[portrait] Tyrann Mathieu, le Phoenix des Cardinals

Un talent hors-norme, mais un parcours chaotique et toujours le spectre d’une rechute pour celui que tout le monde nommait le « Honey Badger » (un ratel en français) lorsqu’il évoluait sous...

Tyrann_Mathieu_Header_600

Un talent hors-norme, mais un parcours chaotique et toujours le spectre d’une rechute pour celui que tout le monde nommait le « Honey Badger » (un ratel en français) lorsqu’il évoluait sous les couleurs de Louisiana State University (LSU). Le retour de Tyrann Mathieu au sein de la défense des Arizona Cardinals n’est pas étranger au fait que celle-ci soit l’une des toutes meilleures de la NFL cette saison, mais sa carrière de footballeur pro aurait tout aussi bien pu n’être qu’un rêve évaporé dans des fumées de marijeanne. Au vu de ce qu’il a pu accomplir depuis deux saisons, c’eut été un énorme gâchis…

Mathieu se met ratel en tête…

A LSU, Mathieu se pensait sans doute assez fort pour faire taire toutes les critiques depuis le terrain.

A LSU, Mathieu se pensait sans doute assez fort pour faire taire toutes les critiques depuis le seul terrain.

Avant le « phénomène « Honey Boo-Boo » (attention, vidéo culte!) dévastant le PAF américain depuis 2012, Tyrann Mathieu était bien le plus connu de tous les Honey du Sud des Etats-Unis. Arrivé à l’Université de Louisiane à Baton Rouge en 2010, le natif de la Nouvelle-Orléans dévaste quant à lui les attaques adverses dès la saison suivante, lui offrant ce surnom de « Honey Badger ». Coiffé d’une teinture centrale blonde tel le ratel, cet animal carnivore presque indestructible et insatiable capable de s’attaquer à des proies beaucoup plus grandes que lui et immunisé contre les serpents les plus venimeux, le #7 des Tigers fait régner la terreur dans les backfields de la Conférence SEC.

« Tout ce qu’on a vu sur les vidéos, c’est ce qu’on aimait voir. Nous savions tous les risques que l’on prenait. Nous avons passé beaucoup de temps avec lui pour apprendre à le connaître. J’ai toujours pensé que si vous aviez un gars aussi passionné de football que lui, il existait toujours une chance de le mettre sur les bons rails. » Steve Keim, GM des Cardinals.

Coéquipier puis successeur de Patrick Peterson dans l’équipe entrainée par Les Miles, Mathieu sort une saison 2011 incroyable. Chaque match, chaque apparition de Mathieu est un moment de télévision à ne pas manquer et l’Amérique du foot se prend d’amour pour ce petit cornerback (1m77), véritable machine à highlights. Ses 71 plaquages, 2 interceptions, 4 fumbles forcés en 13 matches lui valent le Chuck Bednarik Award, décerné au meilleur défenseur universitaire de la saison, que des joueurs prestigieux comme Julius Peppers ont pu gagner par le passé.

Plus fort encore, ses deux retours de punt pour un touchdown le placent dans la catégorie des « game-changers » de haut niveau. Si Charles Woodson reste le seul défenseur vainqueur du Heisman Trophy, en 1997, la saison de Tyrann Mathieu le fait arriver en 5e position au classement alors que de nombreux observateurs affirment que s’il avait dû y avoir un successeur au Michigan Wolverine au palmarès, le Honey Badger de LSU aurait dû être celui-ci (Robert Griffin III le remportera cette année là). Il faut dire qu’avec des actions d’éclat comme ce retour de punt lors du SEC Championship Game, avec LSU alors mené par Georgia 10-0 mais qui en sortira finalement vainqueur, Mathieu avait vraiment réalisé tout son possible pour que la nation entière le réalise également.

