[Super Bowl Stories] Épisode 50 : Dernier galop

À une semaine du Super Bowl LII, épisode 50 de notre rétrospective exceptionnelle, le Super Bowl 50.

À une semaine du Super Bowl LII, épisode 50 de notre rétrospective exceptionnelle, le Super Bowl 50.

Carolina Panthers (NFC) vs. Denver Broncos (AFC) – 7 février 2016

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Doomsday Defense du Dallas des années Tom Landry, le Steel Curtain de Steelers tout-puissants, la No-Name Defense des Dolphins des 70’s, le Big Blue Wrecking Crew de Giants sacrés deux fois au tournant des 80’s ou la Legion of Boom de 2013. Entretenir la légende selon laquelle pendant que les attaques remportent des matchs, les défenses décrochent des titres. Arracher une bague à coup de sacks, de tampons déchirants et d’interceptions ou bien rejoindre l’Orange Crush des premières années maudites de John Elway, les Purple People Eaters de Vikings damnés dans les 70’s, les malheureux Killer Bs de Miami, une Dome Patrol de La Nouvelle-Orléans incapable de gagner le moindre match de séries, le New York Sack Exchange des Jets des 80’s ou le Fearsome Foursome de L.A. Autant de défenses mythiques sevrées de titres. Autant de noms entrés dans la légende, mais au palmarès vierge. Rejoindre la postérité ou le cimetière. Dans un duel de générations en attaque, le verdict tombera en défense. Si Tom Brady, Joe Montana et les Triplets de Dallas se sont appliqués a dézinguer la vieille légende, il ne fait guère de doute. Le Super Bowl 50 se jouera en défense.

Peyton, le dernier dinosaure

Laminés. Écrabouillés. Éparpillés aux quatre coins du MetLife Stadium, mais toujours sur leurs quatre fers. Fièrement dressés. Le crin au vent. Les muscles bandés. Les sabots affûtés. Comme un étalon qui se serait écroulé sur le dernier oxer, les Broncos se relèvent et repartent au triple galop. 12 victoires, 4 revers. Imprenables à domicile, invincibles dans l’AFC Ouest, seuls les Rams et Bengals, et des Seahawks et Pats en route vers le Super Bowl XLIX parviennent à les faire tomber. Les pur-sangs sont toujours aussi endiablés en attaque, toujours aussi bien armés en défense. Pourtant, exemptés de premier tour, ils perdent le duel équestre de la ligue d’entrée face aux Poulains. Un accroc. Rien qu’un accroc. Car leur destin est tout tracé. Et surtout, il est intimement lié à celui du Shérif, lancé dans une 18e saison aux allures de dernier galop. Comme John Elway près de deux décennies plus tôt, Peyton Manning se voit bien partir sur un titre. Un titre qui le fuit depuis son sacre du Super Bowl XLI. L’histoire serait si belle. L’histoire devra s’écrire sans John Fox. Après 4 titres de division conquis en autant de saisons aux rênes des chevaux et autant d’échecs en playoffs, le head coach est remercié. Win now. Pour John Elway, l’objectif est clair et Fox n’est plus l’homme de la situation. Ancienne doublure du légendaire numéro 7 de Denver devenu coordinateur offensif de l’attaque la plus démentielle de l’histoire, Gary Kubiak est promu coach en chef. Jack Del Rio parti à Oakland, Wade Phillips fait son grand retour aux commandes de la défense du Colorado.

En semaine 7, les Broncos savourent un repos bien mérité après quelques sueurs froides à Cleveland. Face à des Browns déjà tombeurs des Titans mi-septembre puis des Ravens en overtime dans leur nid de Baltimore, les canassons doivent eux aussi jouer les prolongations pour échapper à un revers qui ferait tâche. Car depuis le début de la saison, ils n’ont pas encore goûté une seule fois au goût aigre de la défaite. Pourtant, ils l’ont frôlée plus d’une fois. Mais ces Broncos sauce 2015 savent comment l’emporter. Peu importe la manière. Faire du beau football pour finalement se faire ramasser en finale, très peu pour eux. Leur jeu enivrant des 3 dernières saisons envoyé aux oubliettes, les équidés jouent un football au raccro, surtout défensif, mais diablement efficace. Une volée infligée aux Packers (29-10), une victoire de 12 points à Detroit, de 14 à San Diego, mais pour le reste, jamais plus de 7 points d’écart. Les Colts ont beau ruiner leur belle série d’invincibilité en semaine 9 et les Chiefs faire voler en éclat leur invincibilité à domicile 7 jours après, les protégés de Gary Kubiak arrachent deux nouveaux succès en prolongations face aux Patriots et Bengals pour conserver leur couronne de l’AFC Ouest et souffler à leurs deux rivaux la première place de l’AFC. En playoffs, bon courage à ceux qui devront se coltiner la défense de Denver. The Orange Crush is back !

