[Super Bowl Stories] Épisode XXIII : That ’80s Show

À 28 semaines du Super Bowl LII, épisode 23 de notre rétrospective exceptionnelle, le Super Bowl XXIII. Cincinnati Bengals (AFC) vs. San Francisco 49ers (NFC) – 22 janvier 1989 Super,...

À 28 semaines du Super Bowl LII, épisode 23 de notre rétrospective exceptionnelle, le Super Bowl XXIII.

Cincinnati Bengals (AFC) vs. San Francisco 49ers (NFC) – 22 janvier 1989Super Bowl XXIII.svg

Super, le Super Bowl ne l’a pas toujours été. À 20 ans, le nouveau bébé de la NFL devenu adulte émancipé a souvent accouché de matchs ennuyeux, parfois à la limite du ridicule. Fessées XXL, rencontres pliées dès la pause, salades de gaffes indignes, stars qui se craquent, le suspense a souvent préféré se tirer en douce. Pourtant, à Miami, le 22 janvier 1989, il ne se défile pas. Face à l’enjeu, il ne bronche pas, ne s’évanouit pas, ne s’enfuit pas. Jusqu’au bout, il va faire donner le tempo d’une rencontre haletante. Attendu ailleurs, il ne quittera le stade qu’à 34 secondes de la fin, au terme d’un Superbe Bowl. Le Big Game dit adieu aux 80’s en beauté.

Le bureau des légendes

Depuis leur triomphe du Super Bowl XIX, les 49ers n’ont plus gagné le moindre match de séries. Pourtant, jamais il n’ont raté le train. 1985, 86, 87, chaque fois ils se sont qualifiés, chaque fois ils ont chuté dès le premier tour. Giants, Lions, Vikings. L’armada offensive emmenée par Joe Montana, Jerry Rice et Roger Craig se craque systématiquement. Pourtant, tous dégoulinent d’un talent insolent. En 88, portés par 10 succès, ils se vengent des Northmen, éclatent les Bears et retrouvent le Super Bowl. Endormis depuis 3 ans, les chercheurs d’or se sont enfin éveillés. Un réveil loin d’être paisible pourtant. La faute à une saison houleuse et un dilemme à deux noms : Joe Montana ou Steve Young ?

Titulaire pour démarrer la saison, Montana est envoyé sur le banc en fin de rencontre face aux Saints, dès le match d’ouverture. Pourtant il vient de balancer trois touchdowns et de donner un peu d’air aux 49ers. Seulement, Bill Walsh veut à tout prix donner un peu de temps de jeu à sa doublure, arrivée de Tampa un an plus tôt. Un safety et un touchdown plus tard, il s’en faut d’un rien pour que les joueurs du Bayou ne leurs volent la victoire. 7 jours plus tard, soucieux de l’état physique de Montana, le coach lui préfère Steve Young. La semaine suivante, l’ancien de Pitt est de retour aux commandes. Deux semaines plus tard, il est de nouveau envoyé sur le banc face aux Broncos de John Elway après une prestation piteuse. Après 7 semaines d’un chassé-croisé à donner la gerbe, les Niners ont pourtant déjà 5 succès au compteur. En semaine 9 face aux Vikings, titulaire et complètement à côté de ses pompes, Steve Young se fait copieusement siffler par les fans du Candlestick Park avant de signer le highlight de sa carrière sur une chevauchée folle victorieuse.

Toujours concerné par la condition physique de Montana, Bill Walsh choisit pourtant de lui faire confiance jusqu’à la fin de la saison. Fin du yo-yo. Un choix qu’il ne regrettera pas. Le passeur remporte 4 des 5 dernières rencontres et assure une place en playoffs. De 6-5, à formation la plus impressionnante de la ligue. Il suffisait de trancher.  Près de 3000 yards et 18 touchdowns, malgré l’incertitude constante rodant autour de son rôle et des rencontres amputées d’un temps de jeu précieux, le quarterback flanqué du #16 aura su répondre présent. Montana ou Young, Jerry Rice s’en fout et se gave comme un porc. Le receveur engloutit 1306 yards et marque 9 fois. Joueur Offensif de l’Année, Roger Craig se gâte au sol comme dans les airs et cavale pour un total combiné de 2036 yards, 10 touchdowns à la clé. Les Golden Boys de baie de San Francisco offrent un football excitant à défaut de toujours être efficace.

