[Super Bowl Stories] Épisode XLVIII : Un long dimanche de funérailles

À 3 semaines du Super Bowl LII, épisode 48 de notre rétrospective exceptionnelle, le Super Bowl XLVIII.

À 3 semaines du Super Bowl LII, épisode 48 de notre rétrospective exceptionnelle, le Super Bowl XLVIII.

Denver Broncos (AFC) vs. Seattle Seahawks (NFC) – 2 février 2014

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L’excitation et les imprévus d’un Super Bowl septentrional en extérieur. L’attaque la plus éclatante à ne jamais avoir foulé les terrains NFL. Peyton Manning le pilonneur en chef et John Fox le stratège défensif, planqué dans l’ombre de géant du Shérif et de son interminable front. Deux hommes discrets qui mènent par l’exemple. La Legion of Boom, défense sensationnelle, dégoulinante de talents et d’égos démesurés. Une escouade à l’image de son coach Pete Carroll, exubérante. Russell Wilson, le Randall Cunningham des années 2010. Imprévisible, terriblement doué, d’une précocité rare et capable de tout faire. Une affiche à faire saliver, même en plein désert. Un match grandiose de toute évidence. Ou pas.

Choc des générations

8 ans plus tôt, après des décennies de médiocrité et d’indifférence, les Seahawks se faisaient enfin un nom dans la NFL. À Détroit pourtant, ils tombaient face à la défense de Pittsburgh et quelques décisions litigieuses. Rageant. Un coup pour rien ? Hors de question. Les Balbuzards ont pris goût aux playoffs. Portée par toute l’expérience de Mike Holmgren et toute l’énergie d’un groupe qui se connaît par cœur, Seattle ne lâche pas la NFC Ouest de ses serres et retrouve les séries coup sur coup. Chaque fois, l’obstacle du premier tour est effacé avec plus ou moins d’embuches, mais les rapaces ne parviennent pas à franchir le Divisionnal Round. Un coup face aux Bears en prolongations, un coup face aux Packers dans une branlée monumentale. Un an plus tard en 2008, ils se ramassent complètement. 4-12. Après près de dix années aux commandes des Seahawks, Mike Holmgren tire sa révérence. 5 victoires, 11 revers. L’expérience Jim L. Mora tourne court. Coach défensif sur les bancs universitaires, comme pros, anciens head coach des Jets et Pats dans les 90’s, Pete Carroll fait flamber les Trojans. 4 Rose Bowls, 2 Orange Bowls, un titre national, une poignée de Heisman Trophies et de 1er choix de la draft, le coach de USC retrouve la NFL après 9 années d’absence auréolées de succès.

Dès sa première saison, malgré 7 défaites, Seattle remporte une NFC Ouest pathétique, Marshawn Lynch fait trembler la terre et les Balbuzards dégoûtent les champions en titre de New Orleans dans une rencontre fabuleuse. Une semaine plus tard dans le froid glacial du Soldier Field, ils ne font pas le poids. En 2010, ça avait marché, pas en 2011. Avec seulement 7 victoires au compteur, les Seahawks regardent les séries vautrés dans leur canap, une bière à la main et des ailes de poulet posées sur leur bide. Une année pour du beurre, pas vraiment. Une année pour l’avenir, certainement. Matt Hasselbeck et son crâne lisse comme une peau de bébé partis dans le Tennessee après pas loin d’une décennie à tirer les Seahawks vers le haut, la franchise va se réinventer. Malcolm Smith, Byron Maxwell, K.J. Wright, Richard Sherman. La draft 2011 donne le ton. Pete Carroll revient à ses premières amours. Le futur de Seattle se bâtit sur les lignes arrières. Bruce Irvin, Bobby Wagner, Jeremy Lane. Un an plus tard, le coach continue de blinder une défense talentueuse, déjà portée par Earl Thomas et Kam Chancellor, draftés en 2010.

