Super Bowl LI – Portrait – Devin McCourty, un aîné peu courtisé

Devin possède une marque de naissance sur l’oreille, Jason en arbore deux, une dans le cou et l’autre au poignet. Les petites cicatrices de leur varicelle infantile, Jason les porte...

Devin possède une marque de naissance sur l’oreille, Jason en arbore deux, une dans le cou et l’autre au poignet. Les petites cicatrices de leur varicelle infantile, Jason les porte sur son front quand celles de Devin sont sur son nez. Devin, Jason. Jason, Devin. Les deux frangins McCourty sont tous deux devenus joueurs NFL et, malgré leur similitude physique presque parfaite, l’un a maintenant indéniablement pris le dessus sur l’autre depuis leurs arrivées respectives chez les pros, Devin ayant eu la chance de tomber dans la marmite Belichick quand Jason, lui, s’enfonçait dans une mélasse titanesque. Pourtant, petits, c’était plutôt Jason qui faisait la course en tête…

Qui de nous deux?

13 août 1987. Phyllis Harrell donne naissance à Devin, son deuxième fils après Larry né en 1971. 27 minutes plus tard, c’est son frère jumeau Jason qui pointe le bout de son nez et rend extrêmement fier leur patriarche, Calvin McCourty, maintenant à la tête d’une escouade de trois garçons. Dès leur plus jeune age, ce fondu de sport décide de leur en présenter plusieurs. Le coin où ils habitent, les appartements Nyack Plaza dans l’Etat de New York en amont de l’Hudson par delà la célèbre Yonkers, n’est pas l’un des plus bucoliques mais que peut-il vraiment arriver à deux gamins de trois ans?

Crise d’asthme, arrêt cardiaque. En quelques minutes, le modèle familial est bouleversé par la mort de Calvin. Pas le choix pour Phyllis, elle se doit maintenant d’élever seule ses deux enfants, avec l’aide de Larry, déjà arrivé à l’adolescence et qui pourra représenter une certaine autorité paternelle pour les deux jumeaux. Sa volonté en contrepartie de l’acharnement qu’elle met dans son travail d’infirmière? Que ses enfants « aient de l’intégrité, soient honnêtes et essaient toujours de faire la chose la plus juste possible ».
Jason et Devin ont beau se comporter à la maison comme deux frères chamailleurs, donc normaux, ils savent qu’on ne rigole pas avec « Mama McCourty ». Jusqu’à leurs 12 ans, la famille reste dans ce quartier de Nyack. Devin et Jason ne sont pas spécialement attirés par les mauvaises tentations extérieures et Mama veille de toute façon au grain, triant sur le volet leur cercle d’amis autorisés. Leur grand-frère, lui, conduit des chars dans l’armée américaine pendant la premiere Guerre du Golfe. Vu son physique et son éducation, peu de chances que les deux jeunes garçons veuillent se lancer dans ces activités peu recommandées…

« Il y a beaucoup d’amour dans cette famille et tout commence par leur mère, Phyllis » Tony Karcich

C’est en 1999 que la famille déménage dans un parc de mobil-homes dans la ville voisine de Nanuet et c’est ici que, pour la première fois de leur vie, Jason et Devin se retrouve opposé sur un terrain de sport. Certes, ce n’est qu’une équipe de college pendant l’été et ce n’est que du basketball mais les deux jumeaux voient que « souhaiter que son frère marque le plus de points possibles » n’est pas le plus évident lorsque l’on joue l’un contre l’autre. Mais leur mère, en ne souhaitant pas qu’ils aillent dans un lycée public, leur offre une issue: trouver un établissement qui pourrait leur offrir les portes de l’université, tout en leur permettant de jouer dans la même équipe de foot.

Les deux frères continueront donc leurs études à la St Joseph’s High School à 15 mns de là, où ils iront défendre les couleurs des Green Knights sous les ordres de Tony Karcich, une légende du football de lycée de l’Etat du New Jersey, avec ses 14 titres en 25 saisons. Un homme qui a dans son bureau des plaques honorifiques envoyées par la NFL, la fondation Heisman et la New Jersey High School Athletic Association… Et tout cela malgré les 10 000 dollars de frais d’inscription par an que coûte cette école à Phyllis.

Un McCourty courtisé

Pourtant, en voyant arriver les deux jeunes adolescents, leurs 60 kilos à tout casser ne font pas tomber Karcich à la renverse, littéralement et figurativement…Mais l’adolescence étant l’âge des changements, les garçons vont évoluer, leurs corps grandir et se développer pour, au final, voir leurs trajectoires déjà un peu diverger.

Plus timide et moins expansif que Jason, c’est tout d’abord Devin qui se distingue en devenant titulaire dans l’équipe de Varsity avant que son frère n’en fasse de même à l’automne suivant.

Devin joue aux arrières-postes, que ce soit safety ou cornerback, tandis que Jason a hérité du role de running back, en plus d’un poste en défense aux côtés de son frère. Leur talent naissant est tel qu’avec les 12 centimètres et les vingt kilos gagnés au cours des quatre années passées sur le campus, Jason devient un prospect extrêmement recherché, encore plus après la saison de St Joseph’s à 11 victoires en 12 matches (avec la seule défaite contre Bergen Athletic, l’école ultra-réputée du Texan Brian Cushing, dont nous avions conté l’histoire la saison dernière). Cette saison permet même à l’école d’apparaître au classement national des meilleurs lycées. Alors, forcément, les joueurs composant l’équipe commencent également à apparaître sur le radar des grandes universités, désireuses de remplir leurs effectifs avec les meilleurs éléments lycéens du pays. Et c’est bien sûr Jason qui est le plus scruté, d’autant plus que Devin s’est blessé à la hanche lors de la presaison et a manqué les trois premiers matches de la saison.