En défense, les Niners s’appuient sur une redoutable escouade de chasseurs de ballons. Emmenés par Ronnie Lott et sa légendaire finesse, Eric Wright, Jeff Fuller et Tim McKyer volent 18 passes. Près de la ligne, le linebacker Charles Haley et sa polyvalence signent 11,5 sacks. Dans l’ombre d’une attaque en or massif, la défense californienne est souvent regardée de haut. Grave erreur. En séries, elle se met au diapason d’une attaque incandescente. Au premier tout, le pauvre Wade Wilson et envoyé 6 fois au tapis et les Vikings ne voient jamais le jour (34-9). En finale de conférence, les nouveaux bourreaux de la NFC Nord dégoûtent les Bears dans un froid polaire (-30 degrés en ressentie). Jim McMahon est pris à la gorge et les Niners deviennent la première franchise à décrocher le titre NFC sur la route depuis les Rams de 79. Intraitables en défense, démentiels en attaque, les chercheurs d’or s’envolent vers Miami la fleur au piolet.

Dans l’Ohio, on tire la gueule. Depuis le Super Bowl XVI perdu face aux… 49ers 7 ans plus tôt, les Bengals n’ont connu qu’une fois les séries. L’année suivante, en 82. Un passage express, une gifle XXL assenée par les Jets (17-44), puis plus rien. Forrest Gregg débarqué, Sam Wyche, grand pote de Bill Walsh, arrive aux commandes avec un avantage de poids : il connait les Niners. Par seulement le entraîneur, leurs tactiques aussi. Il y a été coach assistant de 79 à 82. Après un léger sursaut en 86 qui voit Tigres de l’Ohio rater les playoffs d’un rien, c’est la rechute. 4 victoires, 11 défaites dans une campagne 87 écourtée et ponctuée par une querelle à micros ouverts entre le coach et Boomer Esiason, le quarterback. Misérable à tous les égards. À tel point que nombreux sont les fans de Cincy à souhaiter le départ des deux hommes. Tabula rasa. Au-lieu de ça, en adultes responsables, ils choisissent de prendre sur eux et de faire fi de leurs différends. Une tactique intelligente et terriblement payante.

3572 yards, 28 touchdowns, 14 interceptions, la meilleure évaluation de la ligue, 12 succès et un titre de MVP au bout d’une saison à 180 degrés. Imbattables dans leur Riverfront Stadium, les Bengals vont cueillir 4 succès précieux à l’extérieur pour s’assurer l’avantage du terrain tout au long des séries. Au sein d’une attaque qui compte dans ses rangs pas moins de 6 Pro Bowlers, le receveur Eddie Brown s’éclate, attrape 54 passes, cavale 1273 yards, marque 9 fois et signe une poignée de records de franchise. Tim McGee et le tight end Pro Bowler Rodney Holman se mettent à deux pour conquérir 1213 yards de plus et inscrire autant de touchdowns, compléments parfaits d’une attaque aérienne qui joue sans complexe. Au sol, le fullback Ickey Woods et son mythique Ickey Shuffle en guise de célébration croisent la ligne 15 fois et galopent 1066 yards pendant que le polyvalent James Brooks ajoute 1218 yards et 14 touchdowns dans les airs comme sur le gazon chatoyant de Cincy. Un succès que l’escouade doit en grande partie à deux hommes : Max Montoya et Anthony Muñoz, sacré Offensive Lineman of the Year pour la 3e fois de son illustre carrière, en route vers un 8e Pro Bowl consécutif. Attaque la plus prolifique en points, la plus gourmande en yards, la plus conquérante au sol. Un football offensif total. Feu d’artifice en perspective.

