[histoire] Il était une fois un phénomène : Randy Moss

C’est l’histoire d’un surdoué. C’est l’histoire d’un phénomène. Ça n’est pas seulement l’histoire d’un joueur, c’est aussi celle d’un homme. De son talent. De son génie. De son égo. De...

randy-moss-minnesotaC’est l’histoire d’un surdoué. C’est l’histoire d’un phénomène. Ça n’est pas seulement l’histoire d’un joueur, c’est aussi celle d’un homme. De son talent. De son génie. De son égo. De sa folie. De ses tourments. C’est l’histoire de Randy Moss.

Comme des centaines de milliers de gamins au pays de l’Oncle Sam, Randy Moss est un jeune sportif touche à tout. Football, basketball, baseball, athlé, toute occasion est bonne pour dégourdir ses grands compas. Un vrai Forrest Gump. Il faut dire qu’à Rand, il n’y a pas grand chose à faire. Si on ne fait pas de sport, on s’ennuie ferme rapidement. Quand il ne cavale pas au grand air ou sur les parquets de sa Virginie-Occidentale natale, il fait marcher ses neurones au sein de l’équipe de débats de son lycée. Déjà receveur star dès son plus jeune âge, il mène ses Panthers de DuPont à deux titres d’État consécutifs en 92 et 93. Mais il est bien plus qu’un simple wide receiver. Cornerback, retourneur de punts et de kicks, punter, kicker, il est un homme à tout faire. Ou plutôt un ado à tout faire. En 1994, année de ses 17 ans, il reçoit le Kennedy Award récompensant le meilleur footballeur de tout l’État de West Virginia. Aux côtés du futur meneur NBA, Jason Williams, il brille aussi avec la grosse balle orange. À tel point qu’il est élu meilleur basketteur de l’État en 92 et 93.

Un coup de sang, un coup dur

À 15 ans, il court déjà le 100m en 10.94 et le 200 en 21.95. Sa célébrité ne cesse de grandir et dans un climat parfois dur, où la ségrégation rode toujours, l’étoile montante a besoin d’évacuer. Si bien qu’il se volatilise de plus en plus de ses cours, prétextant une envie pressante. 10 minutes par-ci, 15 minutes par-là. Un jour, un prof suspicieux le suit en douce. Personne aux toilettes. Il le découvre finalement étendu sur le sol de la salle de classe destinée aux élèves ayant des complications intellectuelles en train de jouer avec Ronald. Un gamin atteint de trisomie 21 et qui ne sait rien des prouesses sportives du footballeur. Pour lui, Randy n’est rien de plus qu’un ami. Pour Randy, Ronald est un immense bol d’air.

Tout semble aller comme sur des roulettes pour Randy. Et là, c’est le drame. Car dans un lycée où les noirs sont en très large minorité et où les relents racistes sudistes prolifèrent, le quotidien n’est pas toujours aisé. Il l’est encore moins quand on traverse la tristement nommée Red Neck Alley, couloir aux casiers tapissés de drapeaux confédérés et affiches à la gloire du KKK, au bras de sa petite amie blanche. Quand Jesse Williams a le malheur de traîner avec son pote Randy, ses amis le boudent pendant plusieurs jours.

« J’essayais de leur expliquer, ‘C’est une personne comme vous et moi’, » raconte l’ancien joueur du Heat. « Mais ils ne voulaient rien savoir. »

Ambiance, ambiance. Et quand les recruteurs de prestigieuses universités commencent à flirter avec la jeune pépite, c’est la jalousie qui vient se mêler à un racisme latent. Un mélange nauséabond. Un cocktail explosif. La déflagration a lieu le 23 mars 1995. Randy est impliqué dans une bagarre avec un lycéen blanc qui aurait tenu des propos racistes à l’égard de l’un de ses amis. C’est la goutte de trop. Randy vole au secours de son pote et fait goûter sa semelle à l’apprenti néonazi. La direction du lycée ne goûte pas vraiment l’incident. La justice non plus. Inculpé pour coups et blessures, il plaide coupable et se voit condamné à passer 30 jours derrière les barreaux. Viré de son lycée, il doit finir sa scolarité dans un autre établissement.

