[histoire] « The Heidi Bowl » : quand une petite fille soulève la consternation des fans NFL

Le football règne aujourd’hui en maître sur les grandes chaînes de télévision américaines. FOX, NBC, CBS et ESPN se partagent le lucratif gâteau que représente la NFL. Tous les dimanches,...

Le football règne aujourd’hui en maître sur les grandes chaînes de télévision américaines. FOX, NBC, CBS et ESPN se partagent le lucratif gâteau que représente la NFL. Tous les dimanches, des millions d’Américains se réunissent pour assister à l’autre grande messe dominicale. Mais le football n’a pas toujours fait la loi sur les réseaux télévisés. Et si c’est le cas aujourd’hui, c’est en grande partie grâce à un événement pour le moins cocasse qui, pourtant à l’époque, irrita des dizaines de milliers de fans. Cet événement, c’est le « Heidi Bowl ».

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Daryle Lamonica dompte la défense des Jets dans un match de légende

Un choc de légende(s)

17 novembre 1968. L’affiche qui s’annonce au Oakland-Alameda County Coliseum promet de faire des étincelles. Face à face, les Raiders et les Jets, deux des toutes meilleures équipes de la ligue, avec dans leurs rangs pas moins de dix futurs Hall of Famers. Un succès new-yorkais serait synonyme de titre de division et de billet pour l’AFL Championship Game. Comme si l’enjeu sportif ne suffisait pas, les deux formations sont animées par une féroce rivalité. Membres fondateurs de l’American Football League huit ans plus tôt, les histoires récentes des deux franchises sont intimement liées.

« Quand les Jets jouaient les Raiders, ça n’était pas une rivalité. C’était une guerre, » insiste Frank Ramos directeur des relations publiques de la franchise new-yorkaise.

Le ton est donné et sur le terrain le match remplit toutes les promesses. Le quarterback californien Daryle Lamonica répond a deux field goals précoces des Jets et inscrit le premier touchdown de la rencontre. A l’entame du deuxième quart-temps les Raiders enchaînent et l’ancien Heisman Trophy Billy Cannon s’envole vers la endzone sur une passe de 44 yards. Le futur Hall of Famer Joe Namath orchestre la réplique et a cinq seconde de la mi-temps les Jets marquent. La tentative de conversion à deux points échoue. A la pause les Raiders sont devant (14-12).

En seconde mi-temps, le chassé-croisé s’engage. Les attaques dictent leur loi. Joe Namath et Daryle Lamonica se répondent du tac au tac. C’est un véritable festival offensif. Il reste un peu plus d’une minute à l’horloge. Les Jets inscrivent un field goal et prennent les devants (29-32). La suite appartient à l’histoire. Et ce, à bien des égards.

Une fin de match épique

Parti de ses 23 yards, Daryle Lamonica remonte le terrain et envoie Charlie Smith en terre promise. Les Raiders prennent quatre longueurs d’avance à quelques secondes de la fin. Sur le coup d’envoi, les Jets échappent le ballon, le Californien Preston Ridlehuber s’en empare et parcourt les deux petits yards qui le séparent de la endzone. En neuf secondes, Oakland vient de marquer deux fois et d’assommer son rival. La guerre est gagnée (43-32). Seulement, en dehors des personnes présentes au Coliseum personne n’a assisté à cette fin de match épique. La faute à Heidi, une petite Suissesse.

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La coupable, c’est elle

A 1 minute et 5 secondes de la fin, alors que les Jets viennent de prendre l’avantage, le diffuseur NBC envoie la pub. Jusque-là rien d’anormal. Ce qui l’est plus, c’est ce qui arrive à l’issue de la coupure commerciale. A 19h précise, consternés, les fans de footballs rivés sur leurs écrans, assistent aux premières minutes du film pour enfants Heidi, dont la diffusion par la chaîne était prévue de longue date. Pas de football, pas de fin de match à suspense. Avant la rencontre, les représentants du réseau télévisé s’étaient concertés sur ce qu’ils feraient si le match durait plus longtemps que prévu et avaient décidé de maintenir le film quoi qu’il arrive, sûrs du succès d’audience que Heidi leur apporterait. Alors que le temps passe et que le match se prolonge du côté d’Oakland, le programmeur de NBC Dick Cline ne reçoit aucun contre-ordre et maintien donc la programmation.

Seulement, entre-temps, les dirigeants de la chaîne ont changé d’avis et tentent en vain de joindre Cline. La faute à un standard saturé, d’une part par les téléspectateurs demandant à NBC de maintenir Heidi et, d’autre part, de fans de football exhortant la chaîne à continuer la diffusion du match. Résultat des courses, le message n’arrivera jamais jusqu’à Dick Line. Pire, vingt minutes plus tard, un bandeau annonçant le résultat de la rencontre et le retour des Raiders apparaît en bas de l’écran. Les fans de la NFL sont consternés.

NBC sous le feu des critiques

Au-delà du flop de NBC, cet événement pour le moins singulier tient également à la durée inhabituelle de la rencontre. A l’époque, les matchs durent en moyenne 2h30. Dès lors, les 3h prévues pour la diffusion du choc entre les Jets et les Raiders semblent amplement suffisantes. Seulement, l’accumulation de blessures et de pénalités rallonge considérablement la durée de la rencontre, provoquant ainsi le conflit avec la programmation du film Heidi. Un malheureux concours de circonstances que des milliers de fans n’ont certainement pas digéré.

Peu de temps après ce camouflet, la ligue insère une clause dans ses contrats avec les télévisions assurant la diffusion intégrale des rencontres sur les marchés locaux. De son côté, NBC installe une ligne spéciale en régie, le « Heidi phone », afin d’éviter qu’un tel fiasco se répète. Cet événement a été le véritable révélateur de l’immense popularité du football chez les Américains. Un tel désastre semble désormais absolument inenvisageable. A moins d’être fan des Chargers, auquel cas ce ne sont pas seulement les fins de matchs que l’on risque de rater, mais l’intégralité des rencontres, la faute aux blackouts télés de la ligue qui guettent souvent l’équipe lorsque toutes les places au stade ne sont pas vendues.

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