Pendant que l’attaque se goinfre, la défense patauge dans le ventre mou. 17e escouade de la ligue, elle concède des yards et points en pagaille. Pourtant, Cincinnati peut compter sur une redoutable ligne défensive, emmenée par le Pro Bowler Tim Kumrie, l’inoxydable Reggie Williams, Bengals pour la vie et rare survivant du Super Bowl XVI, sur la ligne de linebacker, ainsi qu’Eric Thomas et David Fulcher, une paire de Pro Bowlers gourmands en interceptions dans le fond du terrain. À défaut de compter des stars dans ses rangs, la défense de l’Ohio s’appuie sur un groupe homogène. Suffisamment pour ne pas systématiquement gâcher le travail de destruction massive d’une attaque souvent inarrêtable. En séries, elle monte même d’une octave ou deux et n’accorde que 13 points aux Seahawks et 10 aux Bills de Jim Kelly. Thurman Thomas est étouffé, le jeu au sol de Cincinnati se marre. Les joueurs de Sam Wyche avancent vers le Super Bowl blindés de confiance. Cette fois-ci, c’est la bonne.

Miami (pas si) Nice

Confiants, mais loin d’être favoris. À côté de Joe Montana, Ronnie Lott, Jerry Rice et Bill Walsh, un meilleur bilan et un quarterback MVP ne font guère le poids aux yeux des bookmakers. Il faut dire qu’après une campagne parfois houleuse, on a retrouvé le double MVP des Super Bowls XVI et XIX. Le parfum des séries sûrement. Surtout que côté Bengals, Boomer Esiason n’est pas au somment de sa forme et que les félins s’en sont remis à un jeu au sol survitaminé en séries, pour venir au secours d’une attaque manquant cruellement d’imagination et d’actions d’éclat.

Pour la dernière fois de l’histoire, le Super Bowl se dispute l’avant-dernier dimanche de janvier. Pour la troisième fois, l’affiche offre des retrouvailles. Pour la sixième fois, et malgré les émeutes qui éclatent du 16 au 18 janvier après la mort d’un motard noir, abattu par un policier Hispanique, et les rumeurs grimpantes de déplacement à Tampa, ce sera bien sous la douceur et le soleil de Miami que se tiendra le Big Game. Mais pas dans le Orange Bowl. Au Joe Robbie Stadium, dans le nouvel écrin des Dolphins sorti de terre deux ans plus tôt, le soleil brille encore de mille feux au moment du coup d’envoi. Après le vent et le déluge du matin et dans une atmosphère légèrement apaisée quoique toujours tendue, l’heure a sonné. Pourtant, Stanley Wilson manque à l’appel. La veille, le fullback des Bengals, atout ô combien précieux du jeu au sol, s’est fait prendre les narines dans la farine dans sa chambre d’hôtel. Une fois ça passe, deux fois nettement moins, trois fois, c’est rédhibitoire. Viré du roster par sa franchise, le coureur est banni à vie de la ligue. À moins de 24h du coup d’envoi. Une énorme tuilasse. Pendant ce temps-là, dans le vestiaire californien, détendu comme un fumeur de marijuana, Bill Walsh se tape une sieste sur le sol, étendu devant le tableau tactique.

« Je voulais montrer aux joueurs à quel point j’étais bien, parfaitement détendu et prêt au combat, » racontait-il récemment à NFL.com.

Détendu, mais pas insensible. Car pour l’iconique coach de San Francisco, le Super Bowl XXIII pourrait bien être son dernier match.

