[portrait] Jeremy Maclin, un retour aux sources

La vie prend parfois des détours auxquels personne n’aurait pu penser. Et puis, pour d’autres, le destin semble être la renaissance du passé, un passage qu’on peut penser obligé. Abandonné...

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La vie prend parfois des détours auxquels personne n’aurait pu penser. Et puis, pour d’autres, le destin semble être la renaissance du passé, un passage qu’on peut penser obligé. Abandonné par son père dans son enfance, star à l’universite du Missouri, Jeremy Maclin ne pouvait choisir sa nouvelle équipe qu’à l’aube de tout cela. Sa signature chez les Chiefs d’Andy Reid, son père spirituel, lui permet de boucler la boucle et d’ouvrir une nouvelle page de son histoire.

Originaire de la banlieue de St Louis dans le Missouri, c’est à Kansas City que l’on retrouve maintenant Jeremy Maclin, cité située à l’extrémité Ouest du même Etat (et non du Kansas, contrairement à ce que son propre nom pourrait le laisser penser). Mais, pour combler les 400kms qui séparent les deux villes, Maclin a dû emprunter des chemins de traverse avant que son talent ne l’emmène à Philadelphie où il a pu véritablement prendre son envol, tel un véritable Eagle.

Entré par la fenêtre, sorti par la grande porte

Entrer par la fenêtre, c’est littéralement ce qu’a fait Jeremy Maclin dans son enfance.  Né à Chesterfield (Missouri) en 1988, son père déserte le paysage alors qu’il n’est encore qu’un enfant. «  S’il n’était pas là au début de l’histoire, il n’a aucune importance pour moi » dira-t-il plus tard lorsqu’on lui demandera s’il avait jamais tenté de renouer les liens avec son géniteur. Dans de telles histoires mono-parentales où, le plus souvent, c’est le père qui fuit, la mère d’un athlète prend alors une allure de Superman, allant même jusqu’à être qualifiée de « Real MVP » par Kevin Durant, le basketteur NBA, lors de la remise de son trophée de meilleur joueur en 2014. Pas de ça ici pour Jeremy Maclin, dont la mère a des problèmes avec l’alcool. Quand il revient de ses entrainements de « peewee » football (le foot pour les jeunes) dans son quartier chaud de Meacham Park, il trouve parfois maison vide et portes closes, l’obligeant à rentrer par les fenêtres, lui le gamin de 10 ans qui ne se dépare pourtant pas de son sourire qui lui vaudra le surnom de « Smiley ». La soirée peut même alors se dérouler sans qu’il n’ait quelque chose à manger. Les témoins de ces scenes récurrentes? La famille Parres dont le père urologue, Jeff, est également coach de  cette équipe de jeunes où évolue son fils aîné, Tyler.

« Ils l’aiment tellement, ils aiment tellement mon fils. J’ai vraiment de la chance » Cleo Maclin, la mère de Jeremy, à propos de la famille Parres

Les deux frères aînés de Jeremy, eux, sont déjà à des carrefours plus avancés de leur vie : Andre, le plus vieux, est parti à l’Université d’Illinois tandis que le second, Roshon, suit des chemins plus obscurs et aventureux, ceux les plus facilement suivis dans les quartiers durs… C’est un appel du premier à la famille Parres qui va changer la vie de Jeremy. Alors qu’il passe déjà une bonne partie de son temps chez les Parres, lors des weekends et les vacances, Andre demande à Jeff et sa femme d’accueillir son jeune frère sous leur toit de façon permanente. L’implication et l’accord de Cleo Maclin diffèrent selon les versions. Pour elle, envoyer vivre Jeremy chez les Parres lui permettait de louer un appartement à la mesure de ses modestes moyens. Pour Jeremy, le déclic s’est passé un soir alors que sa mère refuse de baisser la musique quand bien même il veut dormir. Au final, les Parres deviennent alors les parents adoptifs officieux de Jeremy Maclin, tout en l’aidant, lui et sa mère, à recoller les morceaux d’une relation en dents de scie et en payant le loyer de Cleo pendant une année. Une nouvelle vie s’ouvre à lui.

Mizzou plutôt qu’Oklahoma

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Avec des capacités athlétiques au-dessus de la moyenne et un environnement familial enfin stabilisé, le nom de Jeremy Maclin commence à circuler dans toutes les universités du pays, en faisant le 24e prospect du pays au poste de receveur. Notre-Dame, Missouri, Oklahoma, pour ne citer que celles-ci, suivent de près le parcours du jeune homme lors de ses années junior et senior à la Kirkwood High School. Les appels de Charlie Weis à la maison restent encore fermement ancrés dans la mémoire de Jeff Parres. Mais alors que Jeremy avait donné son accord pour aller revêtir le maillot cramoisi d’Oklahoma, il décide de rester dans l’Etat qui l’a vu grandir et choisit de jouer pour Gary Pinkel et son équipe de Missouri aka Mizzou, dans la ville de Columbia à mi-chemin entre St-Louis et Kansas City, déjà… Un choix qui n’étonne pas sa « mère bonus » Cindy Parres pour qui Jeremy ne « pouvait pas aller trop loin vu son côté Mama’s Boy ».

