[portrait] Ted Ginn Jr, le fils prodigue

Le poids des grandes espérances, celui du nom ou d’un talent inné souffrant à se développer pleinement, Ted Ginn Jr en est un parfait exemple. Peu de joueurs en NFL...

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Le poids des grandes espérances, celui du nom ou d’un talent inné souffrant à se développer pleinement, Ted Ginn Jr en est un parfait exemple. Peu de joueurs en NFL ont eu la carrière en forme de montagnes russes qu’a pu connaître le natif de Cleveland depuis ses débuts. Une véritable résurrection pour un talent athlétique pur et brut, capable de courir le 100m en 10’2 » à l’age de 18 ans ou d’être chronométré à 36km/h sur la fin de son touchdown face à Atlanta en semaine 13 (quand Usain Bolt court le 100m à cette même moyenne…). Plus que la vitesse impressionnante sur cette action, il faut y noter également la prise de balle parfaite en pleine course du receveur des Panthers, lui à qui l’on a souvent reproché d’être atteint de la fameuse maladie des « Dropsies », le mal récurrent des athlètes aux mains carrées. A 30 ans, Ted Ginn Jr semble enfin atteindre la plénitude, celle d’un fils prodigue qui « était mort et qui est revenu à la vie, parce qu’il était perdu et qu’il est retrouvé », comme le narrait Luc dans son Evangile.

Ginn N Juice

Lors de sa folle course contre les Falcons, la ligne droite dégagée une fois le cornerback dépassé, Ted Ginn a pu se remémorer celles effectuées sur les collines entourant Green et Cliffview, deux rues de Cleveland, avec son ami Chris Chambers. Bien que distants de 8 années, les deux futurs Miami Dolphins ont arpenté ensemble les rues de la cité du bord du Lac Erie lors de leur jeunesse. Le jeune Chris Chambers était même plus attiré par le basket que par le football mais c’est bien Ted Ginn, le père de Junior, qui le convainc de lâcher la balle orange pour le ballon ovale, convaincu du potentiel du gamin dans ce sport.

La même proximité lie egalement Ginn et Troy Smith, le futur vainqueur du Heisman Trophy seulement un an plus jeune que lui. Ensemble, ils ont bien sûr pu decouvrir les délices et joies du sport de rue mais la véritable « épreuve » les ayant soudés aura finalement eu lieu dans un lieu qui aurait pourtant dû plutôt leur aspirer recueil et sérénité, l’église de la Morning Star Baptist. Dans ce lieu de culte situé au coin de Shaker Boulevard et de Buckeye Road (un signe du destin, déjà…), c’est ici que sont servis des repas chauds tous les mercredis soirs aux nécessiteux. C’était également ici que Smith et Ginn, des 9 ans, s’asseyaient au fond et mourraient d’ennui à mesure que les heures s’écoulaient et que les bancs devenaient de moins en moins accueillants pour leurs séants. S’exfiltrer à l’insu de tous pour aller profiter du terrain de basket situé au sous-sol de l’église, même sans aucun ballon disponible et avant de revenir sans avoir l’air d’y toucher de longues minutes après, n’a fait que renforcer cette complicité qui ressortira d’autant plus lorsque les deux arboreront le maillot rouge et argenté d’Ohio State University, celui des Buckeyes.

« Une fois que tu attrapes la balle, utilise tes chaussures » Ted Ginn Sr à Ted Ginn Jr

Chris Chambers, Troy Smith. Le triumvirat d’amis proches du jeune Ted Ginn ne serait pas complet sans celui qui fut son coéquipier depuis le lycée, et même plus encore : Donte Whitner, l’actuel Cleveland Brown, revenu au bercail en 2014.
Agé d’un an de plus que lui, Whitner a été comme un modèle pour Ginn qui dit de lui qu’il « l’a vu aller à Ohio State, l’a vu changer sa vie et que tout cela (lui) avait donné une vision différente des choses ». Avec un père en prison, le jeune Whitner vit chez sa mère et le père de Ted Ginn passe le prendre tous les matins en voiture pour l’emmener vers ce qui constitue la véritable pierre angulaire des deux futurs joueurs de NFL : la Glenville High School, l’école dont Ted Ginn Sr est entraineur de l’équipe de foot. Une telle attache envers la famille Ginn que Donte Whitner se fera tatouer sur le bras « Thank God for Ginn ». Ensemble, Ted Ginn et Donte Whitner suivent l’organisation presque militaire qu’impose le paternel : lever à 6h du matin, entrainement pour le sport de la saison en cours, école, avant d’enchaîner par un autre entrainement, le tout en n’oubliant pas d’avoir fait ses devoirs. Une précision importante pour Ted Ginn, dont la difficulté à épeler un simple mot dès le CM1 n’a été que la première étape d’un diagnostic, celui d’un véritable problème d’apprentissage où « quand il faut une heure à quelqu’un pour apprendre quelque chose, il (lui) en faut quatre fois plus ». Une raison de plus pour développer son physique, véritable clé de son futur universitaire.

