[portrait] Michael Vick, la rédemption de l’Elu déchu

Lambeau Field, 1er janvier 2003, c’est en cette soirée magique de Divisional Round que les Green Bay Packers vont perdre l’invicibilité à domicile en playoffs qu’ils conservent depuis que la NFL...

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Lambeau Field, 1er janvier 2003, c’est en cette soirée magique de Divisional Round que les Green Bay Packers vont perdre l’invicibilité à domicile en playoffs qu’ils conservent depuis que la NFL existe. A la tête des Atlanta Falcons, ces assaillants victorieux de la Toundra du Wisconsin, un jeune quarterback afro-américain de 23 ans, création hybride des Dieux lui ayant apporté des jambes de feu, un physique de fer et un bras gauche exceptionnel : Michael Vick. Pourtant, onze ans après cet exploit d’un soir, le parcours de celui qu’on pensait programmé pour les plus hautes destinées aura connu sa part de gloire mais, surtout, une énorme part d’ombre. Sa titularisation aux Jets en ce milieu de saison 2014 est une étape de plus dans la rédemption d’un joueur emblématique des années 2000 et référent matriciel de joueurs comme Robert Griffin III, Cam Newton ou autres Colin Kaepernick.

« Tout le monde voulait porter le #7, jouer quarterback, lancer de la main gauche, être agile comme lui, acheter ses chaussures » Cam Newton, natif d’Atlanta, en 2012 sur l’impact de Vick dans sa jeunesse.

La Virginie, terre de talents hors-normes

Le maillot des Jets est le troisième de Vick en NFL. Sera-t-il le dernier?

Le maillot des Jets est le troisième de Vick en NFL. Sera-t-il le dernier?

Newport News en Virginie, c’est dans cette ville portuaire de Virginie, violente et mal famée que Michael Vick (ainsi que 2 autres enfants dont son frère Marcus, à la carrière NFL avortée qui se résumera à une maigre apparition sous les couleurs des Dolphins en 2006) est élevé par ses deux parents. Pas de pathos ici lié à une quelconque famille mono-parentale ou un drame familial mais seulement une ville si dure que Vick confie en 2007 qu’il allait alors « à la pêche même s'[il] n’en ramenait rien, juste pour échapper à la violence et au stress de la vie dans cette cité ».

A deux pas de là, à Hampton, un peu plus au sud de ce bras de terre qui fait face à Norfolk, la 2e ville la plus peuplée de l’Etat, grandit également un athlète qui va révolutionner l’histoire de son sport : Allen Iverson, un meneur de jeu d’1m80 dont on a dit un jour qu’il était « kilo pour kilo, peut-être le meilleur joueur de NBA de tous les temps ». Les deux sont à jamais liés dans l’histoire sportive de l’Etat de Virginie. Sans même jamais mettre un pied en NFL, l’ancien joueur emblématique des Philadelphia 76ers a parfois été désigné comme le plus grand quarterback jamais produit en Virginie. L’immensité du champ des possibles lorsqu’aucune comparaison statistique ne l’est… Ce serait pourtant oublier ce que Michael Vick a pu faire lors de ses jeunes années, d’abord dans son lycée puis à la tête des Hokies de Virginia Tech.

Arrivé sur le campus à Blacksburg fort d’une réputation de quarterback aussi doué avec son bras gauche (4846 yards et 43 touchdowns à la passe lors de ses 3 dernieres années de lycée) qu’avec ses jambes (1048 et 18 touchdowns à la course sur la même période), il ne déçoit pas et laisse un impact considérable en seulement 2 saisons passées sous les couleurs des Hokies.