« Dans une bagarre, vous ne réfléchissez pas, » confiera-t-il dans Randy Moss, First in Flight. « C’est comme si la colère avait pris le dessus, comme si j’étais quelqu’un d’autre. »

Une grosse tâche sur un CV jusque là immaculé. Une erreur de jugement qui va le hanter. Le coach de Florida State, Bobby Bowden, était pourtant sous le charme.

« Il était aussi fort que Deion Sanders. Deion est mon mètre étalon en matière de capacités athlétiques et ce gamin était juste un Deion en plus grand. »

Du côté de Notre Dame et de son entraîneur-chef Lou Holtz, Randy Moss ne laissait pas indifférent non plus.

« Randy Moss est le meilleur joueur de lycée que j’ai jamais vu. »

Et ça tombait si bien, Randy n’avait qu’un rêve : endosser le mythique uniforme marine et or des Fighting Irish. Après avoir un temps envisagé les Buckeyes d’Ohio State de son demi-frère, il signe même une lettre d’intention avec Notre Dame. Mais le 23 mars frappe a la porte. Randy frappe un lycéen. La justice frappe. Et ses rêves s’envolent. Son image d’enfant modèle avec. Sa bourse d’études de Notre Dame aussi. Lou Holtz a beau se démener comme un diable pour plaider la cause de son nouveau joueur fétiche, la direction de l’université est inflexible. Le coach appelle son ami Bobby Bowden du côté de Tallahassee. Moins à cheval sur la discipline, Florida State enrôle Randy à une condition : qu’il ne joue pas de sa première année. Deal. Moss écrabouille la concurrence tout l’été à l’entraînement, abaisse son record sur 200m à 21.15, puis s’assied gentiment sur le côté. Attendant son tour. Il ne viendra jamais. Quand en avril 96 vient le temps pour lui de purger sa peine, il est testé positif à la marijuana. 60 jours de plus au cachot. Adieu la Division 1A. Randy Moss est officiellement estampillé « DANGER ».

« S’il n’avait été qu’un joueur moyen, on en aurait pas fait autant, » déplore la mère de ses deux enfants.

Mais voilà, Randy est tout sauf un joueur moyen. C’est un phénomène.

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I am Marshall

Adieu la Floride, retour à la case départ. On efface tout et on repart à zéro. Les Seminoles ne veulent plus de lui et l’envoient du côté de Marshall, à une heure de route de chez lui. Université de Division I-AA, la NCAA accepte qu’il soit directement opérationnel. Une lueur d’espoir. Enfin ! Plus revanchard que jamais, Randy Moss active le god mode et inscrit son nom dans les annales de la deuxième division universitaire au terme d’une saison 1996 stratosphérique. 78 réceptions, 1709 yards et 28 touchdowns, comme un certain Jerry Rice en 84. Le monde du football n’a d’yeux que pour lui. Invaincus et couronnés, les Thundering Herds sont promus en première division l’année suivante. Ses coéquipiers lui ont trouvé un nouveau surnom : « The Freak ».

Face à une concurrence plus forte, Randy et ses grands segments n’en finissent plus d’affoler les compteurs. La doublette Moss-Chad Pennington carbure comme jamais. 96 réceptions, 1820 yards, 26 touchdowns. Face à l’Army en semaine 2, il livre un récital et s’offre un touchdown d’anthologie. Sur une screen pass sur ses 10 yards, il se saisit du cuir, se faufile entre les plaquages avec ses jambes en guimauve, saute par dessus un pauvre défenseur qui tente de le stopper en plongeant, en raffute un second et allonge ses gambettes pour filer dans la peinture à toute berzingue. Admirez plutôt.

Face à Ball State et Ken State, il enchaîne deux démonstrations de plus de 200 yards d’affilé. En 28 matchs sous la tunique verte de Marshall, il aura toujours inscrit au moins un touchdown. Le meilleur receveur du pays et All-American échoue à la quatrième place pour le Heisman Trophy, derrière Ryan Leaf (lol), Peyton Manning et Charles Woodson. Randy Moss et son mètre 93 décident qu’il est temps d’aller se frotter aux grands et gros gaillards de la NFL et se présentent à la draft. Pour son coach, Bob Pruett, aucun doute, « il sera sélectionné dans le top 5 ». Un avis unanimement partagé. Mais pour pimenter les choses et après deux années à se tenir à carreaux, il décide de renouer avec les écarts, dérapages et autres démêlés judiciaires.