« Je suis sorti seul sur le terrain avant le match et j’ai une pensée m’a traversé l’esprit, ‘Nous y voilà, c’est peut-être bien mon dernier match,' » confiera-t-il des années plus tard. « Je suis assez fier d’avoir gardé pour moi la possibilité de prendre ma retraite. Je ne voulais pas exacerber leurs sentiments, tomber dans le ‘gagnons pour le coach’ ou je ne sais quoi. Les joueurs gagnent pour eux-mêmes, pas pour un coach ou un propriétaire. »

Dans un début de rencontre qui vire à la boucherie, le tackle californien Steve Wallace se pète la cheville dès la 3e action en voulant protéger le côté aveugle de son passeur et doit être évacué du terrain sur une civière. Quelques minutes plus tard, c’est le défenseur de Cincy Tim Krumrie, clé de voute inamovible du 11 orange, qui se retourne la cheville à 180 degrés et s’écrabouille deux os de la jambe gauche. PEGI 18. « Relève-toi, s’il te plait » siffle Sam Wyche sur la touche. Il en est incapable. Son tibia et son péroné viennent de rendre l’âme. Sous le choc, peu inspirées et emmerdées par de violentes bourrasques, les deux équipes s’échangent les punts. Réveillés par une pénalité pour avoir foncé sur Montana à contre-temps généreusement offerte par des Tigres un peu trop engagés, les Niners trouvent enfin un semblant de rythme et remontent de leur ligne de 3 jusqu’aux 24 des Bengals. Mike Wilson croit bien les déposer aux portes de la endzone en attrapant une passe à deux yards de la délivrance, mais pour la première fois de l’histoire du Super Bowl, la reprise vidéo va en décider autrement et renverser la décision sur le terrain. Incomplete pass. San Francisco doit se contenter d’un coup de pied de 41 yards de Mike Cofer. Les 15 premières minutes s’achèvent sur une réception à une main et en deux temps de Jerry Rice. Du bonheur pour les yeux. De quoi booster le semblant de momentum.

La petite pause ravitaillement en bières n’a pas coupé le bel élan des protégés de Bill Walsh. Du coin de l’œil, Joe Montana aperçoit Rice abandonné en homme-à-homme avec Lewis Billups. Une erreur de débutant. Le passeur appui sur la gâchette, le receveur ne tremble pas et les Niners font un bond de 32 yards. Plus que 10 pour atteindre la peinture. C’est sans compter sur un sauvetage de David Fulcher à deux yards de la ligne, sur un 3e essai. Il faudra de nouveau se contenter du minimum. Et encore. Le centre Randy Cross expédie un snap tout pourri entre ses jambes, brise la mécanique du botteur californien et de 21 yards, le ballon file à gauche. Cofer rejoint Rich Karlis dans le club exclusif des kickers à avoir réalisé le plus court raté de l’histoire du Super Bowl. Un record jamais surpassé. Et pas le dernier du match.

Rapidement stoppés, les Benglas doivent dégager leur camp et les équipes spéciales de la baie de San Francisco s’illustrent encore. John Taylor et son absence totale de compas dans l’œil jugent mal la trajectoire du dégagement, le cuir lui file au-dessus du casque et vient s’immobiliser sur les 9 yards des Niners, après un voyage de 63 yards dans les airs. Un record pour un Super Bowl. Un record en amenant un autre, Taylor se saisit du cuir, décampe à toutes enjambées dans l’autre direction, pour n’être neutralisé que 45 yards plus loin. Là aussi, un record. Ou comment un gros raté sur un punt des plus anodins vient garnir le livre d’or de la NFL. Une remontée folle dont les 49ers ne vont absolument pas profiter. Un fumble d’Harry Sidney sur un pitch de Montana sauvé in extremis, mais qui les fait reculer de 10 yards, un sack sur son Altesse Sérénissime et un nouveau fumble de Roger Craig recouvert par le Bengal Jim Skow. Un concentré de tout ce qu’il ne faut pas faire. Le match vire à la farce. Comme une impression de déjà vu.

Pas plus éclairé, Boomer Esiason rate la cible deux fois avant d’aller brouter le gazon. Le match s’enlise et s’installe dans une guerre de possession stérile et pas très excitante. La bataille des tranchées est indécise. Acharnée. Les deux escouades offensives sont à l’arrêt. Tant bien que mal, alors que les secondes s’égrainent et que la pause pointe le bout de son nez, le passeur de l’Ohio déniche quelques failles et fait avancer sa troupe. Bien aidé par un timide punt de Barry Helton, il remonte jusqu’aux 16 yards de San Francisco et met Jim Breech sur orbite. 3-3. Pour la première fois de l’histoire du Big Game, les deux formations rentrent aux vestiaires dos-à-dos. Jamais depuis le Super Bowl IX, le tableau d’affichage aura été aussi peu garni à la pause.