Alors quand Boston College arrive avec son offre pour ses services, Jason est très proche de l’accepter, prêt à briser le « couple » fraternel dont tous les deux savent qu’il ne pourra durer éternellement puisque leur ambition est maintenant d’aller au plus haut niveau, ensemble ou séparés. Mais une offre émanant de Greg Schiano, l’entraineur de Rutgers University et accessoirement un ancien pensionnaire des camps d’ete organisés par Tony Karcich, va venir changer la donne…

« Nous avons sûrement eu de meilleurs joueurs, des joueurs avec un profil plus célèbre, certainement un peu plus accomplis statistiquement. Je pense néanmoins que personne n’est une meilleure personne que ces deux garçons » Greg Schiano, sur les jumeaux McCourty.

Jason étant évidemment déjà sur leurs tablettes, suite à la relation privilégiée entre Schiano et Karcich qui avait deja permis à Rutgers de recruter Ron Girault l’année précédente, il faut encore que l’Université soit convaincue du potentiel de Devin pour leur offrir à tous deux une bourse. Schiano, en père expérimenté de deux jumeaux, a bien noté que lorsque l’un des deux excelle dans un domaine, il ne faut souvent que peu de temps avant que l’autre ne le rattrape.  Alors il n’hésite pas très longtemps…
Après une visite sur le campus où « les gens se comportaient comme (ils) en avaient l’habitude », les frères McCourty signent leur « Letter of Intent » envers les Scarlet Knights dès 8 heures du matin lors du premier jour de signature autorisé par la NCAA.

Attrape moi si tu peux

Leur trajectoire commune connait cependant le premier vrai problème d’aiguillage lors de cette année freshman sur le campus de New Brunswick. Prêt à jouer immédiatement et « plus mature physiquement », Jason est tout de suite titulaire dans l’arrière-garde des Scarlet Knights, version 2005. Devin, lui, doit patentier en année « redshirt » et ronger son frein. Au bout de cette année, florissante pour l’un et frustrante pour l’autre, Rutgers retrouve un Bowl (L’Insight Bowl) pour la première fois en 27 ans. Une performance qui se répète lors des trois saisons suivantes, au cours desquels les deux jumeaux partagent enfin les terrains universitaires. Mais alors que Jason est maintenant arrive au bout de son cursus et se présente à la draft, il laisse maintenant Devin comme seul representant de la famille McCourty chez les Scarlet Knights, « quelque chose qui lui a vraiment servi » dit maintenant le Titan.

Jason choisi au 6e tour par les Titans, Devin explose littéralement, porté qu’il est par un physique devenu plus mature. De plus, l’expérience vécue par son jumeau lors de la NFL Combine, et les échanges qu’il peut avoir avec lui au cours de cette saison 2009, amène son jeu à un niveau encore supérieur. Résultat de tout ça? Le nom de Devin McCourty apparaît sur les tablettes des scouts comme celui d’un potentiel choix de 1er tour. Une impression confirmée par la réussite de Jason avec les Titans au cours de sa saison rookie, au cours de laquelle il est titulaire a 3 reprises et participe à 15 rencontres sur 16, des chiffres plutôt raisonnables pour un joueur choisi en 203e position par une équipe qui compte déjà dans ses rangs des pros avérés comme Nick Harper ou un Pro Bowler comme Cortland Finnegan.

Si les Jets se voient déjà pouvoir mettre la main sur un nouveau cornerback en provenance de la Big East et dont le nom commence par D, comme leur star Derrelle Revis, leur 29e position de la draft 2010 ne leur permet de réaliser ce souhait. En effet, les Patriots, pas les derniers à flairer le talent à « voler » arrachent Devin dès le 27e choix. Et leur flair s’avère encore une fois très vite gagnant puisque Devin est sélectionné pour le Pro Bowl dès sa saison rookie grâce à ses 7 interceptions. Il passe même très près de gagner sa première bague de champion dès la saison suivante mais son frère etant dans les tribunes, ce sont les Giants qui finissent par terrasser les Patriots lors du Super Bowl XLVI… En effet, puisque les playoffs sont en général une terre peu fréquentée par Tennessee, Jason en profite pour aller voir son frère jouer. Simple coincidence ou véritable malédiction, les trois rencontres des Patriots auxquelles il assiste se soldent toutes par des défaites des protégés de Bill Belichick. En même temps, les deux rencontres auxquelles Devin assiste sont également des défaites des Titans… Juste retour d’ascenseur qui aboutit à un « Gentleman’s agreement » entre les deux frangins pour ne plus aller voir l’autre en live

Et alors que Jason gagne peu à peu sa place de titulaire chez les Titans et y signe un gros contrat de 6 ans et 43 millions de dollars, Devin, lui, est replacé par Belichick au poste de safety où il peut laisser libre court à son instinct et à sa vision du jeu et où ses qualités de plaqueur sont mises en exergue. Il y gagne un contrat de 5 ans et 47 millions de dollars en 2015 seulement deux mois après avoir gagné le Super Bowl XLIX face aux Seahawks. Sa sélection All-Pro en fait également l’un des trois seuls joueurs de l’histoire, avec Ronnie Lott et Rod Woodson, à l’avoir été à ces deux positions.

Après tous ces honneurs, Devin aura une nouvelle chance dimanche prochain de creuser encore un peu l’écart avec son frère jumeau au niveau palmarès, une belle revanche pour lui par rapport à ce Jason tellement en avance lors de leurs jeunes années. 27 minutes d’écart avec ce frère jumeau avec lequel il partage tout: un compte twitter, une page facebook et l’amour de leur mère, à qui ils ont pu acheter une maison, une fois leurs contrats signés. 27 minutes d’avance perdues mais maintenant rattrapées…

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