[portrait] Super Bowl 50 : DeMarcus Ware, capitaine courage

Dallas Cowboy de légende, DeMarcus Ware a pourtant failli ne jamais y jouer. Et c’est sous ce même maillot que sa carrière a également bien failli s’arrêter, de manière aussi...

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Dallas Cowboy de légende, DeMarcus Ware a pourtant failli ne jamais y jouer. Et c’est sous ce même maillot que sa carrière a également bien failli s’arrêter, de manière aussi rapide qu’un de ses percées dans la ligne adverse. Mais la douleur, aigüe, ressentie ce jour-là sur le terrain ne pourra jamais vraiment être comparée à celles subies plus tôt dans sa vie d’homme.

Douleurs

Né à Auburn (Alabama) en juillet 1982, DeMarcus Ware est élevé seul par sa mère après que son père est parti du domicile familial alors qu’il n’était qu’un nourrisson. Sans beaucoup d’argent, sa mère, Brenda, lui offre des bottes de cowboys (un signe du destin…) trop grandes et, accoutré ainsi, décide de le surnommer « Boot », surnom qui le suivra toute sa carrière.

Si sa mère ne pouvait pas lui offrir de possessions de valeurs, elle lui offre tout de même des gènes de qualité, elle qui fut une star de l’équipe d’athlétisme au lycée d’Auburn et qui s’est même permis de faire partie de l’équipe de baseball, masculine, de l’établissement.

Alors qu’arrive l’adolescence, pour aider financièrement sa mère et sa demi-soeur, il tond des pelouses et vend de la limonade pendant les matches de l’équipe du coin, une petite université du nom d’Auburn…

« Beaucoup d’enfants n’ont pas de père et ils en veulent à la vie. Moi, j’ai décidé que cet événement n’allait pas déterminer qui j’allais devenir » DeMarcus Ware

C’est à cette même période qu’il rencontre au lycée une certaine Taniqua Smith, la fille d’un agent de police. Les deux tourtereaux vont alors entamer une relation qui les emmènera à un mariage en mars 2005, au sortir de la saison senior de DeMarcus à l’université. C’est en juin de la même année qu’ils apprennent que Taniqua est enceinte et qu’ils vont avoir un enfant. Comme le prouve malheureusement les statistiques, les premières grossesses sont à risque (bien qu’ils ne soient que de 3%) et Taniqua ne peut garder le bébé, faisant une fausse couche quelques semaines plus tard. Si la douleur est vive, elle est presque oubliée lorsque le couple apprend l’année suivante que Taniqua attend un autre enfant, un garçon. Les 3 premiers mois, les plus compliqués, se passent bien mais l’effroi s’abat sur eux lorsque les docteurs leur apprennent au bout du 5e mois que le fœtus ne possède pas de reins et qu’il ne sera pas viable en dehors de l’utérus de sa mère. La seule issue est l’avortement d’un bébé que DeMarcus et Taniqua prénomment tout de même Omar. En grand fan de poésie , DeMarcus lui écrit d’ailleurs quelques lignes qu’il appelle « Un ange dans le ciel » et se fait tatouer la lettre « O » entourée d’ailes, en hommage.

Totalement abattus par cette épreuve, le couple s’en remet au destin pour la conception de leurs enfants et, sans l’avoir donc vraiment prévu, Taniqua retombe enceinte en 2007. Déjà durement marqués dans leurs âmes et dans leur chairs, le couple doit affronter une nouvelle épreuve lorsque le cœur du fœtus s’arrête de battre après 5 mois… Alors qu’ils s’apprêtent à devoir effectuer un nouveau travail de deuil, leur pasteur leur apporte une lueur d’espoir. Connaissant une mère au 8e mois de sa grossesse réfléchissant à la possibilité de faire adopter la petite fille qu’elle porte, il intègre DeMarcus et Daniqua dans le processus et leur permet d’accueillir Marley en février 2008, prénommée ainsi en hommage à Bob Marley, le chanteur de reggae préféré de DeMarcus bien qu’il soit un fervent amateur de blues et un guitariste à ses heures perdues.

Si les routes de DeMarcus et Taniqua se sont depuis séparées, à travers un divorce en 2012, leur patience et persévérance a été néanmoins récompensée avec l’arrivée d’un petit garçon, DeMarcus Jr, en novembre 2010. Toujours en très bons termes, ils s’arrangent désormais pour que les enfants habitent avec leur mère à Fort Worth et passent deux semaines par mois à Denver avec leur père.

Auburn, Osi

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Et pour que Taniqua et DeMarcus se rencontrent à l’Auburn High School, le profil du jeune homme n’avait pas dû déplaire à la jeune femme. Grand et fin, il joue encore receveur du haut de ses 95 kilos et fait parler la poudre sur les terrains d’athlétisme, en étant l’un des meilleurs athlètes de l’Etat au saut en longueur et sur 60 mètres. Avec seulement 2 ans de football au compteur, DeMarcus ne reçoit qu’une seule offre de bourse de la part de Troy University, à une centaine de kilomètres de là. Pire encore, l’université ne lui addresse sa proposition que sur insistance pressante d’un de leurs meilleurs joueurs, ancien coéquipier de DeMarcus à l’Auburn High School : Osi Umenyiora. Le natif de Londres, passé par le Nigeria avant d’atterrir dans l’Alabama, jure aux coaches de l’université qu’il prendra soin de lui et, surtout, qu’il en fera un excellent pass rusher.