Wade Phillips de retour au bercail après avoir commandé la défense des Rocheuses de 89 à 92, avant de devenir head coach éphémère, John Elway ne s’arrête pas là et réalise un virage à 180 degrés. Une attaque démentielle qui désintègre tout en saison régulière pour finalement se faire vaporiser en séries, non merci. Les Seahawks l’ont prouvé, une défense ultra-physique et parfaitement coachée peut vous emmener loin. Très loin. Trop tard pour drafter malin comme l’avait si bien fait Pete Carroll à son arrivée à Seattle, Elway mise sur la free agency et aligne les zéros. Des muscles et de l’expérience. Beaucoup d’expérience. DeMarcus Ware, Aqib Talib, T.J. Ward. Dès 2014, avant même que John Fox ne soit mis à la porte, le general manager métamorphose l’équipe. Et quand Wade Phillips débarque, adieu l’ancien système ultra complexe de Jack Del Rio qui imposait aux joueurs tout un tas de lectures et de prises de décisions. L’ancien coach des Cowboys balance tout ça à la poubelle et instaure une approche bien plus instinctive et physique. Jouer le ballon. Voilà le nouveau mot d’ordre.

4530 yards. En 2015, aucune défense ne concède moins de yards que les chevaux. Du jamais vu dans le Colorado. 18,5 points par match. Seuls les Seahawks, Bengals et Chiefs font mieux. Meilleure défense dans les airs (199,6 yards par match), 3e plus étanche au sol (83,6), ces Broncos autrefois si destructeurs en attaque, mais perméables en défense sont devenus un véritable casse-tête pour les coordinateurs offensifs adverses. Si Derek Wolfe et Malik Jackson se partagent équitablement 11 sacks, c’est sur les ailes de la 3-4 de Wade Phillips que bat le cœur de la défense. Les Pro Bowlers Von Miller et DeMarcus Ware signent 18,5 sacks et 4 turnovers dans des rôles de leaders d’un pass rush qui dévore 52 quarterbacks. Plus que n’importe qu’elle autre défense. Personne ne fait mieux que leurs 24 fumbles forcés. Seuls les Cards et Chiefs surpassent leurs 4 touchdowns défensifs. Vigies au milieu du terrain, Danny Trevathan et Brandon Marshall découpent tout sur leur passage, pendant que la triplette Chris Harris/Aqib Talib/Bradley Roby verrouille les airs.

Peyton Manning amoindri par le poids des âges et des pépins physiques, Gary Kubiak transforme une attaque autrefois obsédée par les airs en une escouade à l’ancienne qui repose très largement sur un jeu au sol nourri. Zone blocking et shotgun offense, tout est fait pour préserver au mieux le dos vacillant d’un Shérif presque quarantenaire. Un beau projet, mais qui prend rapidement l’eau. Blessures sur la ligne offensive, jeu aérien défaillant, l’attaque pachydermique des dernières saisons est méconnaissable. 2249 yards, 9 touchdowns, 17 interceptions, une évaluation de cancre de 67,9. La pire saison de sa carrière. Pire encore qu’une horrible saison de rookie en 98. Peyton ressemble à un cheval boiteux. En semaine 9 face à Kansas City, il sombre. Un épouvantable 5/20, 35 faméliques yards qui lui suffisent pourtant à devenir le passeur le plus prolifique de l’histoire, 4 interceptions, pas le moindre touchdown. On en aurait presque de la peine. Une semaine plus tard, le corps lâche. Touché au pied, Manning est envoyé sur le banc. Il ne fera qu’un retour éphémère en semaine 17 face à San Diego pour remplacer un Brock Osweiler pas des plus inspirés.