Nouveau logo épuré, nouvel uniforme modernisé, nouveau quarterback. L’assise défensive jeune et bourrée de qualités dans le fond du terrain, les Seahawks se cherchent un leader offensif pour animer les airs et donner la réplique à un Marshawn Lynch sauvage sur la terre ferme. Tarvaris Jackson, Matt Flynn, Russell Wilson. Ce sera un match à trois. Titulaire un an plus tôt après le départ du divin chauve, l’ancien Viking est envoyé à Buffalo en échange d’un vulgaire choix de 7e tour le 26 août. Double champion universitaire avec LSU cantonné à un rôle de doublure d’Aaron Rodhers à Green Bay, Matt Flynn profite d’un match entre peintres sous la neige le 1er janvier pour désosser la défense des Lions (45-41, 480 yards et 6 touchdowns) et faire jaillir une magnifique hype autour de lui. Libre de tout contrat, le passeur signe à Seattle pour 3 années et 20,5 millions de dollars dont 9 garantis. Un joli hold up. L’occasion rêvée d’enfin lancer une carrière au point mort. Jamais il ne débutera le moindre match de saison régulière dans le nord de l’État de Washington. Drafté au 3e tour à cause de sa taille, Russell Wilson lui vole la vedette pendant l’été et rabat le caquet de tous les sceptiques. Tarvaris Jackson tradé, l’ancien quarterback de Wisconsin est nommé titulaire le même jour. Plus de 3000 yards dans les airs, près de 500 au sol, 30 touchdowns cumulés, 13 ballons perdus, le rookie flambe, les Seahawks gagnent 11 fois, mais doivent se contenter de la deuxième place de la division derrière des 49ers en route vers le Super Bowl XLVII. Les Redskins de RGIII et leur pelouse de merde battus après quelques frissons, les oiseaux de proie tombent face aux Falcons dans un duel de piaffes de haut vol. Tous ceux qui crachaient sur la décision de drafter Russ sont confortablement installés dans le bandwagon, direction la saison prochaine.

Une camapgne de rookie accomplie, une première victoire en playoffs, Wilson attaque la saison 2013 avec les épaules libérées d’un poids immense : celui du débutant catapulter titulaire avec tout à prouver. 3357 yards, 26 touchdowns, 9 interceptions et une évaluation à trois chiffres dans les airs ; 539 yards au sol, une mobilité à rendre fou les pass rush adverses, une capacité d’improvisation hors norme, le numéro 3 excelle sous pression et en dehors du confort douillet d’une poche qui implose à tout va et le laisse se faire écraser 44 fois. Arrivé à prix d’or en provenance de Minneapolis, Percy Harvin traverse la saison comme un fantôme, touché par deux fois à la hanche. Pépite sortie de Stanford sans être draftée 2 ans plus tôt, Doug Baldwin attrape 50 ballons pour 775 yards et 5 touchdowns pendant que le briseur de reins professionnel et Pro Bowler Golden Tate cavale 898 yards et croise, lui aussi, 5 fois la ligne. Dans un rôle de soupape de sécurité, Zach Miller ajoute près de 400 yards et marque 5 fois. Dans une attaque parfaitement balancée, Marshawn Lynch et sont savant mélange de jeu bourrin et à la fois si élégant piétine les lignes adverses pour 1257 yards et 12 touchdowns au sol et plus de 300 dans les airs dans la foulée du centre Pro Bowler Max Unger.

En défense, la Légion est en marche. Pendant que l’attaque plante un total de 417 points, l’escouade commandée par Dan Quinn n’en concède que 231. À peine 14,5 par match. Les meilleurs de la ligue. 273,6 yards accordés par rencontre, 39 ballons volés, personne ne fait mieux. Le moins de points, le moins de yards, le plus de turnovers. Du jamais vu depuis de puis les Bears de Mike Singletary, Richard Dent, Leslie Frazier et Ron Rivera en 1985. La Legion of Boom conquit la NFL match après match. La défense de Seattle devient la 4e dans l’histoire à concéder le moins de yards dans les airs et rafler le plus d’interceptions. Les 3 précédentes avaient toutes fini au Super Bowl. Animé par une paire Cliff Avril/Michael Bennett sur les ailes qui se partage à part égale 16 sacks, force une poignée de fumbles et inscrit un touchdown, le pass rush signe autant de sacks que la ligne offensive en concède. 44. À seulement 23 ans, Bobby Wagner endosse le rôle de leader comme un grand. 120 plaquages combinés, 5 sacks, 7 passes défendues, 2 interceptions, le middle linebacker impressionne par sa maturité. Derrière, l’état-major de la Légion. Trois Pro Bowlers. Des bouffeurs de ballons. Des DCA de chaire et d’os. Richard Sherman intercepte 8 passes, plus que n’importe qui d’autre dans la ligue, Earl Thomas signe 105 plaquages et 7 revirements, Kam Chancellor rate d’un tampon la barre des 100 plaquages et vole trois ballons dans les airs. 172 yards par match, c’est tout ce que la Legion of Boom autorise.