Ginn Tonique

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Coaché par son père à Glenville High School, Ted Ginn devient un Tarblooder de légende. Aligné aux postes de receveurs et de cornerback, le rétropédalage inhérent à la position et « l’improvisation qui vient du fait de suivre au plus près un joueur dont on ne connait pas le chemin » lui font s’imposer comme une star dans le domaine défensif. Elu en 2003 comme « joueur défensif de l’année » par USA Today, il participe également à l’US Army All-American Bowl cette année-là, dont il ressort avec le titre de MVP. Lors de son année Senior, il se permet d’intercepter huit ballons et d’en retourner 5 en touchdowns. Ses performances ne passent pas inaperçues et son rêve de jouer pour les Buckeyes se réalise dès l’année suivante.
Plus encore que pour son potentiel, pourtant immense, l’arrivée de Ginn sur le campus de Columbus doit également au partenariat implicite entre son père et Jim Tressel, un demi-Dieu en Ohio. Les deux se sont connus alors que Tressel coachait l’équipe de lycée de Youngstown State et, leur amitié aidant, ce dernier n’a jamais oublié de garder une place pour un étudiant arrivant de Glenville dans son roster d’OSU. Débutée en 2002, cette tradition aura d’ailleurs permis à 22 joueurs de Glenville de fouler la pelouse du « Horseshoe »,  le stade mythique des Buckeyes.

« Cela a été un vrai changement pour moi d’être en position difficile, au point de n’avoir que de mauvaises notes, à devenir un étudiant modèle qui finit 16e de sa promotion et qui entre à l’université. Avoir connu ça rend tout plus facile maintenant » Ted Ginn

Dès son arrivée sur le campus, Ted Ginn impressionne…sur la piste en tartan. Avec des temps stratosphériques sur 100m, on le voit tenter d’aller se qualifier pour les Jeux Olympiques plutôt que devenir un joueur de foot. Son temps officieux de 4 »22 sur le « 40-yard dash » lui permet quand même de se faire une belle place et d’arriver comme une tornade dans le foot universitaire. Profitant de sa vitesse, il bat un record dès sa premiere année, celui du nombre de punts retournés pour un touchdown avec quatre unités. Tout au long de sa carrière universitaire, il fait valoir sa polyvalence sur le terrain où sa vitesse est toujours un élément à prendre en compte pour le coordinateur défensif adverse. Son année sophomore est plus difficile mais il parvient tout de même à engranger 139 yards par match en moyenne, qu’ils viennent de réceptions, de courses ou de retours de punt ou de coup d’envoi. C’est d’ailleurs un retour de coup d’envoi qui marquera la fin de son histoire avec OSU.

8 janvier 2007. Finale du championnat universitaire entre les Florida Gators et les Buckeyes. Alors que Florida vient de taper le coup d’envoi, Ted Ginn récupère la balle sur sa ligne des 7 yards et, après avoir évité un plaquage aux abords de ses 25 yards, fait parler sa vitesse pour aller emmener le ballon dans l’en-but adverse, donnant un coup de boost énorme au moral de son équipe qui s’imagine déjà soulever le trophée en cristal… Las, la joie de ses coéquipiers est tellement énorme que l’amoncellement de joueurs blesse Ginn à la cheville. Il ne remettra plus les pieds sur le terrain et devra se résoudre à voir ses coéquipiers s’incliner 41-14 au final. Ce sera également sa dernière apparition sous le maillot des Buckeyes. Une bien triste sortie pour celui qui aura tout de même marqué 27 touchdowns en 3 saisons, dont 6 en retours de punt, 2 en retours de coup d’envoi et un…à la passe ! La tentation de la NFL est trop grande pour le joueur mais, bien vite, c’est la NFL qui va être trop grande pour lui…