Inspiré, l’ancien d’Arizona State l’aura pourtant été au cours de son intérim. 1967 yards, 10 touchdowns, 6 interceptions, une évaluation de 86,4. Rien de bien transcendant, mais du travail bien fait et 5 succès importantissimes à la clé. Brok se fond à merveille dans une attaque qui ne lui demande pas de prendre de risques. Attelage à deux têtes porté par C.J. Anderson et Ronnie Hillman, le jeu au sol était sensé devenir le moteur de l’attaque dans le nouveau système de Gary Kubiak. Pourtant, avec 107,4 yards de moyenne par match, il ne pointe qu’au 17e rang de la ligue. 720 yards et 5 touchdowns pour le premier, 863 yards et 7 touchdowns pour le second, si aucun des deux coureur ne dépasse le mètre 75, les deux hommes font parler leur explosivité et leur vitesse pour casser la ligne et ajouter près de 300 précieux yards dans les airs. Eric Decker parti cueillir les billets verts un an plus tôt, Emmanuel Sanders et son profil tout aussi vertical, clairement plus rapide, mais nettement moins physique le remplacent. 1135 yards, 6 touchdowns, l’ancien Steeler brille aux côtés d’un Demaryius Thomas toujours aussi emmerdant à couvrir. 1304 yards et 6 touchdowns. Même sans son meilleur pote et sans un Julius Thomas parti faire sauter la banque à Jacksonville, l’ancien de G-Tech s’éclate. Dans un rôle de soupape de sécurité indispensable, le vieux briscard Owen Daniels ajoute plus de 500 yards et 3 touchdowns pour ce qui sera la dernière saison de sa carrière.

Peyton avait prévenu, pas question de se passer de lui en playoffs. S’il réchauffe légèrement la machine en semaine 17, c’est pourtant sans grandes garanties que les Broncos s’apprêtent à accueillir les Steelers pour leur entrée en séries. Surtout que 7 jours plus tôt, les Steelmen sont revenus avec succès de leur chasse au Tigre dans la jungle de Cincinnati face à des Bengals 15-1 qui auront flirté avec la première place de la conférence jusqu’à la dernière semaine. Un coup de maître. Dans la fraîcheur de Denver, Manning assure le service minimum. Pas de touchdown, mais pas d’interception. La défense et C.J. Anderson se chargent du reste. Une vraie victoire de playoffs. Une semaine plus tard face aux incontournables Patriots, même combat. En un peu mieux. Toujours aussi maladroit et tournant tout juste au-dessus du 50% de réussite, le Shérif balance 2 touchdowns, la défense intercepte Tom Brady sur une conversion à deux points à 17 secondes de la fin, ruine tout espoir de comeback et les Broncos s’envolent vers un dernier galop californien. La belle histoire est en marche. Plus qu’un chapitre à écrire. Le plus beau de tous.

En Caroline, 12 ans après l’immense désillusion d’un Super Bowl XXXVIII épique, c’est une tout autre histoire qui s’écrit. En 2005, les Panthers échouent aux portes du Big Game face aux Seahawks. Elle ne le sait pas encore, mais la génération Steve Smith, Jake Delhomme et Julius Peppers vient de rater le coche. Écœurés par un Larry Fitz-génial et une défense des Cards possédée en route vers le Super Bowl XLIII deux ans plus tard, ils sombrent. 8-8. 2-14. John Fox (encore lui) est viré et file à… Denver ! Coordinateur défensif des Chargers depuis 2 ans, Ron Rivera déboule à Charlotte avec une jolie réputation en défense. Nouveau head coach, nouveau quarterback, nouveau leader défensif, mais un bilan qui refuse de basculer dans le vert. En 2011, malgré un Cam Newton couronné Rookie Offensif de l’Année, les Panthères ne gagnent que 6 fois. Un an plus tard, malgré un Luke Kuechly sacré Rookie Défensif de l’Année, elles ne l’emportent que 7 fois. Puis la mayonnaise prend enfin. 12 victoires, le Joueur Défensif de l’Année, le Coach de l’Année, mais des retrouvailles avec les playoffs qui tournent court face aux 49ers. Un petit échec, mais plein de belles promesses. En 2014, dans une NFC Sud pathétique qui frise le ridicule et est à deux doigts de détrôner la NFC Ouest de 2010, les Panthers sont couronnés champions de division malgré un bilan de 7-8-1. Les Cards battus au premier tour, la farce s’arrête dès le suivant face aux Seahawks. Encore raté. Personne n’y croyait vraiment. Une saison qui laisse une vilaine impression de coup d’arrêt.