Joe Cool

Le show de la mi-temps achevé, les Bengals reviennent sur le terrain avec un message pour leur cousins californiens : vous ne reverrez pas le ballon de si tôt. La troupe emmenée par Esiason enquille les jeux, attrape les yards par poignées et remonte 61 yards en 12 temps et plus de 9 interminables minutes pour la défense de la baie. Après un piteux 4/12 dans le premier acte, le quarterback ne rate qu’une seule de ses 4 tentatives. Une précision retrouvée, mais pas suffisamment pour faire péter le verrou californien. Jim Breech ajoute 3 points et les Bengals passent devant d’un souffle pour la première fois. Et après un rapide stop en défense, ils pensent bien tenir l’occasion de creuser un semblant d’écart. C’est sans compter sur Bill Romanowski. Placé en embuscade, le linebacker rookie intercepte Boomer Esiason et les 49ers, pas franchement plus inspirés, égalisent déjà. 6-6.

Le troisième quart temps touche bientôt à sa fin et toujours pas le moindre touchdown à l’horizon. Du jamais vu dans un Super Bowl. Une joute défensive qui détonne à l’âge d’or d’un football ultra-offensif, habitué aux orgies de points. À défaut d’offrir un spectacle de haut vol, les acteur casqués ménagent un suspense de plus en plus délicieux à mesure que les secondes s’envolent. Surtout, Stanford Jennings le bien nommé nous mijote une issue bien plus palpitante. À la réception du coup d’envoi, le coureur attrape le cuir à 7 yards de son en-but, emboite le pas de l’armée de bloqueurs placée en ligne devant lui, déboule comme un taré au cœur de la couverture poreuse des 49ers, fonce tout droit en direction de la peinture, résiste au retour désespéré de Terry Greer et plonge en plein bonheur, 93 yards plus loin. Comme une baffe en pleine face, la remontée folle de Jennings réveille la troupe de Montana. En alchimiste, Jerry Rice transforme une courte passe de son lanceur en gain de 31 yards. On change de camp, pause publicitaire, il ne reste plus que 15 minutes à jouer. Joe attaque le dernier acte avec maestria et expédie une passe de 40 yards dans les mains de Roger Craig. Un frisson, une passe à deux doigts d’être interceptée, et Jerry Rice comble les 14 derniers en coin, le corps en extension, parallèle avec le gazon. 13-13. 4 jeux, 85 yards. Létal.

Cofer a beau expédier le coup d’envoi en dehors des limites du terrain, les Bengals ne grappillent que 8 maigres yards et rendent rapidement le cuir. Encore à côté de ses pompes, John Taylor échappe le punt. et peut dire un grand merci à un Darryl Pollard vigilant comme jamais qui lui sauve les miches. 44 yards vers Rice, 7 en direction de Craig. On prend les mêmes et on recommence. Les 49ers se rapprochent, mais les Cincy n’est pas prête à rendre les armes et stoppe leur élan à distance des poteaux. Tout aussi inspiré que son pote retourneur, Mike Cofer envoie sa tentative lointaine se perdre dans les nuages. Les secondes passent, la tension grimpe et le suspense avec. Quelques passes distribuées à droite à gauche, des courses tranchantes de Ickey Woods et Breech ne rate pas la cible, lui. Les Bengals reprennent les commandes. Mollement. Fébrilement. Mais ô combien précieux. Sur le banc de Cincinnati, une brise de confiance. « On les tient, » entend-on.

« T’as vu qui était leur quarterback ? » lâche Cris Collinsworth, stressé comme jamais.