Lui ayant laissé le temps de s’adapter au jeu universitaire en le « redshirtant » pour sa première saison, au cours de laquelle il passera de longs moments au téléphone avec sa mère à combattre son mal du pays, Vick fait passer son université d’un bilan de 9-3 à celle d’equipe invaincue (11-0) en 1999. Avec la meilleure évaluation du pays (171,0), plus de 2000 yards à la passe et 682 a la course pour 22 touchdowns au total en 12 matches, Michael Vick finit troisième au classement du Heisman Trophy, récompensant le meilleur joueur universitaire de la saison. Une performance alors sans équivalent dans l’histoire pour un freshman
Peter Warrick et les Florida State Seminoles, eux aussi invaincus lors de la saison régulière, ne laissent pourtant aucune chance à Virginia Tech lors de la Finale universitaire, qu’ils remportent aisément (49-26) malgré les efforts de Vick (225 yards à la passe, 1 touchdown ; 97 yards a la course). Le #7, numéro qu’il aura porté toute sa carrière jusqu’à son arrivée aux Jets en 2014, semble fin prêt pour la NFL mais il doit attendre une année de plus avant de rejoindre les pros.

L’ère Vick
Avec leur bilan de 1victoire pour 15 défaites en cette saison 2000, ce sont les San Diego Chargers qui détiennent le pick #1 de cette draft 2001. Mais, tout comme Eli Manning atterrira chez les New York Giants en 2004 par le même biais, ce sont les Atlanta Falcons qui parviennent cette fois-ci à échanger leurs choix avec la franchise sud-californienne, une fois l’échec des negociations salariales avec les agents de Vick consommé. Les Chargers finiront par sélectionner Ladanian Tomlinson en 5e position à la place. Pas un si mauvais choix au final…Dix ans auparavant, les Falcons avaient, eux, sélectionné un quarterback au 2e tour, un certain Brett Favre, avant de le transférer dans la foulée aux Packers, où il y effectuera une carrière de Hall of Famer. Jamais vraiment pourvu d’un franchise quarterback depuis, malgré leur apparition au Super Bowl en 98 sous la houlette d’un vieillissant Chris Chandler, l’équipe géorgienne tient là son phénomène et fait de Michael Vick le premier quarterback afro-américain sélectionné en première position de l’histoire. Il faut dire qu’avec un temps de 4 »25 au 40 yards de la Combine, le temps le plus rapide jamais réalisé par un quarterback dans l’exercice, Michael Vick avait déjà brisé une des barrières connues à son poste.

« C’était comme s’il jouait contre des enfants. on aurait dit un homme au milieu d’enfants. J’étais un de ses fervents supporters. » Denard Robinson en 2011

Ses 6 saisons passées sous le maillot noir et rouge démontrent que les Falcons ne se sont pas trompés. Plus de 11000 yards à la passe, 71 touchdowns pour 52 interceptions à seulement 54% de réussite en 74 matches, ses statistiques dans le jeu aérien ne disent pourtant rien sur l’impact que Michael Vick a sur la ligue. Car, dans le même temps, ce sont 3859 yards au sol et 21 touchdowns que le #7 des Falcons amasse. Et surtout des actions d’éclat que peu de joueurs ont pu un jour réaliser à ce niveau, comme cette course insensée en decembre 2002 contre les Vikings pour gagner le match en prolongation et y battre le record de yards par un quarterback sur un match (173), qui sera battu ensuite par Colin Kaepernick en 2013 (181)…

La chute de l’empire canin
Le ver est dans le fruit pourtant. Michael Vick, avec son contrat de 10 ans signé en 2005 pour 135 millions de dollars dont 37 garantis, est au firmament du jeu l’année suivante, devenant le premier quarterback de l’histoire à dépasser les 1000 yards à la course sur une saison. Un jalon de plus dans une carrière qui ne fait suivre alors qu’une pente ascendante.