Un an plus tard, les hommes de Ron Rivera ne sont plus là pour déconner. 15-1. 15 victoires. Les Panthers deviennent seulement la 7e franchise de l’histoire à atteindre un pareil total. Une seule petite défaite. Juste la 10e fois depuis 1960. Le 27 décembre à Atlanta, les Panthers s’inclinent d’un touchdown et mettent fin à une fabuleuse série de 14 victoires consécutives. Du jamais vu pour une franchise de la NFC. Mieux que le 13-0 des Saints de 2009 et Packers de 2011. Tout le monde les voyait déjà en route pour la saison parfaite. Hors de question pour les Falcons. Semaine de congé, avantage du terrain tout au long des séries, 10 Pro Bowlers, 8 All-Pro. Une saison historique pour la franchise de la Caroline. Pourtant, l’été n’augurait rien de bon. DeAngelo Williams laissé libre, les félins se cherchent une nouvelle identité au sol. Abandonné par son genou en présaison, Kelvin Benjamin ne jouera pas de l’année. C’était sans compter sur un Cam Newton au sommet de son art. 5 ans après sa sélection au sommet de la draft, l’ancienne star d’Auburn assume enfin son statut, illumine la ligue de son sourire et contamine la ligue de ses Dabs.

Chef de meute de l’attaque la plus prolifique de la ligue (500 points), Supercam plane. Dans les airs, au sol, la totale. 3837 yards qu’il n’avait plus atteints depuis sa saison de rookie, 35 touchdowns, seulement 10 interceptions, une évaluation de 99.4, une salade de records personnels et un titre de MVP que personne n’avait vu venir 5 mois plus tôt. Cam se sublime pour porter une escouade qui tourne à plus de 31 points de moyenne. Phénomène athlétique presque injuste, il ajoute 636 yards et 10 touchdowns avec ses longues foulées. Dans une attaque aérienne orpheline de son meilleur atout, Greg Olsen se mue en cible favorite du quarterback. 77 réceptions, 1104 yards et 7 touchdowns, le tight end se prend pour le Gronk et signe une seconde campagne consécutive au delà des 1000 yards. Dans un rôle de dynamiteur de défenses, Ted Ginn Jr. et ses jambes de feu cavalent 739 yards, empilent les gains de plus de 20 yards (10) et marquent 10 fois. Vétéran de plus de 10 ans, Jerricho Cotchery apporte toute son expérience dans le slot, agrippe 39 ballons, engloutit 485 yards et signe 3 touchdowns pendant que l’hybride David Funchess et le supersonique Corey « Philly » Brown se mettent à deux pour entasser 920 yards et 9 touchdowns. Un arsenal étonnamment riche, varié et ultra complémentaire qui fait oublier le mètre 95 de Kelvin Benjamin et profite très largement d’un Cam Newton en apesanteur.

S’ils ne pointent qu’à la 24e place dans les airs, les Panthers cavalent comme des dératés au sol. 2282 yards, 142,6 yards par rencontre, seuls les Bills font mieux. Emmerdé par les blessures depuis des années et souvent cantonné à un rôle de doublure de luxe de DeAngelo Williams, Jonathan Stewart confirme sa belle année 2014 et signe sa plus belle saison depuis 2009. Sa seule au delà des 1000 yards. Malgré 3 rencontres passées sur le flanc, le running back emboutit 989 yards tout en puissance et croise 6 fois la ligne. Fullback ultra polyvalent, Mike Tolbert, son mètre 75 et ses 110 kilos marquent 4 fois et accumulent plus de 400 yards au total. Cam Newton, Greg Olsen, Jonathan Stewart, Mike Tolbert. Ryan Kalil, Trai Turner, tous sont aimablement conviés à un Aloha Stadium qui retrouve le Pro Bowl après une courte année d’exil dans le désert. Aucun d’eux ne sera à Hawaï pourtant. Une semaine plus tard, ils auront bien mieux à faire.