Attendu comme jamais à la grande foire aux bestiaux annuelle qu’est le Combine NFL, il ne se montrera pas. Timidité ? Caprice ? Peur maladive d’un contrôle antidopage/drogue ? Mystère. Mais ça n’est que partie remise. Le jour du Pro Day de Marshall, rares sont les franchises à manquer à l’appel. Face au vent, il joue les Speedy Gonzales et dévore le 40-yards dash en 4.15 devant une assistance médusée. Les ballons sont aimantés par ses mains, les scouts des Cowboys et leur 11e choix général sous le charme. Jerry Jones aussi. Mais le jour J, il fait l’impasse. Et il n’est pas le seul. Son casier judiciaire semble receler d’un incroyable pouvoir de dissuasion.

« Il n’a jamais vendu de drogue, braqué de 7-Eleven (chaîne de supérettes, ndlr), fait partie d’un gang ou tiré sur quelqu’un, » raconte son ancien coach, Bob Pruett. « Il y a des mecs qui jouent à la fac ou en pro et qui ont fait ça, voire pire. Mais c’est juste à Randy qu’on demande des comptes. Il a fait des erreurs, mais soyez sérieux. Qui de nous pourrait supporter de se faire juger toute sa vie pour des choses faites quand on avait 18 ou 19 ans ? »

Fan de la franchise texane depuis tout petit, Randy se sent trahi. Le propriétaire lui aurait promis de le choisir prétend-il. Michael Irvin himself décroche le téléphone pour s’excuser auprès de celui qui deviendra bientôt le bourreau des Cowboys. Avec le 21e choix général, les Vikings saisissent l’aubaine.

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Honey Moon

Dans le Minnesota, la magie va prendre instantanément. Bien calé entre Cris Carter et Jake Reed, Randy est entouré comme jamais. Et dès le premier jour à Winter Park, il va se muer en travailleur acharné. Pas encore signé, le rookie se démène comme un diable sous les ordres de Cris Carter. Le vétéran a décidé de jouer les mentors et il ne fait pas les choses à moitié. Le soleil est à peine levé que Randy est déjà en nage. Pendant qu’il court aux quatre coins du centre d’entraînement, Carter lui hurle dessus, se moque de lui, le provoque pour mieux le motiver.

« Ça a dû être les pires entraînements que j’ai jamais fait de ma vie, » confiera Randy.

La recrue dégouline de partout, a du mal à reprendre son souffle. Mais pas le temps de souffler, son tuteur désigné le presse de reprendre.

« Il a de bonnes bases, meilleures que n’importe quel rookie qui arrive dans la ligue, » explique alors Cris Carter. « Mais il n’est pas encore dans la forme que je voudrais qu’il soit, dans la condition dans laquelle il sera d’ici quelques années. Mais il est dans une bien meilleure forme qu’il n’aurait été s’il n’était pas venu ici. »

Comprenez, si Moss n’avait pas pris part aux impitoyables stages d’été floridiens de Cris Carter.

« C’était un gamin prêt à tout pour gagner, » expliquera le coach des Vikings, Dennis Green.

Dès son baptême du feu, il plante le décor. 4 réceptions, 95 yards et deux touchdowns. La défense des Bucs est humiliée. Quatre semaines plus tard, pour ses grands débuts en prime time, Randy ridiculise la défense des Packers dans son antre du Lambeau Field. Il lui suffit de 5 réceptions pour engloutir 190 yards et marquer deux fois. Les Vikings et leur attaque XXL détruisent tout sur leur passage et ne s’inclinent qu’à une seule reprise. Le Super Bowl leur tend les bras. Mais jamais ils n’embrasseront le Trophée Lombardi. La grande désillusion pour l’une des escouades offensives les plus explosives et prolifiques de l’histoire. Moss, son inimitable touffe, ses 17 touchdowns (record pour un rookie) et ses 1313 yards sont conviés au Pro Bowl. La nouvelle perle violette est nommée Rookie Offensif de l’Année.

Loin de sa Virginie natale, Randy est épanoui. La discrimination de son enfance est loin. Les soucis aussi. Ou presque.