Portés par une équipe complète d’un bout à l’autre du terrain, aussi balancée en attaque qu’impitoyable en défense, les Seahawks volent sur la saison régulière. En semaine 12, quand ils plantent enfin leurs tentes et dressent leur camp le temps d’un semaine de repos bien méritée, les Balbuzards et leur Légion ne se sont inclinés qu’une fois sous les coups de sabot des Colts d’Andrew Luck. Des victoires arrachées au courage comme en Caroline (12-7) ou à St Louis (14-9), des succès en prolongation comme à Houston ou face aux Bucs, ou bien des volées XXL comme face aux Vikings (41-20), 49ers (29-3) ou Jaguars (45-17), peu importe les circonstances, peu importe la manière, Seattle sait gagner. En semaine 10, ils se vengent même des Falcons en allant les plumer et les rôtir dans leur dôme (33-10). S’ils s’inclinent d’un cheveux au Candlestick Park et cèdent à domicile pour la première fois depuis 2011 face aux Cardinals en semaine 16, les protégés de Pete Carroll signent une impressionnante saison régulière et s’adjugent le titre de la NFC Ouest et la première place de la NFC en disposant des Rams en week 17. Dans le froid et l’humidité du CenturyLink Field en janvier, ils résistent au retour des Saints dans le dernier quart avant de s’en remettre à son inévitable Légion pour dégoûter les 49ers de Kaep et s’envoler toutes ailes déployées vers le New Jersey.

À Denver, après la frustration des premières années Elway et le faste de ses deux dernières saisons, il faut se réinventer. Le quarterback parti à la retraite au lendemain de son couronnement du Super Bowl XXXIII, toute la science tactique de Mike Shanahan ou les jambes de feu de Mike Anderson et Clinton Portis, sacrés Rookies Offensifs de l’Année en 2000 et 2002 n’y font rien, les Broncos se cherchent. Une saison dans le rouge (6-10) en 99, un an après leur titre, des retrouvailles expéditives avec les playoffs l’année suivante, deux campagnes anodines, deux saisons à 10 victoires court-circuitées dès le premier tour par les Colts malgré les belles sorties d’un Jake Plummer sorti de son désert de l’Arizona, puis 2005. 13 succès, une victoire pleine d’autorité face aux Pats au premier tour puis un revers cinglant en finale de l’AFC face à des Steelers en route vers le titre. L’accro de trop. Les Broncos ont besoin d’un nouveau leader. Ce ne sera pas Jay Cutler. Drafté en 11e position en 2006, l’ancien de Vanderbilt ne fera jamais mieux que 9 victoires, ne connaîtra jamais les playoffs dans le Colorado et est envoyé à Chicago en 2009. Ce ne sera pas Kyle Orton. Mike Shanahan remercié, l’ancien coordinateur offensif des Pats Josh McDaniels débarque. Cutler n’a pas de soucis à se faire, le nouveau coach n’a aucune intention de s’en séparer. Le quarterback n’en croit pas un mot et demande à être échangé. Kyle Orton et deux choix de premier tour plus tard, c’est chose faite. Une saison à l’équilibre, une pourrie, McDaniels est viré, John Fox débarque, Orton rapidement mis sur la touche. Ça ne sera pas Tim Tebow. Après une victoire ébouriffante en prolongations au premier tour en 2011, les Patriots mettent brutalement fin au miracle permanent. Le pari sur la jeunesse ne marche pas. Pourtant, loin de perdre leur temps, les Broncos ont su bâtir un effectif dégoulinant de talent des deux côtés du ballon. Tout ce qui leur manque, c’est un quarterback. Un vétéran pour mener un vestiaire jeune. Un vétéran qui veut s’offrir un nouveau challenge. Un dernier. Un baroud d’honneur. Un Peyton Manning.