« Votre vestiaire est meilleur quand Jeremy Maclin en fait partie. Nous sommes extrêmement fiers de lui » Gary Pinkel, coach de l’Universite du Missouri

Sous les couleurs noire et jaune de Mizzou,  drivé par un Chase Daniel de feu (qui sera son coéquipier chez les Chiefs cette saison), Maclin accumule les yards, les touchdowns et les honneurs. En seulement deux saisons (puisque sa première saison est blanche en raison d’une blessure), il devient le recordman des yards  totaux accumulés en carrière pour les Tigers, avec 5609 unités en réception, à la course et en retour de punt et de coup d’envois. Il devient même le premier joueur de l’Université du Missouri à être élu dans la première équipe All-American deux années de suite. A cette réussite sportive totale ne manque qu’un titre universitaire, chose que les Tigers ne sont pas si loins d’accomplir en 2007 en étant encore classé 1ère  université du pays au classement NCAA à deux semaines du dernier classement déterminant les participants à la finale. L’Oklahoma (qui d’autre ?) de Sam Bradford viendra mettre un terme à ce rêve en allant gagner la finale du Big-12 et repoussant Mizzou à la 4e place au ranking final.

« Quand je vois Jeremy maintenant, ce qui me rend fier, ce ne sont pas ses touchdowns le dimanche. Ce qui me rend fier, c’est quand j’allume la télé et je le vois bien se comporter en interview, être une personne de qualité et redonner à la communauté comme il le fait. C’est ce que je vois» Jeff Parres

La déception ne l’emporte pourtant pas chez Maclin qui revient encore plus fort en 2008, une saison qui va lui valoir d’être drafté, à seulement 21 ans, par les Philadelphia Eagles à la 19e place de la Draft 2009, le troisième receveur de cette cuvée après Darrius Heyward-Bey (7e, Raiders) et Michael Crabtree (10e, 49ers).

L’aigle retourne au nid

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A Philly, dans le système West Coast d’Andy Reid, Jeremy Maclin trouve tout de suite sa place et accumule près de 3500 yards sur ses 4 premières saisons en 59 matches joués. Avec son compère DeSean Jackson, à l’ego légèrement surdimensionné, ils mettent le feu à la NFC Est. Jackson, le receveur #1, dépasse les 1000 yards par saison en 2010 et 2011 quand Maclin s’en approche en 2010.
Mais, malgré ces stats offensives intéressantes, les Eagles sont pathétiques (4v-12d) en 2012 et se séparent d’Andy Reid pour faire venir celui qui fait fantasmer les GM’s de NFL depuis de longues années : Chip Kelly, en provenance de l’Université d’Oregon.
Alors que son contrat rookie (5 ans, 12,5 millions de dollars) arrive à expiration à la fin de cette saison, Maclin se blesse gravement au genou (rupture des ligaments) et doit laisser Kelly installer son système révolutionnaire sans lui. Sans véritable repère ni garantie, Maclin prend pourtant le risque en 2014 de refuser la proposition de contrat de 5 ans des Eagles et de signer un contrat portant sur une seule saison pour 5,5 millions de dollars. Un pari ? Oui, mais un pari gagnant pour le #18 (devenu #19 chez les Chiefs puisque le #18 du Hall of Famer Emmit Thomas a été retiré en 2008). Totalement en phase avec Chip Kelly et débarrassé de DeSean Jackson au poste de receveur #1, Jeremy Maclin effectue la meilleure saison de sa carrière en accumulant 1318 yards et 10 touchdowns.

« Coach Reid s’intéresse vraiment à ses joueurs. Et puis c’est un grand coach d’attaque, doué pour mettre les joueurs dans une position préférentielle afin qu’ils utilisent leurs qualités » Jeremy Maclin sur Andy Reid

A l’intersaison vient alors l’heure du choix pour Maclin : rester chez les Eagles (qui ne lui ont pas accolé le « Franchise Tag » qui lui aurait accordé un salaire de 12,8 millions de dollars en 2015, près de la moitié de leur cap room) ou trouver une nouvelle équipe pour l’accueillir. Et qui de mieux alors pour cela qu’un certain Andy Reid et son staff, à la tête de Chiefs jouant dans l’Arrowhead Stadium, ce même stade où, en 2007, Maclin et Mizzou avaient validé leur qualification pour la finale du Big-12 face aux grands rivaux de l’université du Kansas ?

Avec leur manque criant de receveurs de qualité (aucun touchdown par leurs receveurs en 2014), les Chiefs proposent un contrat de 55 millions de dollars sur 5 ans (22,5 millions garantis) à l’enfant du pays, une juste récompense de son travail, un juste retour des choses et un retour aux sources pour un joueur exemplaire sur et hors du terrain, comme le prouve le travail fait par sa « Fondation Jeremy Maclin » qui vient en aide aux enfants et familles faisant face à des situations de logements « alternatives ».
Le #19 va maintenant pouvoir exercer son talent devant ses deux familles : l’une, les Parres, où se trouve celui qu’il considère comme son père, et l’autre qui, sans l’aide de la première, n’aurait jamais vu l’un des siens fouler les pelouses de la ligue.

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