Super Bowl LI – portrait – Julio Jones, dessine-moi un Falcon

C’est l’histoire d’un petit prince, le petit prince de la NFL devenu roi au fil de ses 6 saisons passées sur les terrains. Comment pourrait-il en être autrement lorsque votre...

C’est l’histoire d’un petit prince, le petit prince de la NFL devenu roi au fil de ses 6 saisons passées sur les terrains. Comment pourrait-il en être autrement lorsque votre mère se prénomme Queen et que votre trajectoire n’a été qu’une longue ascension rectiligne et toute tracée vers les sommets? Et puis comme tout bon monarque qui se respecte, dès l’enfance, c’est d’un surnom qu’on a affublé le petit prince, un surnom qui deviendra synonyme de puissance, de respect et de peur chez les cornerbacks adverses: « Julio ».

Sweet Home Alabama

Julio Jones naît en effet Quintorris Lopez Jones le 3 février 1989 à Foley dans le Sud de l’Alabama, à quelques kilomètres des côtes du Golfe du Mexique. Voulant honorer la mémoire d’un de ses amis disparus, sa mère, Queen Marvin, décide de le surnommer ainsi et pour autant qu’il puisse s’en souvenir, Julio se rappelle n’avoir été appelé qu’ainsi depuis ses 12 ans.
C’est aussi vers cet âge-là que Julio Jones commence à jouer au football, s’inscrivant dans une ligue locale où il joue running back et defensive back et où « si vous le plaquiez en force, vous pouviez être sûr qu’il allait en faire de même », comme l’explique son oncle, Sam Jones. Julio tire donc de ses jeunes années formatives ce goût du contact qui lui fait dire qu’il « n’y a personne qu’il a peur de plaquer », une mentalité qu’il gardera tout au long de lui et qui, combinée à son physique de freak, va lui permettre d’arriver au sommet.

« Combien de joueurs de lycée et d’université connaissez-vous dont on dit seulement le prénom et tout le monde sait de qui on parle? C’est comme Prince » Lance Thompson, ancien assistant et recruteur de l’Université d’Alabama.

A 12 ans, il n’est pourtant pas encore très grand (environ 1m65) mais ses prédispositions physiques sont déjà visibles de tous. Et puis, toujours, cette dureté au mal, qu’il soit mental ou physique. C’est que ses premières années n’ont pas été les plus faciles à vivre…
Dans le quartier de Foley où la famille Jones habite, ce n’est déjà pas la grande joie. Le lieu est infesté de violence et de deals de drogue.
Et puis, à peine Julio vient-il d’entrer à l’école primaire que ses parents divorcent. Il gardera des contacts avec son père mais sa famille sera de facto mono-parentale, pour un temps avant que sa mère ne se remarie. Le choc est immense pour le jeune Julio et il va construire sa personnalité autour de celle de sa mère à qui il déclare alors qu’il n’a que 5 ans: « Tout va bien aller. Je vais devenir joueur de foot pro et je vais m’occuper de toi ».

En attendant, Queen s’occupe de Julio et de Philip, de 6 ans l’aîné de Julio, en se démenant au travail où qu’il soit, même dans un fast-food. « Une femme formidable, dure au mal et qui pousse toujours Julio à s’ameliorer », c’est ainsi que la décrit Todd Watson, le coach de la Foley High School où le jeune homme ne va pas tarder à entrer.

« J’apprécie que les gens parlent de moi en bien. Mais, au bout du compte, je dois toujours aller sur le terrain faire de mon mieux. On ne peut pas s’en contenter, ça fait partie du truc. Quand vous faites quelque chose de bien, les gens vont immanquablement vous faire savoir que vous faites quelque chose de bien » Julio Jones

Un vent de Foley

Mais avant qu’il devienne la star des terrains, Julio commence par se tailler une solide réputation sur les parquets de basket. De l’avis général, ce sera même surement le sport où cet athlète à grand potentiel pourra trouver un chemin professionnel. Le football reste cependant dans un coin de sa tête et il joue dans l’équipe varsity au cours de son année freshman. L’adolescence restant l’âge des changements (comme pour Devin McCourty, dont nous vous esquissions le portrait hier), le sophomore Julio passe d’1m75 à 1m90 en quelques mois, lui causant d’ailleurs quelques douleurs aigües aux genoux. Sa transformation physique lui vaut également de changer de poste et de se retrouver sur les extérieurs, au poste de receveur, là où il peut exploiter sa taille et ses qualites athlétiques et où « se retrouver en un-contre-un est beaucoup plus facile pour [lui] que de courir avec la balle dans les mains face à 8 joueurs in the box ».