Néanmoins, dans le plus grand secret, son immense fortune lui permet de financer un réseau clandestin de combats de chien, le « Bad Newz Kennels » baptisé du surnom de Newport News. Au delà du financement de ces combats illégaux et des paris à grosses mises qui ont lieu dessus, Vick participe également à la mise a mort des pit bulls les moins performants en utilisant des méthodes cruelles, comme la noyade, la pendaison ou l’électrocution. Plus que Scarface, son artiste musical préféré, c’est à Dr Jekyll et Mr Hyde que l’on a affaire.
Dépensier dans ses affaires courantes et extrêmement (trop?) généreux avec les membres de sa famille et ses amis, Michael Vick doit se déclarer en « banqueroute personnelle » en juillet 2008, alors que la justice américaine l’a envoyé en décembre 2007 derrière les barreaux pour 21 mois fermes, officiellement condamné pour avoir organisé ces paris illégaux entre différents etats mais non pour les combats en eux-mêmes. Après quelques refus de sa part, il prendra part à quelques matches avec les autres détenus au cours de sa peine. « Mi-temps au mitard », quand la réalité rejoint la fiction… La sienne de réalité, il la décrit d’ailleurs dans son livre « Finally Free » sorti en 2012.

La perte de ses sponsors (dont un gros contrat de Nike), le remboursement d’une partie des 37 millions garantis par les Falcons (ils se mettront d’accord sur 6,5 millions) ainsi que son incapacité à rembourser quelques prêts le mettent dans le rouge pour plus de 20 millions. Pourtant, en septembre 2013, suite à son renouveau dans la ligue, il sera parvenu à se remettre à flots et à rembourser tous ses créditeurs. Un fait presque inédit dans l’histoire des banqueroutes personnelles déclarées où, le plus souvent, les débiteurs restent dans l’incapacité de reverser ce qu’ils doivent. L’inédit et les premières, une valeur toujours sure dans la vie tourmentée de Michael Vick.

« Je ne suis pas amer. Tout ça m’a amené à être une meilleure personne et à faire de meilleures choses de ma vie. » Michael Vick, en 2012.

C’est dans la Cité du Brotherly Love que Vick va pouvoir rebondir. Conservé par les Falcons jusqu’en 2009 pour des raisons de salary-cap (autres temps, autres mœurs doit se dire Ray Rice..), ils le coupent en juin de la même année avant que les Eagles n’en fassent le remplacant de Donovan McNabb en août. Ironie du sort, ses deux premiers touchdowns de la saison à la passe et à la course seront marqués au Georgia Dome contre les Falcons… En 2010, avec le transfert de McNabb à Washington, la course à deux entre Vick et Kolb pour le poste de titulaire tourne d’abord à l’avantage du second avant que Vick ne lui prenne son poste, suite à la première commotion d’une longue série qui gâchera la carrière de Kolb.
Vick est redevenu Vick et il le démontre à la face de l’Amérique lors d’un Monday Night Football d’exception face aux Redskins au cours duquel il lance 4 touchdowns tout en marquant deux autres à la course. Si son élection au Hall of Fame fera forcément débat, le maillot qu’il portait lors de ce match y trône déjà puisque ses 5 touchdowns (3 passes, 2 courses) en première mi-temps sont une première dans l’histoire de la ligue.

Les enfants de Vick
Alors si, finalement, le contrat faramineux de 100 millions de dollars sur 6 ans que les Eagles lui feront signer en 2010 n’aura jamais apporté les dividendes escomptés pour l’équipe d’Andy Reid, les trois années suivantes passées sous le maillot des Birds auront permis à Michael Vick de se refaire un nom en NFL. Passant du statut de jeune prodige inconscient et orgueilleux qu’il était à Atlanta à celui de leader respecté et mentor de Nick Foles, la trajectoire de Michael Vick est sans doute sans précédent dans l’histoire de la ligue. Première veritable superstar au firmament de son talent suspendue par la ligue, il a démontré par le travail, une véritable éthique de vie et un engagement sincère envers les causes animales qu’il avait réellement changé.
Si chacun est libre de juger l’homme à l’aune de ses actes et par rapport à ses propres valeurs, il ne faudra sans doute jamais oublier le joueur, ce #7 des Falcons d’Atlanta qui aura eu un effet entrainant pour toute une génération de gamins enchantant maintenant nos dimanches, qu’on pourrait aisément dénommer « les Enfants de Michael Vick » tellement son impact a pu être profond sur l’Amérique du début du XXIe siecle.

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