ailleurs sa chance dans le catch) et, s’il parvient à se refaire une place en NFL, une nouvelle équipe. Sept ans plus tard, c’est, signe du destin, sous les couleurs des Bengals, équipe ayant l’habitude de gérer des cas compliqués, que Pacman poursuit son chemin en NFL.

J’ai gagné de l’argent en changeant ma vie, en étant professionnel et en traitant les gens avec respect. Traiter les gens avec respect, c’est déjà le plus grand pas en avant” Adam Jones en 2014

Quand il est drafté en 2005 à sa sortie de West Virginia, les éloges pleuvent sur ce cornerback physique et trapu. Petit pour son poste (1m80), le #9 des Mountaineers possède en lui ce swagg qui émane d’autres athlètes du coin, comme Randy Moss, ne à Rand à 200 kms du campus de Morganstown. Adam Jones, lui, est né à Atlanta, en Géorgie et il n’a que 8 ans quand son père est tué lors d’un vol. Elevé par sa mère et sa grand-mère, cette dernière décèdera d’ailleurs lors de son année freshman d’Université, lui faisant manquer le seul match de sa carrière universitaire pour pouvoir assister à ses funérailles. De son enfance, il gardera ce souvenir indélébile de la perte du père mais aussi un surnom : Pacman. Sa mère le trouvant glouton pour boire lorsqu’il était petit, elle le compara au héros du jeu vidéo mythique des années 80, dévorant les pac-gommes à l’intérieur d’un labyrinthe. Un surnom qu’il voudra que l’on arrête d’utiliser en 2008 pour signifier sa renaissance en tant qu’homme.

Sous le maillot marine et jaune des Mountaineers, Jones démontre sa capacité à éteindre les receveurs adverses, interceptant 7 fois la balle lors de ses deux dernières années (en sophomore et junior donc puisqu’il n’y restera que trois ans). Surtout, Pacman fait montre d’une capacité étonnante à zigzaguer entre les lignes adverses au moment de remonter des retours de coup d’envoi ou de punt. S’il ne marque que deux touchdowns en 3 ans sur ces phases de jeu, les quelques 1475 yards accumulés sur les retours de coup d’envoi le placera en 1ere position all-time  avant que Tavon Austin ne vienne exploser ce score avec 2407 yards entre 2009 et 2012.

« Ils n’écrivent que sur les trucs négatifs parce que c’est ce qui fait vendre les journaux. On ne va pas écrire sur le fait que j’aille faire des visites dans les hôpitaux ou que je fasse des actions de charité parce que ça va ressembler à une opération de com’. On veut rien savoir sur ce que je fais de bien, c’est toujours à propos de mes erreurs » Adam Jones en 2013

Le labyrinthe financier
Zigzaguer entre les lignes adverses. Si, sur le terrain, cela peut vous emmener à la 6e place de la draft 2005 et vous envoyer à Nashville dans le Tennessee pour exercer vos talents aux cotes de Steve McNair, c’est dans la « vraie » vie que cela peut poser problème. Les deux années qui suivent son entrée dans la ligue, le jeune cornerback fait oublier ses bonnes performances (4 interceptions en 15 matches lors de la saison 2006 et 3 touchdowns sur retour de punt) par ses problèmes extra-sportifs. Dix « incidents » le mettent à la une des journaux jusqu’au dernier, celui de 2007, où un homme finira paralysé suite à une fusillade dans un club de strip-tease. S’il ne tenait pas d’armes à la main, c’est son comportement et son fameux gimmick du « Make It Rain »  qui aboutira à une bagarre générale dégénérant en tragédie. Une cour du Nevada lui infligera d’ailleurs en 2012 une amende de 11,6 millions de dollars à payer aux victimes. Un somme que ne possédait pas, et ne possèdera sans doute jamais, le joueur. Il faut dire que son contrat rookie valant, au maximum, 15 millions de dollars, la suspension sans salaire lui en fit perdre la moitié tandis qu’il en avait déjà dépensé 5 ou 6, sans penser à son futur, en réalisant de mauvais investissements ou en « prenant soin » d’un trop grand nombre d’ «amis » qui disparaitront une fois sa fortune disparue.

« J’ai toujours parié sur moi. Il ne s’est jamais passé une fois où j’ai abandonné. Il y a eu des moments difficiles mais jamais un moment où j’ai abandonné et où je me suis dit que c’était terminé» Adam Jones

Envoyé chez les Cowboys en 2008, une fois réinstauré dans la ligue par Roger Goodell, il y signe un nouveau contrat de 13,3 millions, non garanti, qui ne le voit en gagner seulement 700 000 avant d’être coupé par Jerry Jones. Et lorsque les Bengals le signent en 2010, c’est au minimum syndical de 900 000 dollars. Il lui faudra attendre 2013 et sa signature pour 3 ans et 5,3 millions de dollars pour retrouver des gains à la hauteur de ce qu’il peut produire sur un terrain.
Toutes ces péripéties extra-sportives et financières en font maintenant un conférencier de choix lors du symposium organisé par la ligue pour les rookies. Lui qui n’avait aucunement prêté attention lors du sien en 2005 espère que les nouveaux arrivants prêtent une bien meilleure oreille à son message : « Ne faites pas comme moi. J’étais pathétique. Je n’avais aucun respect pour mon argent. Je respectais le football mais pas son aspect financier. Je pensais toujours être à l’Université et je n’avais pas réalisé l’attention que l’on vous porte lorsque vous jouez en NFL »

« Il a toujours été un peu à la limite. Mais il a maintenant acquis tant de maturité, il a changé et est devenu un vrai joueur d’équipe »  Mike Zimmer, ancien coordinateur défensif des Bengals

L’histoire en marche
Si les Bengals l’ont ainsi récompensé en 2013, c’est aussi qu’Adam Jones leur avait prouvé sur le terrain qu’il était maintenant digne d’être un des leaders de leur équipe. Rarement titulaire au poste de cornerback, vu le niveau de Leon Hall et Terence Newman, il figure pourtant dans le top 5 des plaqueurs de l’équipe avec 38 unités. La saison dernière l’aura même vu retrouvé son appétit pour les interceptions, s’en procurant 3 en 13 matches et en retournant une pour un touchdown. Cette saison, malgré la légère baisse du niveau de l’escouade défensive, l’arrière-garde des Bengals reste celle de NFL qui encaisse le moins de touchdowns par les airs (11 seulement quand Chicago en a déjà encaissé 27).
Plus encore que sa participation au niveau général de la défense, Adam Jones a aussi retrouvé le goût de la virevolte. Avec ses 31 yards de moyenne, il est actuellement le meilleur retourneur de coup d’envoi de NFL. Peu importe l’endroit où il récupère la balle, Pacman regarde le terrain et n’y voit que des yards à dévorer. Avec ses 14 yards par match, il possède également la meilleure moyenne sur retour de punts. Finir à la première place de ces deux classements n’est plus arrivé en NFL depuis Mel Gray en 1991 et l’accomplir serait donc une marque historique.
Un sacré retournement de situation pour un joueur dont on pensait, il y a encore quelques années, que la seule marque historique qu’il pourrait laisser serait plutôt l’image d’Epinal d’une carrière gâchée.

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