« C’était la personne que je cherchais à égaler au lycée et à l’université. Il devait donc garder d’excellents standards de performances » DeMarcus Ware à propos d’Osi Umenyiora

Avec sa titularisation lors de sa 2e saison, Ware commence à faire parler de lui pour ses sacks. En deux saisons ensemble, le duo qu’il forme avec Umenyiora dévaste tout sur son passage et amasse 52 sacks ½. Sur ses trois dernières saisons sous le maillot des Troy Trojans, DeMarcus Ware en réalise même 25 ½, ce qui lui amène une place de finaliste pour le Hendricks Award, décerné chaque année au meilleur defensive end universitaire.

La complicité unissant Umenyiora et Ware est la même qu’il peut entretenir désormais avec Von Miller sous le maillot des Broncos. Une émulation où chaque mouvement effectué peut amener son coéquipier à la terre promise, en l’occurence celle du terrain que le corps du quarterback s’apprête à aller goûter. Exactement le même type de gémellité que Ware avait su développer avec Anthony Spencer au cours de ses dernières années avec les Cowboys avec, comme exemple le plus flagrant, ce strip sack de Spencer face aux Redskins en 2011 pour conclure le match. Voyant que Rex Grossman avait passé la totalite du match à lui échapper par l’extérieur, Ware avait demandé à Spencer d’arriver du côté opposé, de contourner son adversaire avec une trajectoire bien plus large que la normale et de, surtout, continuer à poursuivre Grossman sans discontinuer… Jeu, set et match, Cowboys, sur cette action !

« Quand beaucoup de choses arrivent dans votre vie, vous vous arrêtez un instant et vous vous demandez : « Où est le positif là-dedans ? Que puis-je apprendre de tout ceci ? » Plutôt que de me demander « Pourquoi moi ? », j’ai toujours eu cette mentalité de me dire « Oui, ces choses là arrivent et que puis-je en retirer ? » » DeMarcus Ware

Le phénomène physique DeMarcus Ware est forcément remarqué en 2005 alors qu’arrive la draft. Doté d’un gabarit impressionnant d’1m93 pour 116 kilos et d’une vitesse de 4’56 au 40-yard dash (quand Adrian Peterson parcourt la même distance seulement deux dixièmes plus vite…), il est sélectionné en 11e position par les Dallas Cowboys, une petite place devant Shawne Merriman qui va, lui, garnir les rangs des Chargers.
Si sa puissance herculéenne (l’impact de ses sacks a été mesuré à plus d’1,5 tonne par l’émission d’ESPN «Sports Science») et ses bras tentaculaires de 87 cms de long lui confèrent tout l’attirail dont doit disposer un pass rusher digne de ce nom, DeMarcus ne cache pas que sa sélection en si haute position doit surement beaucoup au succès d’Umenyiora chez les Giants. Plus petit mais plus lourd, le Giant Osi vient d’accomplir en 2004 une belle saison sophomore, avec 7 sacks, 40 plaquages et 3 fumbles forcés. Et pourtant, dans les coulisses, le destin texan de DeMarcus n’a tenu qu’à un fil…

Alors que Bill Parcells veut absolument sélectionner Marcus Spears en 11e position pour jouer dans son nouveau système 3-4 en défense, il doit s’incliner face au nouveau Vice-Président du Personnel, Jeff Ireland, et ses scouts qui mettent leur veto sur ce joueur à une si haute position. Et si ces mêmes scouts approuvent totalement la sélection de Ware à cette place, Parcells insiste plutôt pour récupérer Merriman, le futur « iroquois ». Alors quand Jerry Jones annonce que c’est bien le natif d’Auburn qu’il choisit pour être le premier choix des Cowboys, c’est avec une colère froide que le Big Tuna accueille la nouvelle, signe d’une influence s’éteignant peu à peu. La sélection de Marcus Spears au 20e rang lui redonnera quand même du baume au cœur quelques minutes plus tard…

Cowboy Boot

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Le changement de position de defensive end à l’université au poste de weakside linebacker dans le systeme 3-4 des Cowboys et de Bill Parcells demande un temps d’adaptation à DeMarcus.

Néanmoins, sa première année est un succès : il débute les 16 matches, établit le record de la franchise pour le nombre de sacks (8) par un linebacker rookie et enregistre le 2e plus grand total de sacks pour un rookie defensif dans l’histoire des Cowboys, indépendamment de la position. Les critiques s’abattent pourtant sur lui du fait de l’irrégularité de ses performances. 4 sacks pour commencer la saison lors des 6 premiers matches avant de présenter un zéro pointé lors des 8 rencontres suivantes. Il lui faut regarder des vidéos du futur Hall of Famer Derrick Thomas pour retrouver le chemin du quarterback adverse et répondre au questionnement de Jerry Jones en réalisant un match plein (3 sacks) face aux Panthers en semaine 15. Du Chief, il s’inspire de sa technique en mouvement et de sa capacité à se pencher tout en contournant son adversaire. Mais, évidemment, avec un coach comme Bill Parcells, l’autre référence reste pour lui Lawrence Taylor, à propos duquel DeMarcus note également sur un carnet toutes les anecdotes que peut lui raconter le Big Tuna. Du jeu du dernier MVP défensif de l’histoire, DeMarcus retient en particulier sa ténacité et sa persévérance sur chaque action.