A l’image de son retour de punt, slalomant entre les obstacles et les évitant au dernier moment, la carrière de Mathieu ne tient déjà pourtant qu’à un fil. En effet, en octobre 2011, Mathieu et deux de ses coéquipiers (Tharold Simon et Spencer Ware) sont suspendus un match par l’Université pour « violation de la politique anti-drogue » de l’équipe, sans apporter plus de précisions.

« Je ne sais pas ce que la vie va apporter comme déclencheurs. La question n’est pas celle de fumer ou non de la marijuana mais plutôt d’appréhender ce face à quoi la vie vous met, sans chercher à prendre des substances en cas d’échecs ou de succès. » John Lucas en 2012

La Big pas Easy

La drogue, un univers assez familier pour Tyrann Mathieu, lui le natif du quartier de St Bernard à La Nouvelle-Orléans, l’un des pires de la Big Easy. Son père, Darrin Hayes, surnommé CornBread et l’un des meilleurs running-backs de la ville de son époque selon la légende urbaine, donne dans le trafic de cocaïne tout consommant lui-même de la marijuana. Les 4 enfants qu’il aura avec 3 femmes différentes lui vaudront également de partir derrière les barreaux en 1994 pour le restant de sa vie (sans possibilité de libération conditionnelle) lorsqu’il n’admettra pas que l’un d’entre-eux appelle son beau-père « Papa ». Sept balles plus tard, et malgré ses dénégations, Darrin Hayes ne communiquera plus avec Tyrann Mathieu qu’à travers le plexiglas froid d’un parloir de prison et ou au travers de longues lettres. Tyrann n’a alors que deux ans et sa mère, célibataire de fait, n’a d’autre choix que d’envoyer le gamin chez ses parents. Un choix dur mais, au final, positif pour le jeune Tyrann puisqu’à la mort de son grand-père, cinq ans plus tard, il est pris en charge par son oncle Tyrone et sa femme Sheila, qui l’élèvent comme leurs enfants dans une banlieue plus huppée avec comme devise : « Eglise, discipline et éducation dans le privé ».

C’est aussi dans l’école catholique du 7th Ward que Tyrann commence, dès ses 14 ans, à montrer de réelles capacités défensives sur les terrains de foot. L’anecdote la plus croustillante voulant que, tellement doué et effrayant pour les quarterbacks adverses lors de sa dernière saison de lycée, il se devait de faire semblant d’avoir glissé au début d’une action pour que le quarterback envoie la balle vers le receveur qu’il couvrait…

« Je sais ce que ça fait d’être humilié. Il n’y a aucune chance au monde que je me retrouve dans la même situation. Tout est une question de processus. Je ne dis pas être arrivé au bout mais je fais des efforts chaque jour pour être la meilleure personne que Tyrann puisse être » Tyrann Mathieu en 2013

Mais si, en 2011, ce n’est qu’à un match de suspension qu’a dû faire face le cornerback, c’est toute la saison 2012 qu’il voit se dérober sous ses pieds suite à la decision de Les Miles de l’exclure de l’équipe. Le joueur affirmera pourtant plus tard avoir arrêté de compter le nombre de tests positifs à la marijuana « passée la barre des dix ». Un coach NFL, anonymement, dira à Yahoo Sports que s’il en a été vraiment ainsi, la responsabilité de l’université est aussi à engager dans le manque d’aide apportée à un étudiant en état de détresse et de stress. Du pragmatisme et de la démagogie du système universitaire américain…

Aide-toi et Peterson t’aidera

ESPN croyait tellement en Mathieu que le network lui offrira la couverture de son numéro spécial Draft 2013

ESPN croyait tellement en Mathieu que le network lui offrira la couverture de son numéro spécial Draft 2013