Marri fut Ginn

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Si son pote Lebron, dont l’agent Rich Paul et Ted Ginn Jr partage le même parrain dans la vie, fut un phénomène des son arrivée en NBA, il n’en est pas de même pour lui. Commencée sur une erreur de casting avec la sélection de Jamarcus Russell en #1 par les Raiders, la Draft 2007 reprend un cours plus normal avec la sélection en seconde position de Calvin « Megatron » Johnson. Mais alors que tout le monde attend que les Dolphins, qui ont loupé Drew Brees de peu à l’intersaison 2006, ne sélectionnent Brady Quinn en 9e position, c’est le nom de Ted Ginn Jr qui sort de la bouche du Commissioner sur la scène du Radio City Music Hall de New York, au grand désespoir des fans des Dolphins présents dans le public. L’incompréhension entre les deux parties restera totale tout au long des trois saisons que passera Ted Ginn à South Beach. Pris comme receveur doublé d’un retourneur ultra-dangereux, il ne va franchir la end-zone adverse que 10 fois en 3 saisons, trop peu pour un joueur doté d’un contrat de cinq ans et 19,6 millions de dollars. Seul fait marquant : les deux coups d’envoi retournés pour un touchdown de plus de 100 yards dans le même match contre les Jets en novembre 2009, une première dans l’histoire dans la NFL qui vaut à son maillot d’atterrir au Hall of Fame de Canton. C’est pourtant trop peu pour les Dolphins qui préfèrent arrêter les frais avec celui qui vient encore de finir 4e de la ligue au ballons tombés et qui envoient le joueur aux 49ers en échange d’un 5e tour de draft.

« Je pense qu’il a besoin d’un meilleur instinct, de plus d’expérience du jeu. Quand il sait exactement ce qu’il fait et qu’il attrape la balle, il n’y a pas grand chose à faire pour l’arrêter » Chris Chambers à propos de Ted Ginn Jr

Sur les bords du Pacifique, Ginn garde le même numéro de maillot, en l’honneur de son père qui portait le #19 au lycée, mais garde également le même genre de statistiques, avec un seul touchdown en réception en 3 ans et 4 touchdowns sur des retours de punt ou coup d’envoi. Collectivement, ses 3 saisons permettent tout de même à Ginn d’atteindre le Super Bowl (perdu face aux Ravens) mais, surtout, lui donne le plaisir de pouvoir jouer avec son « frère » Donte Whitner.

Si l’on dit au basket que « la taille ne s’apprend pas », on peut sans doute dire au football que « la vitesse ne s’apprend pas » non plus. Les GM’s de la ligue se pressent encore à la porte de Ginn lorsqu’il devient free-agent en 2013. Et c’est finalement en Caroline du Nord que Ted Ginn va véritablement prendre son envol, marquant 5 touchdowns en réceptions, la première fois de sa carrière qu’il dépasse les deux unités.

Faisant un detour par les Cardinals, il décide de revenir chez les Panthers en début de saison 2015 et semble totalement s’épanouir dans le systeme offensif de Ron Rivera. Bien que Carolina ait compté un receveur d’exception en la personne de Steve Smith, Ted Ginn se permet de graver son nom sur les tablettes de la franchise en devenant le détenteur du nombres de matches consécutifs (3) à plus de 2 touchdowns marqués. Il est même le premier depuis Smith à accumuler plus de 10 touchdowns dans une saison pour la franchise.

Celui dont on donnait la carrière pour morte, image d’épinal d’une hype trop intense malgré un talent brut jamais nié, s’est enfin réveillé à la vie en 2015. Est-ce l’expérience accumulée ou bien le fait de jouer enfin aux côtés d’un quarterback de niveau MVP ? Ted Ginn est en tout cas l’une des clés offensives d’un des matches les plus excitants et attendus de ces dernieres années. La « Legion of Boom » de Seattle l’attend avec une attention particulière. Nul doute que le nouveau Ted Ginn se sente prêt.

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