« Je n’ai aucune sorte d’attache pour la Virginie-Occidentale, » raconte-il. « Je ne prévois pas d’y retourner. J’ai de la famille là-bas, mais aucune intention de retourner y vivre. Ça n’est pas un endroit pour moi. »

Dans son Minnesota d’adoption, le feu d’artifice est encore au rendez-vous la saison suivante. Des yards (1413) et des touchdowns (13) en pagaille et quelques démonstrations de force. Face à son équipe détestée préférée (aka les Dallas Cowboys), Randy offre un énième récital au premier tour des playoffs. Même quand l’armada offensive des Rams passe par là et balaye les Vikings au tour suivant, le receveur trouve le moyen d’arracher 188 yards et deux touchdowns en 9 passes. La saison des Purples & Gold est terminée, mais pas celle de Randy. Au Aloha Stadium d’Honolulu, il éclabousse le Pro Bowl de sa classe et établit un record en amassant 212 yards en 9 réceptions. Il peut partir en vacances avec le titre de MVP de la rencontre sous le bras. En 2000, Daunte Culpepper et son bras de mammouth prennent les commandes des opérations après une première année à faire banquette. La magie opère instantanément. Les Vikings démarrent par 7 succès et le nom de Randy Moss pointe en tête de la course au MVP. Le jour de Thanksgiving, il fait une nouvelle fois des merveilles face aux Cowboys. 1437 yards et 15 touchdowns plus tard, il devient le plus jeune joueur a passer le cape des 3000 yards et 45 touchdowns.

Réceptions à une main, échappées folles ballon en main, passes acrobatiques et improbables pour un coéquipier, catch les pointes de pied en extension en bord de touche, dans le coin de la endzone, dans le trafic, sur le casque d’un défenseur, voire de deux, à l’endroit, à l’envers, au sol, en lévitation. Randy Moss est une véritable machine à highlights et un enfer pour des défenses sans solutions face à son explosif cocktail de vitesse, de précision et d’adresse.

La fin de son contrat de rookie approche et le temps de s’assoir à la table des négociations avec. L’objectif pour le joueur et son agent est simple : devenir le joueur le mieux payé de la ligue.

« Nous voulons en finir avec la tradition qui veut que les quarterbacks soient les joueurs les mieux rémunérés, » annonce son agent, Danté DiTrapano.

L’option du franchise tag écartée par le risque de voir Randy Moss réclamer un transfert, ne reste plus qu’à s’entendre sur les chiffres. À l’aube du training camp, les deux parties tombent d’accord : 8 années et 75 millions de dollars. Son joli chèque en poche, le receveur signe la plus mauvaise saison de sa jeune carrière. Malgré 10 touchdowns, il rate le Pro Bowl pour la première fois. Dennis Green débarqué, Mike Tice monte en grade avec un objectif bien clair en tête : donner le ballon à Randy Moss. Encore, encore et encore. 40% des lancers pour être exact. Le « Randy Ratio. » Un concept fantaisiste en apparence, mais bien réfléchi. En 2001, les Vikings ont décroché 4 succès pour un seul revers lorsqu’au moins 40% des passes étaient envoyées en direction de l’ancienne star de Marshall. Le reste du temps : 1-10… Une stratégie visant à contrer les Randy Rules. Tactiques défensives destinées à isoler, étouffer et purement et simplement éteindre le receveur. Le Ratio est rapidement abandonné par le head coach, mais Randy est submergé par les passes. Il en attrape 106. Mais seules 7 d’entre elles se concluent dans la peinture.

Athlète hors-norme, Randy est également une personnalité à part. Compétiteur passionné et débordant d’enthousiasme, il est une véritable boule d’énergie, absolument intenable sur comme en dehors du terrain. Avec ses coéquipiers, ses coachs ou les arbitres, il gesticule, sautille, braille comme pour mieux se motiver. Mais quand vient le temps de se concentrer et de s’appliquer, il fait preuve d’un calme olympien. Presque déroutant. Sûr de ses forces, il fait preuve d’une confiance absolue. De l’arrogance diront certains non sans avoir totalement tort. Randy clame volontiers qu’il n’a pas besoin de s’échauffer les jours de match alors que ses coéquipiers s’affairent à se mettre en condition autour de lui. Aucun intérêt, il est déjà prêt. Il est toujours prêt. Souvent calme en apparence, il bouillonne sous son casque.