Le #94 va même jusqu’à prendre des cours de karaté pour améliorer ses mouvements de main face aux offensive linemen adverses. Dans son équipe actuelle des Broncos, son compère Von Miller a d’ailleurs surnommé leur duo « Karate Kid et M. Miyagi » avec Ware dans le rôle du sage savant, apprenant toutes les ficelles et roublardises du métier au plus jeune, Miller.

« Habituellement, les pass rushers disent : « voilà ce que je vais faire, essaie de m’en empêcher ». Moi, je dis « Vous savez quoi ? Je ne sais pas ce que je vais faire ». Du coup, ils ne savent pas comment m’arrêter » DeMarcus Ware sur son jeu

En 2008 et 2011, avec ses 20 et 19,5 sacks, Ware se sent presque invincible, convaincu que personne ne peut l’arrêter et signe en 2009 un contrat mirobolant de six saisons pour 79 millions de dollars, récompensant son travail et son talent.

Entre ces deux saisons magnifiques, il se blesse néanmoins à la nuque face aux Chargers en cette même saison 2009. Cette blessure, au cours de laquelle son casque s’entrechoque avec la hanche d’un offensive lineman, le laisse même pour un moment incapable de bouger ses mains et ses jambes et obligent les services médicaux des Cowboys à le sortir sur une civière. Avec un tel coup d’arrêt et une blessure dont les séquelles se font encore sentir maintenant, mettant clairement en péril le reste de sa carrière, le linebacker se pose des questions sur son avenir en NFL. Ne s’imaginant pas « revivre un moment aussi traumatisant », il songe sérieusement à prendre sa retraite afin de pouvoir se consacrer à sa famille. Mais le pouvoir d’attraction du football est trop fort et Ware remet les protections dès la semaine suivante face aux Saints. La légende conspirationniste, ainsi que DeMarcus Ware lui-même, remarqua que l’équipe de Sean Payton fit même exprès de courir sur le premier third-down du match, ce qu’ils ne faisaient que très rarement à l’époque, de façon à pouvoir blesser le linebacker des Cowboys, qui s’était en tout cas senti visé personnellement par ce choix…

Sous le maillot blanc et bleu, DeMarcus Ware devient sans doute le plus grand pass rusher de l’histoire de la franchise, alignant presque 9 saisons complètes et 134 matches d’affilée pour des résultats grandiloquents : 442 plaquages, 117 sacks, 32 fumbles forcés, 2 interceptions dont une retournée pour un touchdown (41 yards face à Atlanta en 2006, sur laquelle il met un stiff arm de premier ordre à Michael Vick qui vient de lui placer la balle dans les mains…).

Avec le renvoi de Rob Ryan et l’arrivée de Monte Kiffin au poste de coordinateur défensif, les Cowboys repositionnent néanmoins DeMarcus Ware au poste de defensive end à l’inter-saison 2013, presque un retour aux sources pour lui qui jouait à ce poste à Troy. Ce changement doit lui permettre d’exploiter sa vitesse face aux linemen adverses, plus lourds, et lui permettre d’encaisser moins de chocs qu’au poste de linebacker. Lui-même se dit « confiant que ce changement de position (lui) permettra de rester en bonne santé plus longtemps et d’avoir une carrière plus longue ». Au sortir de la saison, les Cowboys n’ont toutefois pas le choix et doivent se résoudre à se séparer de lui. Si les defensive ends de la NFL tournent autour d’un million de dollar par sack, DeMarcus est, lui, bien loin de ce résultat, avec son salaire de 14 millions de dollars pour seulement six sacks. Avec un contrat lui promettant encore plus de 15 millions par an sur les 4 saisons suivantes, Jerry Jones se voit forcé de laisser s’en aller le numéro 94.

Mais si la courbe pouvait sembler déclinante à son départ de Big D, l’air des Rocheuses semble avoir revigoré Ware. Au même poste de defensive end, il effectue une première saison extrêmement prometteuse, retrouvant la dizaine d’unités dans la colonne sacks, mais voit la défense des Broncos, dont il a été nommé capitaine, incapable de stopper Andrew Luck et les Colts sur la route de l’AFC Championship Game. Cette saison, de retour dans un rôle de linebacker, c’est bien « sa » défense qui aura permis à Denver de passer l’obstacle New England et de retourner au Super Bowl, deux ans après celui perdu face à Seattle. DeMarcus Ware jouera sa première finale au Levi’s Stadium, nul doute qu’il a déjà vecu trop de déceptions et de douleurs dans sa vie pour ne pas vouloir sortir du terrain victorieux.

A la saison prochaine pour une nouvelle galerie de portraits!

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