Des Pro Bowlers en pagaille en attaque, mais aussi en défense. 6e escouade la plus radine en points, les Panthers ne concèdent que 308 points. À peine 20 par match. Portés par un Josh Norman intenable qui coupe 19 passes, vole 4 ballons dans les airs, force 3 fumbles et marque 2 fois, les félins signent 24 interceptions. Plus que quiconque dans la ligue. 143 kilos de TNT, 1 mètre 95 de de puissance, personne ne porte moins bien son nom que Kawaan Short. 55 plaquages, 11 sacks, 4 passes rabattues sur la ligne, 3 fumbles forcés, 2 recouverts, le defensive tackle règne au cœur de la mêlée. En quête d’un ultime frisson, Jared Allen ajoute 2 sacks à sa collection pour la dernière saison de sa carrière pendant que les defensive ends Mario Addison et Kony Ealy se mettent à deux pour envoyer 11 quarterbacks au tapis et animer tant bien que mal un pass rush qui stagne dans le ventre mou. Derrière eux, les quarterbacks de la défense. Le cœur et le cerveau. L’éternel Thomas Davis et le génial Luke Kuechly. Drafté une décennie plus tôt, Davis empile 105 plaquages, 5,5 sacks, 8 turnovers pendant que le prodige de Boston College rafle 118 plaquages, un sack, 10 passes défendues, 4 interceptions, un touchdown et 2 fumbles forcés. Deux boulimiques qui portent sur leurs épaules la 4e meilleure défense au sol de la ligue. Revenu à la vie un an plus tôt à Kansas City, le safety Kurt Coleman s’offre 7 interceptions dans un rôle de tour de contrôle derrière un Josh Norman qui éteint les meilleurs receveurs adverses semaine après semaine. Arracheur de ballons professionnel pendant 11 ans à Chicago au crépuscule de sa carrière, Charles Tillman se fait péter le genou en semaine 17 face à Tampa. Il ne rejouera pas de la saison. Il ne rejouera plus jamais.

Imiter les 49ers de 84 et les Bears de 85, vainqueurs de 15 rencontres, battus une seule petite fois et finalement couronnés. Ne pas suivre le même chemin que les Vikings de 98 et Steelers de 2004, vaincus aux portes du Super Bowl après avoir décroché 15 victoires en saison régulière. Ne surtout pas connaître le même sort que les Packers de 2011, sortis d’entrée après un magnifique 15-1 et une semaine de congé. Non, pour les Panthers l’objectif tombe sous le sens : aller jusqu’au bout. Les Seahawks dompté au premier tour, les Panthères exterminent les Cardinals dans une revanche de 2008 en infligeant 7 turnovers jamais vus depuis la finale NFC de 1978 quand les Cowboys avaient éradiqué les Rams de Los Angeles. Direction Santa Clara. Dans le pays des chercheurs d’or, la franchise de Charlotte s’en va cueillir sa première bague.

Chevaux de guerre

Panthers. Broncos. Pour la troisième année consécutive les têtes de séries numéro un de chaque conférence défendront les couleurs de la NFC et de l’AFC. Meilleure attaque contre meilleure défense. Un scénario déjà vu deux ans plus tôt pour les joueurs du Colorado. Seulement cette fois-ci, les rôles sont inversés. Battus deux fois, vainqueur une fois, Peyton Manning s’avance vers son quatrième Super Bowl avec un quatrième coach différent pour l’épauler. Deux chez les Colts, deux avec Denver. Jamais un quarterback n’avait porté deux franchises différentes jusqu’en finale à deux reprises. À 39 ans, Peyton Manning ajoute une nouvelle ligne à sa légende et détrône John Elway en devenant le plus vieux quarterback à débuter un Super Bowl. 13 années et 48 jours le séparent des 26 ans de Cam Newton. Le plus grand écart entre deux QBs titulaires en finale. Deux ancien premier choix de la draft. Deux générations. Un duel des styles et des époques. Pour les deux coachs, des retrouvailles avec un Big Game qu’ils ont chacun connu en tant que joueurs. Du jamais vu. Doublure de John Elway dans les années 80-90, Gary Kubiak était entrée en jeu en fin de match dans des Super Bowls XXI et XXIV perdus depuis des lustres. Linebacker des fabuleux Bears de 85, Ron Rivera avait éradiqué les Pats de la surface de la terre dans un Super Bowl XX à sens unique.

