[portrait] Marques Colston, la tempête discrète

Fin août 2005, l’ouragan Katrina dévaste La Nouvelle-Orléans. Les jetées craquent sous la masse d’eau et la ville ne ressemble plus alors qu’à une Atlantide des temps modernes. Le Superdome,...

Coslton_Portrait_Banner_670

Fin août 2005, l’ouragan Katrina dévaste La Nouvelle-Orléans. Les jetées craquent sous la masse d’eau et la ville ne ressemble plus alors qu’à une Atlantide des temps modernes. Le Superdome, maison des Saints, devient une Arche de Noé trouée et insalubre que le propriétaire de l’équipe, Tom Benson, veut déclarer inutilisable pour voir l’équipe déménager sous d’autres cieux, plus cléments et plus rémunérateurs.
Huit mois plus tard, le 29 avril 2006, Radio City Hall de New York. Sous les vivas de la foule, les New Orleans Saints choisissent Reggie Bush en 2e position de la draft. Le lendemain, au 7e tour et en 252e position, ils sélectionnent un jeune receveur de 23 ans en provenance de Hofstra University au nom inconnu : Marques Colston. Dans une ville meurtrie et pansant ses plaies, prête à exulter de joie après avoir tant pleuré, son duo avec Drew Brees va faire de lui le meilleur receveur de l’histoire des Saints au cours de la décennie suivante et de La Nouvelle-Orleans l’une des meilleures équipes de NFL sur cette même période. Une tempête tout aussi dévastatrice pour les defensive backs adverses que n’avait pu l’être le monstre de Catégorie 5 pour Crescent City. Mais une tempête bien moins médiatique, une « Quiet Storm » (son surnom) qui mériterait en fin de carrière de remonter, elle aussi, vers le Nord des Etats-Unis, mais plutôt en direction de Canton pour y gagner un buste à son effigie.

Le saint des Saints

Marques_Colston_Banner_670
Le Nord des Etats-Unis, ce serait de fait un retour aux sources pour Marques Colston, lui le natif de Harrisburg en Pennsylvanie (tout comme LeSean McCoy), ville capitale de l’Etat située au carrefour du triumvirat Philadelphie/Pittsburgh/Baltimore. Avec ses trois frères et sa sœur, Marques est élevé dans cette ville, l’une des plus industrielles du Nord des Etats-unis mais classée en 2010 comme la 2e meilleure ville des Etats-Unis pour élever ses enfants, par ses parents, Josie et James, un ex-militaire désormais inspecteur des affaires communautaires et une assistante en maison de retraite. Leur grande maison sert également de refuge aux jeunes désoeuvrés du coin, qui viennent jouer sur le terrain de basket ou dans la piscine familiale. Josie et James ne s’arrêtent pas là et en accueillent même plus d’un au sein de leur famille.

« J’ai eu des frères et sœurs adoptifs toute ma vie. Mes parents ont aidé le plus de personnes possible. J’ai été élevé dans cet environnement et ça a déteint sur moi » dira d’ailleurs Marques pour expliquer son engagement en faveur de la jeunesse d’Harrisburg. Un engagement comme celui de la franchise d’Arena Football des Harrisburg Stampede, dont il possédait des parts et était le président jusqu’à sa disparition en 2014,  s’associant au PinnacleHealth System de la région pour inciter les jeunes à plus d’activités physiques pour lutter contre l’obésité. Sports, activités physiques, discipline et respect, des valeurs inculquées dès leur enfance par James « Big Jim » Colston à ses enfants, naturels ou adoptifs, capable de refuser à son fils aîné JR d’accepter une bourse universitaire de football afin qu’il aille plutôt à l’Armée mettre plus de discipline dans sa vie.

C’est également cette philosophie d’être fort mais en restant toujours respectueux des autres que Colston a voulu faire passer comme message avec son livre pour enfants « Young Marques becomes a quiet storm », dont une partie des bénéfices a été reversé à la Croix Rouge de Louisiane pour aider les victimes de Katrina.