Le 20 mars 2012, le Shérif débarque au pied des Appalaches et Tim Tebow est envoyé dans la Grosse Pomme. Quelques mois plus tard, après avoir fait péter quelques records personnels, de franchise ou de la ligue, Manning est couronné Comeback Player of the Year après avoir remporté 13 rencontres et malgré une défaite épique à domicile dès le premier tour face à des Ravens à deux battements d’aile de la gloire. 13 victoires, ça sera aussi leur total un an plus tard. Un troisième titre de division consécutif, la première place de l’AFC et une attaque démentielle qui réécrit l’histoire, les canassons font les choses en grand. 606 points records en attaque (37,9 points par match !!!) qui effacent des tablettes les Pats de 2007 (589) et 7313 yards qui font frissonner les Saints de 2011 (7474). Pendant les 8 dernières semaines de la saison régulière, ne tentez pas de les arrêter sur leur première possession, c’est peine perdue. Chaque fois, ils croisent la ligne. 49 points face aux Ravens, 41 chez les Giants, 52 et 51 coup sur coup face aux Eagles et Cowboys, 45 contre les Redskins, ils passent 51 pions aux Titans. Après leur passage, la NFC Est n’est qu’un champ de ruines. Même lorsqu’ils s’inclinent à Indianapolis pour le grand retour de Peyton, ils inscrivent 33 points. Battus d’un rien à Foxboro, ils trouvent quand même le moyen d’en planter 31. De toute la saison régulière, ils ne ratent la barre des 30 points que 3 fois. 20 points dans un revers surprise à domicile face aux Chargers, jamais ils n’ont fait moins bien.

À 37 ans et avec 16 années dans les jambes et dans le cou. le Shérif s’éclate comme un gosse et livre l’un des saisons les plus accomplies de l’histoire pour un quarterback. 5477 yards, 55 touchdowns, Peyton Manning réécrit l’histoire à une cadence folle de 342 yards et plus de 3 touchdowns par match, et s’adjuge sa 5e couronne de MVP. Du jamais vu. Black & Decker. Pas question de jardinage. Potes en dehors du terrain, Demaryius Thomas et Eric Decker explosent sur le gridiron. 92 passes, 1430 yards et 14 touchdowns, l’ancien de Georgia Tech exploite à merveille sa vitesse de pointe pour étirer les défenses et gagner des yards en pagaille après réception. Pas en reste, loin delà, Decker agrippe 97 ballons pour 1288 yards et 8 touchdowns pendant que le Lilliputien Wes Welker ajoute 778 yards et 10 touchdowns. Tight end Pro Bowler aussi rapide et puissant qu’habile de ses mains, Julius Thomas sort de nulle part pour engloutir 788 yards et croiser 12 fois la ligne. 4 receveurs, tous au moins 10 touchdowns, un cas unique dans l’histoire. Dans une attaque obsédée par les airs, Knowshon Moreno a son mot à dire. Coureur polyvalent, il cavale 1038 yards au sol, galope 548 dans les airs et inscrit un total de 13 touchdowns derrière une ligne offensive emmenée par le Pro Bowler Louis Vasquez.

Suspendus pendant 6 semaines par la ligue pour avoir tenté de tricher lors d’un test anti-drogue, Von Miller et ses lunettes ne démarrent leur saison qu’en semaine 7. En 9 rencontres, malgré 5 sacks à des années lumières de ses standards habituels, il dynamise un pass rush qui ne récoltera que 20 ridicules sacks, le plus faible total de la ligue. Un an plus tôt, à lui tout seul, Von en raflait 18,5. Le 22 décembre à Houston, il se ruine le genou. Sa saison est terminée. Les Broncos devront poursuivre leur route sans lui. Avec 10 sacks, Shaun Phillips prend la relève sur la ligne, pendant qu’à l’autre bout, Malik Jackson ajoute 6 sacks. Au cœur du jeu, Danny Treviathan empile 129 sacks, 3 fumbles forcés et 3 interceptions dans un rôle de quarterback de la défense qui lui va comme un gant. Sur les ailes, Dominique Rodgers-Cromartie et Chris Harris tentent de verrouiller tant bien que mal une défense aérienne souvent dépassée et qui tourne à près de 255 yards par match. Les deux hommes volent 6 passes. Le reste de la défense, 4. Perméable dans les nuages, la défense des Broncos bâtit son succès au sol et n’accorde qu’un peu plus de 100 yards par rencontre.