« Je vous parie qu’il est dans le top 5 pour ce qui est d’être le plus rapide, le plus grand, le plus bondissant et le plus habile de ses mains. Je ne crois pas que nous ayons vu pareille combinaison auparavant, je ne pense pas que nous en reverrons, » assure son ancien coordinateur offensif en 98, Brian Billick.

En 2003, il tourne à une moyenne folle de 100 yards et un touchdown par match. Seul Jerry Rice peut se targuer d’avoir fait aussi bien, neuf ans plus tôt. 111 réceptions, 1632 yards et 17 touchdowns. La machine ne semble pas rouillée. La saison suivante, les pépins physiques viennent pourtant enrayer la belle mécanique. Face aux Titans en semaine 7, Randy n’attrape pas la moindre passe pour la première fois de sa carrière. Le week-end suivant face aux Giants, rebelote. Puis une nouvelle blessure. Malgré 13 touchdonws, il rate (nettement) la barre des 1000 yards pour la toute première fois. La lune de miel est terminée. Mais vient le tour d’une autre lune. Le 9 janvier 2005, au premier tour des playoffs, Randy Moss fait voir la lune aux fans des Packers. Sa lune. Al Harris déposé, il attrape une ogive longue distance de Culpepper dans la endzone. Après une brève accolade avec Koren Robinson, il se dirige lentement vers les poteaux, se tourne dos aux fans du Lambeau Field et fait mine de baisser son pantalon avant de frotter son derrière contre les protections.

Joe Buck est outré. Les fans des Violets hilares. Les Vikings prennent un avantage définitif et filent au prochain tour.

« Je voulais juste me marrer un peu avec les gars, » confiera-t-il au micro de FOX Sports. « J’espère que je n’aurai pas d’ennuis à cause de ça, et si j’en ai, j’assumerai totalement. »

Et les ennuis viendront. Sous la forme d’une amende salée de 10 000 dollars. Ironie de l’histoire, Joe Buck et Randy deviendront collègues quelques années plus tard. Mieux, ils deviendront potes. Une action d’éclat qui sera la dernière du receveur sous les couleurs des Vikings. Son dernier touchdown aussi. En mars, il est envoyé à Oakland en échange du linebacker Napoleon Harris et de choix de 1er et 7e tour. Avec le 7e choix général, les Vikings sélectionneront Troy Williamson. Il était censé être le successeur de Moss. Son seul point commun sera la vitesse. Il deviendra un mémorable bust.

Le trou noir

Quand il débarque dans la baie, les Raiders semblent gagnés d’un regain de confiance presque louche. Avec un joueur du calibre de Randy Moss dans leurs rangs, ils pensent pouvoir redonner un second souffle à leur attaque et à toute la franchise par la même occasion. Nenni. L’équipe d’Al Davis ne semble toujours pas remise de sa magistrale fessée du Super Bowl XXXVII. En deux saisons, elle n’a décroché que 9 petits succès. Avec son nouveau dynamiteur de défenses, elle n’en décrochera que 6 de plus.

Peu épargné par les blessures à répétition, Randy n’est pas à 100% et sa production sur le terrain s’en ressent nettement. Il faudra attendre l’ultime weekend de la saison 2005 pour qu’il renoue avec la barre des mille yards. 1005 pour être précis. Toujours aussi attiré par l’odeur de la peinture des endzones, il ajoute 8 touchdowns à son tableau de chasse. Une saison honorable, mais pas lorsque l’on s’appelle Randy Moss. L’année suivante ne sera guère mieux. Elle sera même pire. Dans le Black Hole, c’est toute l’équipe qui fait naufrage et se précipite vers le premier choix général de la prochaine draft. Le receveur se contente de 553 maigres yards et 3 minuscules touchdowns.