A l’image de son joueur, l’équipe de Foley High School cherche en cette même année 2005 à effectuer un changement, elle qui n’a connu qu’une saison positive entre 1998 et 2003 et qui sort d’une saison 2004 sans la moindre victoire. Et le tout nouveau coach, Todd Watson, voit tout de suite en Julio Jones le joueur exceptionnel qu’il peut devenir. 51 réceptions, 805 yards et 8 touchdowns, c’est la contribution de Julio à la belle saison (8-2) de la Foley High School. Et ces chiffres commencent évidemment à faire saliver les équipes universitaires du Deep South, là où le football est roi.

Voyant l’agitation, Coach Watson, en habitué puisqu’il était auparavant assistant dans la plus puissante Hoover High School, essaie de préparer Julio et sa mère à la déferlante qui s’annonce. Et pourtant même lui se dit « dépassé par l’ampleur du phénomène ». Une tornade qui s’amplifie d’autant plus après la saison junior de Julio, où il aligne 75 réceptions, 1301 yards et 15 touchdowns. Le receveur est maintenant clairement LA cible de toute la nation et ESPN le classe même comme le meilleur joueur de lycée. Pour le match ultra-compétitif de printemps contre l’équipe de Daphne, diffusé sur ESPN, ce sont Urban Meyer (Florida), Nick Saban (Alabama) et Tommy Tubberville (Auburn) qui sont dans les tribunes. Ils peuvent juger de visu l’ampleur du talent de Jones, qui finit avec 102 yards et 2 touchdowns, dans une victoire serrée 16-14. Nommé Mr Football pour son année Senior, où il capte 16 touchdowns en 68 réceptions, les demandes continuent à affluer dans la maison familiale. Quand ils ne peuvent pas joindre le domicile de Julio, les universités appellent même Coach Watson, qui reçoit jusqu’à 100 appels par jour.

Wilson, le Falcon

Chaque coach ayant la chance de pouvoir parler au phénomène le brosse dans le sens du poil, lui indiquant qu’il aura chez eux la place de titulaire qu’il ne pourra peut-être trouver chez les concurrents. Tout sauf un: Nick Saban. Par une réplique devenue légendaire, le sorcier d’Alabama pique Julio Jones au vif, ainsi que son intérêt: « Que tu signes ou pas avec nous, l’Université d’Alabama continuera de gagner! ». L’argument n’est que de façade puisque le coach fait ensuite les cent pas dans son bureau et harcèle ses assistants ensuite pour savoir si Jones a décidé de rallier ou non le campus de Tuscaloosa. Le suspense prend fin le 6 février 2008 quand, au cours d’une conférence de presse également diffusée en direct sur ESPN, Julio installe au dessus de ses dreadlocks une casquette cramoisie barrée du célèbre logo « A » des Crimson Tide.

« Il est impossible d’empêcher Michael Jordan de marquer tout comme il est impossible d’empêcher Julio Jones de briller » Glenn Vickery, coach du lycée Daphne