Grande baraque d’1m95 pour 150 kilos, James s’est lui-même essayé au football dans la Canadian Football League (CFB) mais ce sera bien à travers ses enfants qu’il aura sa relation la plus proche à ce sport. Enrôlé dans l’équipe de pee-wee football à Harrisburg dès l’age de 6 ans, comme le furent également ses trois fréres,  Marques y joue sous les ordres de son père. Il le suit également dans celle, voisine, de Susquehanna Township. Du moins, c’est ce qu’il pense faire…
Mais, fin septembre 1997, alors que Marques entame son année freshman au lycée, son père va faire une course à l’épicerie du coin. Sur le chemin, un arrêt cardiaque le terrasse, laissant Marques dans un état de choc émotionnel violent, presque incapable de communiquer avec les autres, et délaissant ses études et le sport.
De cette déchirure intérieure, il gardera deux choses à l’extérieur : un tatouage « J » à l’épaule droite agrémenté de deux mains en signe de prière, ainsi que sa célébration de touchdown, où il redonne tout simplement le ballon aux arbitres et pointe ensuite son index vers le ciel, vers son père.

Il ne s’arrêtera d’ailleurs pas là dans les témoignages cutanés, gravant sur cette même épaule droite la référence biblique d’ Ésaïe 54 :17 « No weapon formed against thee shall prosper » (Toute arme forgée contre toi sera sans effet) tandis que le nom complet de sa mère « Josa Marie » traverse son cœur de part en part. Chacun de ses biceps arbore, eux, les mots « Quiet » et « Storm », depuis qu’un coéquipier l’a appelé ainsi au lycée.

Mr. Presque Irrelevant

marques-colston-hofstra_670
Comme souvent dans la vie, le temps faisant son œuvre et avec une structure familiale aussi forte, Marques poursuit sa route. Touche à tout de talent, il est un fameux lanceur de javelot au lycée mais c’est bien au poste de receveur et de defensive end qu’il gagne ses galons de joueur All-Conference.  La Tribe du lycée de Susquehanna ayant choisi l’option comme système d’attaque, les stats de Colston ne sautent aux yeux d’aucun recruteur, malgré les 150 cassettes envoyées par son coach aux quatre coins du pays, et il ne reçoit qu’une seule proposition de bourse, de la part de l’Université du Missouri. Pour être titulaire et rester à une distance raisonnable d’Harrisburg, Colston choisit alors d’intégrer Hoffstra University, située a Hampstead (Long Island, New York).

De moindre renom, cette université est surtout connue pour avoir sorti Wayne Chrebet, receveur des Jets pendant une décennie, et jouer l’attaque. Dans cette équipe, Colston fréquente un autre nom connu des habitués de la NFL : Willie Colon. La victoire des Saints au Super Bowl en 2010, un an après celle des Steelers, permettra d’ailleurs à l’universite de s’enorgueillir de la performance d’avoir produit deux champions NFL consécutifs. Cela n’empêchera pas les responsables du programme de mettre un point final à l’équipe de football en décembre 2009, l’université ne pouvant plus vraiment justifier le coût du programme, vieux de 72 ans, par rapport aux bénéfices médiatiques et financiers qu’ils en tirent.

« Quelqu’un m’a appelé ainsi une fois et ça m’a frappé. C’était exactement ça. Ca me décrit parfaitement, comme personne et comme joueur » Marques Colston sur son surnom « Quiet Storm »