Une attaque démentielle, une défense qui assure ses arrières convenablement, mais encaisse près de 25 pions par match, Denver peut heureusement compter sur des équipes spéciales performantes. Deuxième meilleure machine à scorer de la ligue, Matt Prater et sa jambe bionique empilent 150 points avec un taux de réussite insolent. 25/26. Il ne se rate que de 52 yards. Avec une équipe qui marque autant de touchdowns, ses services sont rarement requis. Le 8 décembre 2013, dans une mise à mort sanglante face aux Titans, à 1610 mètres d’altitude, il envoie aux oubliettes le vieux record de Tom Dempsey en passant un coup de pied de 64 yards. Escouade la plus performante sur retour de coup d’envoi, dans le top 5 en matière de punts, les canassons sont équipés pour aller loin. 13 succès, 3 revers, ils abordent les playoffs avec une confiance inébranlable, même malgré la perte de Von Miller. Après tout, ils auront su s’en passer pendant près de deux mois. Sans lui, jamais ils n’auront perdu de la saison. Une vengeance face aux Chargers au premier tour, une victoire toujours aussi salivante en finale de conférence face aux Pats, 15 ans après le dernier sacre de John Elway, les Broncos retrouvent le Super Bowl.

Jusqu’au bout de l’ennui

Habitué au confort de stade couverts comme les vieux Metrodome ou Silverdome ou encore le cliquant Lucas Oil Stadium, ou bien à des destination nettement plus exotiques en plein cœur de l’hiver, la NFL tremble. Un Super Bowl à New York City, dans un stade à ciel ouvert, et si la neige jouait les invités surprises et venait tout gâcher ? Rien de tout ça. Au coup d’envoi, le mercure pointe à 9 degrés tout à fait honorables. Bien loin des 4 degrés record du Super Bowl VI à Tulane, en Louisiane. En dehors d’une fine pluie qui viendra saupoudrer la rencontre de-ci de-là, le Big Game est épargné par les éléments. Épargné par la météo, mais pas par un scénario à sens unique jamais vu depuis des lustres. Depuis plus de 10 ans, le Super Bowl nous a gavé de rencontres au pire longtemps accrochées et indécises, au mieux absolument dantesques et entrées dans l’histoire de la ligue. En 2014, l’histoire passe son chemin. Le suspense aussi. Dès la première action du match, le ton est donné.

Les Broncos plantés à 14 yards de leur ligne après le coup d’envoi, en position shotgun, Peyton Manning s’avance pour transmettre des ajustements pré-snap. Dans le brouhaha généré par les cris du 12e homme, le centre Manny Ramirez se mélange les pinceaux et fait sauter le ballon entre ses jambes. Le cuir frôle l’oreille droite d’un Shérif qui se retourne à toute « vitesse ». Tout aussi prompt, Knowshon Moreno se rue sur une balle qui s’en va se promener dans la peinture. Pas de touchdown, mais un safety. Après 12 secondes de jeu, les Seahawks mènent déjà. L’ouverture du score la plus rapide de l’histoire du Super Bowl. Plus encore que la folle remontée de Devin Hester 7 ans plus tôt. Sur un end around, Percy Harvin embarque le ballon 30 yards plus loin. Deux coups dans la nuit new-yorkaise vers Jermaine Kearse, deux coups au sol avec ses jambes, Russell Wilson grignote quelques précieux yards et met Steven Hauschka sur orbite. 3 yards au sol, 2 dans les airs, 3 de plus sur une courte passe, three-and-out. À ce rythme là, les Broncos ne sortiront jamais de leur box. À coup de gagne petit lui aussi, Russ déniche quelques yards, fait avancer les chaînes et franchit la ligne médiane. Une passe de 37 yards dans les gants de Doug Baldwin plus tard, il n’est plus qu’à 6 pas de la peinture. Un holding offensif, quelques actions pour du beurre et Hauschka double son compte. À défaut d’enfoncer le clou, les Seahawks capitalisent. 8-0.