Ciel bleu azur, près de 25 degrés au mercure, les conditions sont idylliques. Visages fermés. Cœurs serrés. Le temps d’un hymne, les deux bancs sont rattrapés par l’émotion. L’escadron de l’Air Force survole le stade. Luke Kuechly frappe des mains et beugle comme un enragé. Peyton Manning, un sourire béat savoure et essuie un début de larme.« Prenez du plaisir, » glissait-il à son attaque quelques minutes plus tôt. Dans 60 minutes de jeu, le Shérif rangera ses crampons pour de bon. 60 minutes pour savourer. 60 minutes pour profiter. 60 minutes pour gagner.

Ébranlés d’entrée deux ans plus tôt à New York, les Broncos attaquent avec autorité d’entrée. Sur les 4 premiers jeux, 4 passes. Peyton n’est peut-être plus le même, mais il reste Peyton. 18 yards vers un Owen Daniels esseulé. Une spirale parfaite de 22 yards dans les mains d’un Andre Caldwell seul au monde. Les chevaux coupent déjà la ligne médiane. C.J. Anderson prend la relève au sol et les chevaux débarquent dans la redzone. Ronnie Hillman séché dans son camp, Peyton se fait court-circuiter par Robert McClain avant de ne débusquer qu’un petit yard bien insuffisant. De 34 yards, Brandon McManus ouvre le score. Pour la première fois depuis le début des séries, les Panthères sont menées. Instant recueillement. Avant son tout premier snap, Cam prie en silence. Une poignée de secondes plus tard, il goûte déjà au traitement spécial que lui a réservé le pass rush du Colorado. Si le numéro 1 ne veut pas passer son aprem à goûter un gazon, il va devoir courir. Stop express. Stop supersonique. Les deux équipes s’échangent les punts. Ron Rivera grille un challenge et un temps mort sur une passe incomplète très (TRÈS) litigieuse en direction de Jericho Cotchery. Le coach clame que son receveur avait la main sous le ballon, les images semblent plaider dans son sens, pas les officiels. Un premier tournant. Jonathan Stewart se mange un mur et la défense des Rocheuses frappe. Deuxième choix général de la draft 2011, Von Miller dépose Mike Remmers, emboutit Cam, premier choix de la même cuvée, et lui arrache le ballon des mains à deux pas de la endzone. Le cuir se fait la belle, roule tranquillement jusque dans la peinture, Malik Jackson se rue dessus, touchdown. Un fumble retourné en touchdown en finale, du jamais vu depuis le Super Bowl XXVIII. Très largement acquis à la cause des Broncos, le Levi’s Stadium rugit de bonheur. Von Miller a trouvé la clé pour faire déjouer l’attaque de Charlotte.

« Je voulais juste entrer dans la tête de mon vis-à-vis, de mon tackle, du centre, dans celle de Cam, » expliquera-t-il à CNN. « Sa cadence est l’une des plus dure à déchiffrer de la ligue. Mais nous avons réussi. C’est comme ça que notre défense a joué toute l’année. »

Harassé par une défense de Denver habitée, les Panthers frôlent la correctionnelle par deux fois sur la série suivante. Après un déboulé de 15 yards de Fozzy Whittaker qui les remet dans le sens de la marche, Mike Tolbert échappe le cuir sous l’impact de Shane Ray, mais parvient à conserver le ballon. Une passe dans le vent plus tard, Cam Newton se fait engloutir par Darian Stewart et recule de 8 yards, mais ce brave Aqib Talib a la brillante idée de faire le malin et se fait épingler pour provocation. Au lieu d’un 4e essai injouable, les Panthères décrochent un premier essai et avancent de 15 yards. En vain. Whittaker se fait recaler, Cam balance deux ballons pour personne et Carolina doit rapidement punter. Le bras facturé en finale NFC, Thomas Davis, l’expert en guérison, est bien de la partie. Il l’avait promis. Et c’est un homme de parole. Amoindri, il contemple Luke Kuechly bomber le torse à son tour, s’engouffrer dans un boulevard gigantesque en plein cœur de la ligne et dévorer Peyton 8 yards derrière sa ligne sans la moindre opposition. Au tour des Broncos de punter. Après 15 minutes passées à se faire rentrer dedans par des purs-sang enragés, des three-and-out à répétition et seulement deux ridicules first downs, Cam trouve enfin le tempo. 20 yards dans les mains de Corey Brown, deux échappées d’une douzaine de yards qui propulsent les félins en territoire adverse, deux lancers qui les téléportent à un pas de la peinture. Sur la ligne, Jonathan Stewart finit le travail en bondissant au-dessus de la mêlée, Aqib Talib signe déjà sa troisième pénalité du match, touchdown. 10-7. Le bref interlude offensif passé, les défenses reprennent le contrôle du match.