Randy n’est pas épanoui à Oakland et il ne s’en cache pas. Interrogé sur ses drops à répétition et ses piètres performances en novembre 2006, il répond simplement :

« Peut-être parce que je ne suis pas heureux, que je ne suis pas particulièrement excité par ce qui se passe ; et que mon niveau d’attention et de concentration a tendance à diminuer quand je ne me sens pas bien. »

Le décor est planté. Randy n’a qu’une idée en tête : fuir la baie de San Francisco. Dans les semaines suivantes, il n’aura de cesse de témoigner son manque d’enthousiasme et son ras le bol non seulement de perdre, mais aussi d’évoluer au sein des Raiders. Le joueur veut un nouveau départ et veut surtout reprendre plaisir à jouer au football. Le message est passé et son vœu va bientôt être exaucé. À l’approche de la draft 2007 et alors que Lane Kiffin a repris les rênes de la franchise d’Oakland, les rumeurs d’échange s’intensifient. S’il se murmure que le nouveau head coach aurait été jusqu’à contacter les rivaux de division de Denver, ce sont bien les Patriots et Packers et leurs quarterbacks aguerris qui font office de favoris. Brett Favre a beau activement militer pour qu’on lui offre un nouveau jouet, les deux parties ne parviendront jamais à un accord.

Au premier jour de la draft, Bill Belichick et Randy s’entretiennent pour la toute première fois. Le receveur s’envole pour Boston, passe une batterie de tests physiques, Tom Brady révise les termes de son contrat pour libérer de la place dans la masse salariale et Moss pose finalement ses valises en Nouvelle-Angleterre en échange d’un choix de 4e tour. Du travail made in Patriots. Vite fait, bien fait. Tout le monde est content. À commencer par Randy.

« Je suis encore tout intimidé de faire partie de cette organisation, » témoigne-t-il. « Je pense que [Bill Belichick] est le genre de coach qui peut me motiver. Il a une longue expérience derrière lui. »

Patriots Giants Football

Le Freak, le Chic

Entre l’extravagant Randy Moss et le policé Tom Brady, le coup de foudre va être instantané. Les sceptiques sont nombreux pourtant et le receveur est attendu au tournant. D’autant plus après une présaison blanche à cause d’une blessure aux ischios. L’ancien coach des Raiders Art Shell pense que son attitude va rendre dingue Tom et Bill. Et en effet, ils vont en devenir dingues. Randy va rapidement balayer les doutes. En semaine un face aux Jets et leur petit rookie Darrelle Revis, The Freak capte 9 ballons pour 181 unités, dont un touchdown de 51 yards. Non, il n’a rien perdu de sa superbe. Mieux encore, il est au sommet de son art. En roi de l’ajustement, il attrape tout ce qui passe dans les parages. Double couverture. Triple. Rien n’y fait.

« Chaque semaine, en plus de s’envoler au-dessus d’un défenseur pour un touchdown, il nous régale de réceptions à une main qui nous font nous exclamer, ‘Mais comment il a réussi à faire ça ?’, » résume à la perfection James Blake de Yahoo! Sports en novembre 2007.

Deux semaines plus tard, il dévore la pauvre défense de Buffalo et s’offre un quadruplé, portant déjà son total à 12 touchdowns en 10 semaines. Randy se marre. Les photographes aussi. Les défenseurs adverses, nettement moins. Les Patriots sont à l’image de leur receveur : parfaits. 16 victoires, aucun revers. L’une des attaques les plus explosives de l’histoire. Et comme par hasard, après les Vikings de 1998, Moss est encore de la partie. En clôture de la saison régulière, les Pats se débarrassent de Giants décidément bien accrocheurs (38-35). Moss en profite pour inscrire un doublé. Il en est désormais à 23 touchdowns. Le record de Jerry Rice (réalisé en 12 rencontres, merci la grève) est effacé des tablettes. Même l’imperturbable Bill Belichick est impressionné. Mais plus que ses prouesses en uniforme, c’est son professionnalisme qui comble la tête pensante des Patriots. Et quoi d’autre bill ?

« Sa régularité. Chaque jour c’est le même gars. Le même professionnel jour après jour. »

Ses 98 réceptions et 1493 lui permettent de retrouver le Pro Bowl. Mais avant ça, il y a un titre à aller chercher. Plutôt discret dans les deux premières rencontres, Randy s’avance vers son premier Super Bowl. À 2 minutes 42 de la fin, il croit même en être le héros quand il est à la réception d’une passe de Tom Brady dans la peinture. Les Pats sont devants, la saison parfaite leur tend les bras. Mais Eli, David Tyree, son casque et Plaxico en ont décidé autrement. Les Dolphins de 72 soufflent, les Giant exultent, Randy et ses Pats sont en berne.