Cette aide qu’il recherche, c’est dans la famille de Patrick Peterson, 2 ans de plus que lui et qui se décrit comme « son grand frère », que Tyrann Mathieu ira la chercher, non sans être d’abord arrêté par la police locale pour possession de marijuana en octobre de cette terrible année 2012. Puisqu’il avait maintenant effectué trois années depuis la fin de son lycée, Mathieu était éligible pour la draft NFL mais devait trouver les moyens de se préparer pour les entretiens et la Draft Combine, mentalement et physiquement. C’est donc chez les parents de Peterson, en Floride, que Mathieu ira passer ces quelques mois. Néanmoins, malgré un temps rapide de 4’50 au 40-yard dash et des capacités au delà de la normale pour attraper les ballons en l’air, une année sans jouer et tous ses problèmes extra-sportifs pouvaient rebuter les franchises NFL, toujours promptes à drafter des talents bruts mais pour peu qu’ils soient contrôlables dans leur vie de tous les jours. Si les Saint-Louis Rams avaient fait le pari réussi de drafter Janoris Jenkins la saison précédente malgré son lourd bagage, pourquoi Mathieu ne trouverait-il pas chaussure à son pied ? C’est ce que le joueur se dit en se rendant à New York le jour du premier tour de la draft. Sans être invité dans la Green Room officielle, réservée aux choix les plus hauts et les plus surs de cette soirée médiatique importante pour la ligue, Tyrann Mathieu croit pourtant assez en son talent pour se dire qu’une équipe misera sur lui au premier tour, voire au second tour. Le retour à La Nouvelle-Orléans le lendemain, sans avoir été pris lors des 64 premiers choix, n’en est que plus triste pour lui. Aurait-il laissé passe sa chance et, surtout, lui en donnera-t-on une seconde au cours des cinq tours restants de sélection ?

« Sur mes 30 ans de carrière, c’est celui que j’ai préféré appeler pendant la draft. Parce que je savais combien cette opportunité lui tenait à cœur. On pouvait l’entendre au téléphone » Bruce Arians, sur la sélection de Mathieu par les Cardinals.

Le Honey Badger est mort, vive le Honey Badger !

Ayant rencontré les representants de quelques dix équipes lors de ses entretiens pré-draft, comme ceux des Bengals, des Seahawks ou des Texans, c’est pourtant encore grâce à son grand-frère Patrick Peterson que Mathieu va se voir offrir la chance de sa vie.

Si le GM, Steve Keim, est convaincu de son talent et de l’aide qu’il pourrait apporter à sa défense, sa décision est rendue plus facile par la demande de Peterson dans le bureau de Bruce Arians, le coach des Cards : « Coach, je me tiendrais debout sur une table pour ce gars. Donnez-lui une chance ! ». Le moment « O capitaine, mon capitaine » du cornerback fait son effet sur le management des Cardinals qui se disent qu’ils tiennent en Peterson un mentor de qualité et sélectionne Tyrann Mathieu au 3e tour en 69e position.

A Phoenix, comme un symbole, la carrière de celui qui joue désormais au poste de safety vit une véritable renaissance. 65 plaquages et 2 interceptions en 13 matches sur sa première saison écourtée par une rupture des ligaments contre les Rams en decembre 2013, le rookie ne déçoit pas et reçoit même deux votes pour le titre de « Defensive Rookie of the Year » que remporte Sheldon Richardson (Jets).

Cette saison encore, il est une des armes de ce qui est peut-être la meilleure défense aérienne de NFL, comme il l’a pu le prouver une fois de plus il y a une semaine contre les Cowboys en interceptant une passe de Brandon Weeden alors que les hommes de Jerry Jones n’étaient plus qu’à 18 yards de prendre l’avantage dans le match.

L’anticipation, la performance physique, la technique parfaite de réception de la passe, toutes les possibilités sportives de Tyrann Mathieu sont résumées sur cette action. Mais, avec lui, son talent débordant n’a jamais été véritablement le problème, ce sont bien plutôt ses démons en dehors du terrain qui auront posé question. Aujourd’hui, on aurait envie de dire : « Jusqu’ici tout va bien ».  Et, dans la vie de Tyrann Mathieu, c’est déjà un bien grand pas en avant…

Tags →  
Partagez cet article sur : Twitter Facebook
Afficher les commentaires