5 yards en avant, 2 en arrière, turnover. Dans un premier quart temps à faire chialer tout le Colorado, Peyton force une passe en plein centre en direction de Julius Thomas, le tight end ne lève jamais la tête, le lancer est trop haut, Kam Chancellor se régale et Seattle récupère la possession sur les 37 de Denver. Percy Harvin renfile son costume de coureur et cavale 15 yards sur la jumelle de son déboulé précédent. Dans un registre moins enlevé, Marshawn Lynch rappelle que lui aussi sait courir. Baldwin apporte sa pierre à l’édifice, Tony Carter aussi sur une interférence défensive que même Gilbert Montagné aurait vu et Beast Mode croise la ligne en se faufilant dans la mêlée. 15-0. En 14 actions et plus de 6 minutes pénibles pour les yeux, Peyton se téléporte de ses 16 yards aux 44 des Balbuzards. Passes ratés, courses riquiqui, gains minimalistes dans les airs, le pur-sang du Colorado si éblouissant depuis des mois ressemble soudainement à une vieille carne en fin de vie. Malcolm Smith enfile son tablier de boucher et achève la pauvre bête. Après une course de 9 yards de Moreno qui ferait presque croire que les Broncos ne sont pas encore morts, chargé par un pass rush qui fait imploser sa poche, Peyton Manning panique, aperçoit son coureur du coin de l’œil et balance une vieille passe en cloche qui retombe dans les bras d’un Smith opportuniste comme jamais. Le linebacker dépose tranquillement des linemen qui ne font pas le poids, s’envole pépère jusque dans la peinture et dunk difficilement le ballon par-dessus les perches jaunes après une promenade en solitaire de 69 yards. 22-0.

« Nous n’avons jamais baissé d’intensité de toute la saison, » expliquera Russell Wilson après le match. « Nous avions le talent. Nous avions les coachs. Nous avons les meilleurs fans dans la National Football League. Nous voulions tout rafler. »

Mission en bonne voie. Avec l’énergie du désespoir, déjà, le Shérif oublie totalement l’existence du jeu au sol et arrose comme le meilleur des jardiniers dans les airs. 11 yards par-ci, 19 yards par-là, quelques gains rapides dans le petit périmètre, les Broncos trouvent enfin un semblant d’allant, mettent les Seahawks sur le reculoir pour la première fois et glissent un pied dans la redzone. 4e et 2 à 19 yards de l’en-but. Trois points ne serviraient à rien. Les canassons doivent à tout prix franchir la ligne pour maintenir un soupir d’espoir. Sans option, Peyton force son lancer vers Demaryius Thomas, la balle est détournée sur la ligne, turnover on downs. Les traits tirés, les yeux dans le vide trahissant une totale impuissance, le quarterback rentre au vestiaire. 22 points. Jamais Denver n’a eu à remonter pareil déficit de toute la saison. Le troisième plus large écart de toute l’histoire du Super Bowl. En 1988, les Redskins menaient de 25 points face aux… Broncos ; deux ans plus tard, les 49ers menaient de 24 points face aux… Broncos. De sales souvenirs. Une possession équilibrée, juste un petite quarantaine de yards de plus en attaque en faveur des Seahawks, mais 22 points d’écart. La défense de Dan Quinn aura fait toute la différence et mis dans un fauteuil une escouade offensive parfaitement dirigée. À la mi-temps d’un match qui semble ne jamais vraiment avoir débuté, l’histoire semble vouée à se répéter. Inéluctablement. Ce soir, les Seahawks sont injouables.

« Tu veux jouer ton meilleur football en toute fin de saison, » expliquera Russell Wilson à USA Today. « Et ce soir, c’est ce que nous avons fait. »

Timing parfait.

No mercy

Les coachs le répètent chaque dimanche, au retour des vestiaires, c’est un autre qui match qui commence. Deux mi-temps, deux rencontres. Rien n’est jamais joué. Denver devra défendre d’entrée. À la défense de renverser la vapeur et de faire basculer le momentum d’un match à sens unique depuis ses toutes premières secondes. Les Broncos peuvent le faire. Les Broncos doivent le faire. Qu’en penses-tu Percy ? Nope. Un coup d’envoi haut et bondissant, Matt Prater force Harvin à s’avance, attendre le rebond et s’exposer à la montée de la couverture. Ok. Tranquillement, l’ancien Viking contrôle le ballon, aperçoit un immense couloir laissé sans protection, s’y engouffre à toute vitesse, mystifie trois Broncos d’un coup sur un crochet vers l’extérieur, ridiculise le kicker du Colorado et se tape un sprint de 50 yards en solitaire. Il aura fallu 12 secondes aux Seahawks pour frapper. Comme dans le premier acte. Jeu, set et match. Percy Harvin showing no mercy. 29-0. À l’année prochaine.