A l’échelon supérieur, la réputation de meilleur lycéen de la Nation de Julio le précède. Les joueurs de l’effectif de Saban remarquent ce phénomène athlétique de 18 ans qui arrive à l’entrainement en premier et qui y travaille encore plus dur que les autres. Avec une saison précédente au bilan décevant (7-6), les Crimson Tide ne sont classés que 24e lorsque s’ouvre la saison face aux Auburn Tigers, classés numero 6 et contre qui ils ont perdu les 6 dernières rencontres. 4 réceptions plus tard, dont une pour un touchdown, le streak est brisé et la saison d’Alabama est lancée sur les meilleurs rails possibles. Dans l’effectif, un joueur en particulier reste coi devant les performance de Jones: John Parker Wilson, le quarterback de l’équipe dans son année senior. Le duo (bien aidé par de futurs joueurs NFL comme Mark Ingram, Dont’a Hightower ou Rolando McClain) emmène les Crimson Tide à une saison régulière invaincue (12-0) mais écourtée par leur défaite en finale du SEC Championship face au Florida de Tim Tebow. Non drafté, Wilson se retrouve free-agent et décide de signer avec les Falcons, qui lui offre un poste de 3e quarterback.

Le Prince de la ville

Pendant que Julio Jones, tel Attila, brûle tout sur son passage et emmène les Crimson Tide à deux titres consécutifs en 2009 et 2010 au titre universitaire de 2009, Wilson saoule ses coéquipiers avec son appartenance à l’Université dominante du moment et, surtout, avec les louanges qu’il peut faire de ce Julio Jones, qui vient d’accumuler 2653 yards et 17 touchdowns en 3 saisons.
Thomas Dimitroff, en bon GM des Falcons, n’a pas besoin des conseils de Wilson mais cette publicité constante ne fait que confirmer ce qu’il pense: Julio Jones est le receveur qu’il faut parvenir à obtenir lors de la draft 2011 qui s’annonce. L’aligner aux côtés de Roddy White donnerait deux véritables cibles à Matt Ryan, le franchise quarterback à qui les Falcons ont fait signer un contrat de 5 ans et 72 millions de dollars trois saisons auparavant.

La Combine NFL n’est qu’une brique de plus dans le mur de détermination du GM d’Atlanta de trouver le partenaire idéal pour « monter » dans la draft. Avec ses temps de 4’39 secondes au 40-yard dash et ses sauts horizontaux à l’arrêt de 3,5m de longueur, Julio prouve encore une fois, s’il en était besoin, que c’est un monstre physique de 1m90 et 100 kilos. On apprendra seulement quelques mois plus tard que Jones a effectué tous ces tests avec le 5e metatarse du pied fracturé…
Quelques années plus tard, à la sortie de son premier entrainement et alors qu’il discute au téléphone avec sa femme de son nouvel environnement, son entraineur actuel, Dan Quinn, ne pourra d’ailleurs s’empêcher de lui dire que « Julio Jones est une bête physique…c’est incroyable ».

Travaillant en coulisses avec les Browns sur la possibilité d’echanger leur 6e choix, les Falcons organisent donc un entretien avec Julio Jones. Problème, le garçon voit dans ces cadres les représentants d’une équipe qui choisit en 27e position de la draft et se dit que, à moins d’un problème, il n’y a aucune chance pour qu’il revêtisse le maillot des Falcons. Dimitroff lui assure pourtant que les Falcons sont extrêmement sérieux sur le fait d’acquérir le 6e choix de Cleveland. En contrepartie, c’est l’avenir de la franchise que met en jeu le GM: leur 27e choix, celui du 2e et 4e tour ainsi que leur 1er et 4e choix de 2012. L’investissement est immense et les Browns recuperent ce que l’on peut désigner en anglais comme « The King’s ransom ».

Six ans plus tard, cette rançon du roi s’est transformé en rançon de la gloire pour les Falcons qui possèdent désormais dans leurs rangs le meilleur receveur de la NFL, un joueur de 28 ans dominant et peut-être en route pour amener à la mégalopole du Sud des Etats-Unis son premier titre de champion. Julio Jones en deviendrait, à n’en pas douter, le petit Prince de la ville…

(Note de l’auteur: C’est sur ce portrait de Julio Jones que je quitte cette rubrique, que je laisse entre les (excellentes) mains de mes camarades de TouchdownActu. En vous remerciant pour ces 3 saisons de gentillesse à mon égard dans vos commentaires. Je finirai simplement par: Go Rams!)

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