Son contrat d’un an achevé, Randy Moss devient agent libre. Philly, les Packers et ses victimes texanes préférées sont sur le coup, mais ce sont finalement les Patriots qui remportent la mise. 27 millions et 3 années de plus. Bill Belichick compare sa vision du jeu et sa capacité d’anticipation à Tom Brady et Lawrence Taylor. Rien que ça. Car non content de savoir ce qu’il fait sur un terrain, Randy sait également parfaitement ce que font les autres. « C’est ce qui les rend si spéciaux, » explique ce bon vieux Bill. « Ils ont un sixième, voire septième sens. » On ne reconnaît plus le Randy d’Oakland. Il est métamorphosé. Dans une équipe qui gagne, il a repris goût au jeu.

« La défaite rend tout le monde mauvais, » explique Jason Williams, l’ancien ami de lycée de Randy. « À Oakland, il n’était pas entouré. Ils n’avaient aucune chance de gagner. Et c’est tout ce qui compte pour Randy, gagner. »

Car Randy marche à la confiance. Quand il ne se sent pas soutenu, quand il se sent lâché, il baisse les bras. Montrez que vous avez besoin de lui, que vous comptez sur lui, et il se transformera en modèle de loyauté. Après la saison presque parfaite de 2007, la campagne de 2008 semble emprunter le même chemin que le Super Bowl : le cauchemar. Face à Kansas City en semaine un, Brady se fait écrabouiller la jambe. Fin de saison. Matt Cassel prend la relève. Et il le fait plutôt bien. Sans Tommy Boy, Randy parvient quand même à arracher 69 ballons, 1008 yards et 11 touchodwns. Honorable.

Pour se retrouvailles avec Tom, Randy capte 12 passes en ouverture de la saison suivante face aux Bills. Un record personnel. 4 semaines plus tard, il s’offre une interception sur un Hail Mary de Kyle Horton. Sous la neige face aux Titans, il participe au feu d’artifice offensif de Brady en signant le huitième triplé, ou mieux, de sa carrière. Pour la 34e fois, Randy a marqué plus d’un touchdown dans une rencontre. Terrell Owens égalé face aux Dolphins, il dépasse l’ancien Cowboy et Eagle face à Indy en inscrivant les 141e et 142e touchdowns de sa carrière.

Randy Moche

À l’aube de la fin de son contrat et sans nouvelle offre sur la table, il ne « se sent plus désiré » du côté de la Nouvelle-Angleterre. Après un premier match couci-couça, il demande purement et simplement à être échangé. Mais rien ne se passe. La semaine suivante, il attrape un touchdown à une main dans la face de Darrelle Revis. Easy. Deux touchdowns face aux Bills, puis rien face aux Dolphins. Pour la première fois sous la tunique bleue, il n’enregistre aucune réception. Après un dernier baroud d’honneur face à l’AFC East, Randy fait ses adieux aux Patriots. Deux jours après son match blanc, retour à la maison. Randy est (r)envoyé chez les Vikings en échange d’un choix de 3e tour qui servira à drafter Ryan Mallett.

Quatre semaines, un nouveau touchdown face aux Jets, un revers à Foxboro et Moss est (déjà) libéré. Ça commence à sentir le roussi. Randy et sa langue trop bien pendue auraient susurré à l’oreille du propriétaire Zygi Wilf que Brad Childress n’avait pas les épaules pour coacher dans la NFL et devrait être viré. Il n’avait peut-être pas totalement tort. À tel point que le proprio aurait hésité à suivre ses recommandations. Mais Randy est finalement viré le 2 novembre. 20 jour plus tard, ce sera le tour de Brad et sa moustache.

Un passage fantomatique chez les Titans, une retraite de six mois et Randy atterrit sur les terres de Jerry Rice. Un 154e touchdown, histoire d’assoir sa place de numéro deux dans l’histoire de la NFL, un nouveau Super Bowl perdu et la retraite. Cette fois-ci pour de bon. L’envie est toujours là. Mais pas les offres. Retraite forcée. La rapide déchéance s’achève. Il était temps. Triste fin de carrière. Le phénomène en a fini de martyriser les défenses. Randy, son amour du jeu et ses records en pagaille passent derrière la caméra. Il ne laisse derrière lui que des souvenirs. Mais quels souvenirs ! Jerry Jones en fait encore des cauchemars chaque nuit.

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