Recrue d’impact, ses 335 yards en 14 réceptions et trois touchdowns sur sa saison freshman justifie son recrutement mais c’est véritablement en ajoutant vingt kilos de muscle (passant de 80 à 100 kilos) à son mètre quatre-vingt treize qu’il progresse. Néanmoins, une blessure à l’épaule lui coûte toute sa saison junior en 2004 avant qu’il ne revienne plus fort en 2005 pour son année senior. Il finit son cursus avec les records de l’école au nombre de yards (2834) et de touchdowns (18) et devient l’un des deux joueurs de Hofstra drafté lors de cette nuit du 30 avril 2006. Si Willie Colon part au 4e tour (en 131e position), Marques Colston doit lui attendre la 252e selection, soit seulement 4 places avant la dernière, celle de Mr Irrelevant (rôle tenu cette année-la par le Raider Kevin McMahan). Avec ce choix, les Saints réalisent sans doute l’un des plus beaux steals de l’histoire de la draft…

La Colston vertebrale des Saints

Marques_Colston_Finger_670
Suite à la mauvaise impression laissée lors du rookie mini-camp, où il n’arrête pas de se plaindre de la chaleur ou de douleurs dans le dos (y aller au volant d’une vieille Cadillac un peu pourrie de 1972 depuis Harrisburg n’était peut-être pas une si bonne idée..), Colston arrive au camp d’entrainement des Saints préparé comme jamais. Boosté par les mots d’encouragements de son coach universitaire (« Je ne pense pas que tu saches combien tu es fort »), il a également retenu la leçon donnée par l’assistant-coach des Saints, Curtis Johnson, qui lui avait affirmé lors de son arrivée que s’il n’était pas serieux et pro, il pouvait repartir tout de suite au volant de sa Cadillac pourrie.

Son corps filiforme, sa capacité d’ecoute et à capter tous les ballons lancés vers lui attirent l’attention du nouveau coach, Sean Payton, et de la recrue phare de la franchise à l’intersaison : Drew Brees, tout juste arrivé de San Diego. Les Saints sont tellement impressionnés par leur rookie qu’ils envoient Donte Stallworth à Philadelphie. Mais, surtout, lors d’une sale défaite de pré-saison face à Dallas (30-7), Bill Parcells indique à Sean Payton, son ancien protégé, qu’il « a un bon joueur et c’est Marques Colston », impressionné qu’il a été par le style agressif du receveur au numéro 12. L’avis du Big Tuna compte en NFL, encore plus lorsque c’est pour complimenter un joueur et Sean Payton fait de son 7e tour de draft son receveur #1 pour la saison qui débute.

De fait, c’est bien lui qui capte le premier touchdown de la carrière de Drew Brees sous le maillot à la fleur de lys doré, lors d’une victoire à Cleveland en ouverture de la saison 2006. Des 330 autres lancés par le futur Hall-of-Famer au cours des 10 saisons suivantes, Colston en captera 68, qui en font sa cible privilégiée loin devant Jimmy Graham (51) et Lance Moore (38).
Les saisons s’enchaînent, les victoires s’accumulent et, toujours, Marques Colston est au rendez-vous. Avec 693 réceptions et 9573 yards, il détient maintenant les records d’une franchise presque cinquantenaire et alors qu’il battait les précédentes marques en 2013, c’est par un simple communiqué émanant de l’équipe qu’il célébrait cet accomplissement. Pas de publicité, pas d’ego chez le receveur, juste le sentiment du devoir bien accompli et la fierté de pouvoir contribuer financièrement aux besoins de sa famille et de ses fondations en Pennsylvanie.

Sans jamais avoir été sélectionné au Pro Bowl, malgré huit saisons sur dix à plus de 900 yards et aucune à moins de 5 touchdowns, et malgré un corps ayant maintenant encaissé une décennie de coups, Marques Colston reste pourtant l’une des menaces les plus prégnantes que l’on puisse trouver sur un terrain, les New York Giants de 2015 peuvent en témoigner. Et quand arrive la red zone, son terrain de jeu favori, et que le #12 des Saints s’installe dans le slot, ses adversaires savent déjà qu’ils sont en danger. Le bruit se fait plus fort, le cœur bat plus vite, les sensations sont exacerbées, les réactions se doivent d’être millimétrés car, tout près, discrète mais profonde, la tempête gronde…

Tags →  
Partagez cet article sur : Twitter Facebook
Afficher les commentaires