Il reste 3 minutes 10 et 92 yards à combler. Bien plus qu’il n’en faut pour Dieu Montana. Dans le huddle, les cœurs battent plus vite que d’habitude. À l’autre bout du terrain, les attend une nouvelle bague de champion. Pour certains, une énième ;- pour d’autres, une première. Détendu, du moins en apparence, le quarterback californien pointe le doigt vers la foule, lâche, « Ça serait pas John Candy ? » (un acteur canadien, ndlr) et fait retomber la pression. Joe Cool. Certain d’être attendu de pied ferme près des lignes de côté, Joe Montana choisit de pilonner au centre du terrain, quitte à laisser filer quelques précieuses secondes. Une passe vers la touche, en direction de Jerry Rice, une paire de courses de Roger Craig et les voilà sur leurs 35 yards. Joe a beau faire signe à son coach de prendre un temps mort, Bill lui fout un râteau. Deux mêmes. Pas question de briser la cadence. Une remontée lente, au pas, mais méticuleuse. Deux jeux plus tard, épaulé par ses deux gadgets préférés, le passeur se retrouve sur les 35 de Cincinnati. Une passe ratée, une pénalité et les voilà 10 yards plus loin à devoir négocier une 2e et 20 avec 75 secondes à jouer. Toute la baie de San Francisco retient son souffle. La magie Montana est en train d’opérer.

« Quand on l’a vu être clutch autant de fois que nous, on en vient à penser qu’il peut l’être à chaque fois, » confiera le tackle offensif  Bubba Paris. « Il est incroyablement appliqué. Pas un grand bavard, il fait juste son job. »

Une poignée de secondes plus tard, l’air est un peu moins irrespirable. Les 49ers avaient besoin de 20 yards, Joe est allé en cueillir 27 dans les airs, laissant le soin à Rice d’aller en chercher 18 de plus après le catch. 20 Halfback Curl X-Up. Avec 39 secondes à jouer, Montana clôt son récital dans les mains d’un John Taylor si fébrile sur les retours de punts, mais qui n’aura pas flanché dans la peinture. Bill Walsh vient d’appeler le dernier jeu de son immense carrière. Sur le bord du terrain, Steve Young bondit comme un gamin de 10 ans. À deux pas de la peinture, le guard Jesse Sapolu retire son casque, s’agenouille et se pince les yeux, submergé par l’émotion. Brillants jusqu’au bout, les 49ers auront parfaitement su exploiter la tendance des Bengals à ordonner des prises à deux sur l’extérieur près de la ligne. Étirer le jeu pour ouvrir le milieu. Bingo. 20-16. Il ne reste plus de temps au chrono, Boomer Esiason décoche sa dernière flèche en direction de Cris Collinsworth. Elle n’atteindra jamais sa cible. Le receveur vient de laisser filer la dernière passe de sa carrière. Les Niners retrouvent leur trône doré. Jerry Rice, Joe Montana et Roger Craig, les Golden Boys de l’attaque californienne, auront donné le tournis à de pauvres Bengals, incapables d’endiguer le flot à mesure que la rencontre se rapprochait du money time. Loin des boucheries habituelles sans grand intérêt, le Super Bowl XXIII aura accouché d’un duel haletant de bout en bout. Une rencontre livrée à un rythme crescendo, pour une fin en apothéose. Et la NFL en avait cruellement besoin.

Après une semaine de troubles à Miami et l’enfarinage de narines de Stanley Wilson, la ligue n’aurait pas supporté que son extravagants et bling-bling Super Bowl accouche d’une nouveau navet. Surtout pas pendant que les stars de MLB et de la NBA rivalisent de prouesses pour offrir des finales dantesques. Depuis le premier sacre des Niners 7 ans plus tôt face aux mêmes Bengals, pas un seul Big Game ne s’est joué à moins de 10 points d’écart. Une victoire pour la NFL, un triomphe pour les 49ers, une déception immense pour les Bengals se Sam Wyche. Mais comment en aurait-il pu être autrement face à un tel génie du money time ?

« Je ne connais personne d’autre capable de jouer aussi bien que Joe dans les derniers instants, » conclut le coach, fataliste.

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