« Nous savions qu’ils étaient rapides, » confiera un Peyton Manning sans concession après la rencontre. « Mais au bout du compte, il ne tenait qu’à nous de mieux faire notre job et nous en avons été incapables. Je pense que nous somme tombé sur une remarquable équipe. Pour espérer l’emporter, il nous fallait jouer à la perfection et nous n’y sommes jamais parvenus, de loin. »

K-O debouts, les Broncos pilonnent dans le secteur court sans grande réussite et son bloqués à 39 yards de l’en-but adverse. Punt. Marshawn Lynch a beau trouver des failles au sol, un block de Russell Okung fat reculer Seattle de 10 yards et les protégés de Pete Carroll se dégagent à leur tour. En deux passes Demaryius Thomas gagne 33 yards dans les airs, mais sur se seconde réception, le receveur se fait déposséder le ballon par le gadgeto-point de Byron Maxwell et Malcolm Smith, le héros que personne n’avait vu venir recouvre le cuir. En patron à peine chatouillé par un pass rush vidé de son énergie, Russ distribue les passes dans un fauteuil et Jermaine Kearse fait le reste. Le receveur agrippe une passe dans le trafic sur la ligne de 17 sur un quick slant d’une simplicité enfantine, ricoche contre un premier plaquage, évite un deuxième sur un spin move supersonique, rebondit contre un nouveau plaquage à faire pleurer de rire et s’enfuit dans la peinture pour un touchdown de 23 yards. Ce soir, il y a un monde entre les deux équipes. L’une est venue la rage aux tripes ; l’autre, la peur au ventre.

Knowshon Moreno cantonné à un rôle de figurant dans une attaque qui délaisse totalement son jeu au sol, Peyton pilonne dans les airs, trouve enfin un semblant de distance, profite d’une DPI de Byron Maxwell et Demaryius Thomas célébrer le touchdown le plus triste de l’histoire du Super Bowl. La conversion à deux points est réussie. Plus que 28 points de retard. 3 minutes et un onside-kick recouvert par Zach Miller plus tard, retour à la case départ. Les 33 yards au sol de Robert Turbin annihilé par un holding offensif, Wilson imite le Shérif, complète 5 passes consécutives et c’est au tour de Doug Baldwin de se faufiler derrière la couverture et de ridiculiser une défense de Denver incapable de plaquer. 43-8. Turnover on downs. Turnover on downs. Sack-fumble recouvert sur Peyton Manning. Turnover on downs. Fin. Les deux équipes oublient leurs punters sur la touche et jouent tous les coups. En vain. Denver perd un nouveau ballon et se ramasse inlassablement contre la Legion of Boom. Il n’y aura plus le moindre point. Le massacre est terminé pour de bon. 12-0. Pour la 12e fois dans l’histoire du Big Gamepick-six aura été synonyme de victoire. Ancien protégé de Pete Carroll pendant 2 ans à USC, drafté dans l’anonymat du 7e tour en 2011, réserviste au faible temps de jeu durant 3 saisons, Malcolm Smith déjoue tous les pronostics et est couronné MVP. S’y attendait-il ?

« Absolument pas, mais ça fait tellement de bien, » confiera-t-il à NFL.com après le match. « […] Je me suis toujours imaginé faisant des grosses actions. Jamais je n’ai pensé devenir MVP. »

Pour ceux qui doutaient encore de la valeur d’une défense, même face à l’attaque la plus déchaînée de l’histoire, le verdict est cinglant. Jamais les Broncos n’auront fait illusion. Une issue presque invraisemblable. Impensable. Ou pas.

« Ça n’est pas si fou que ça pour nous, parce que nous connaissions la valeur de nos gars dans le vestiaire, » racontera Percy Harvin à USA Today. « Nous savions comment nous nous étions préparés et nous savions ce dont nous étions capables. »

0-4. Une fois de plus, le Orange aura porté malheur aux Broncos. En 4 Super Bowls disputés sous cette couleur, jamais les équidés n’auront triomphé. Après 7 échecs en autant de tentatives par le passé, la meilleure attaque de la saison régulière se ramasse une nouvelle fois en finale. Car après tout, il paraît que ce sont les défenses qui rapportent des titres. À 37 ans, après une première tentative amère, les Seahawks exultent au terme d’une branlée digne des 49ers des années dorées. À 37 ans, Peyton Manning voit un deuxième Super Bowl lui filer entre les doigts. Et de la pire des manières. « Une pilule dure à avaler. » Un rêve éveillée pour les fans de Seattle. Un interminable cauchemar de 4h. Pour les amateurs de ballon à lacet, un profond ennui. Un soirée morne. Presque triste. Denver est endeuillée. Un long dimanche de funérailles.

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