Ron Rivera balance à nouveau son mouchoir rouge et obtient gain de cause cette fois-ci. La passe incomplète de Peyton est transformée en sack de Kony Ealy. On recule de 7 yards. Deux passes dans les nuages et un tampon made in Kuechly plus tard, revoilà le punter. Chris Harris s’offre le scalp de Ted Ginn, quarterback d’un jeu, et Charlotte se débarrasse déjà du ballon après trois petites actions. Punt. Sur une réception à haut risque entouré de quatre Panthères, les yeux rivés vers le ciel, Jordan Norwood ne signale jamais de fair catch, déjoue la montée de Panthères hésitantes, s’enfuit sur la droite du terrain, profite d’une couverture prise de vitesse et de quelques blocs pour galoper 61 yards plus loin avant d’être repris par Mario Addison, lancé dans le sprint de sa vie. Le plus long retour de punt de l’histoire du Super Bowl. C.J. Anderson une fois, 7 yards dans les airs. C.J. Anderson deux fois, deux petits yards au sol. C.J. Anderson trois fois, que dalle. C.J. Anderson quatre fois, first down ! Ou pas. Louis Vasquez épinglé pour un holding, les Broncos doivent s’en remettre au pied de McManus. 13-7. Dans une première mi-temps prise en otage par les défenses, Cam Newton doit tout faire tout seul, prend ses jambes à son cou, déniche 14 yards, en gagne 15 de plus grâce à l’excès d’engagement de Malik Jackson avant que Mike Tolbert ne gâche tout. Torpillé par le casque de Darian Stewart, le running back ruine une course de 11 yards, perd le ballon et rend le cuir sur les 40 de Denver. C.J. Anderson pense offrir aux canassons une occasion en or de capitaliser quand il s’échappe sur la droite, cavale 34 yards et offre aux Broncos leur premier first down depuis leur première série offensive du match, mais c’est sans compter sur Kony Ealy. En embuscade au milieu du terrain, le rusher laisse traîner sa main sur la trajectoire d’une passe destinée à Emmanuel Sanders, agrippe le ballon en deux temps aux portes de la redzone et remonte 19 yards dans la direction opposée. Momentum shift.

Passe ratée, surplace au sol, passe ratée, punt. Les Panthers n’en profitent pas. En face, ça n’est guère mieux et les Denver échoue encore dans sa quête d’un premier essai. Avec une minutes 55 et deux temps morts, Cam Newton se lance dans un 2-minute drill en quête de points juste avant la pause. 3 petits yards au sol, un faux départ de Michael Oher qui fait reculer tout le monde de 5 yards une passe qui fuit Ted Ginn, le démarrage est cahoteux et Ron Rivera grille déjà un temps mort pour faire tomber un peu la pression. Relâché, Cam trouve les mains de Devin Funchess et Carolina avant de 24 yards. 8 yards dans les gants de Greg Olsen, une nouvelle courte échappée du quarterback et les voilà en territoire ennemi. À 45 yards de leur objectif. Temps mort. Leur denier. 18 secondes. Le temps de deux ou trois jeux. Le premier coup s’enfuit dans les airs. 11 seconde. Le tout pour le tout. En shotgun sur le logo doré de la NFL célébrant le cinquantenaire du Super Bowl, Cam se fair engloutir par DeMarcus Ware lancé comme une bombe sur le flanc gauche. Aucune chance. Mi-temps.

« Hey Cam, c’est ok. Hey, on a le ballon en seconde mi-temps. On le récupère d’entrée, » lâche Luke Kuechly à un Cam Newton qui retourne au banc tête baissée.

Von Miller, le Baron Blanc

55-7. Depuis le début des playoffs, les Panthers avaient pris pour habitude de passer les 30 premières minutes à piétiner leurs adversaires et ruiner tout suspense. À Santa Clara, c’est une autre musique. Dominés en défense, menés de 6 points, rien n’est joué pourtant. « Il nous faut un turnover, » s’accordent Luke Kuechly et Charles Tillman sur le banc. Le soleil parti se coucher, les défenses reprennent leurs droits sous un ciel étoilé. Le premier acte aura été réduit à un duel défensif. Pas de raison que le second soit différent. Le jeu au sol de la Caroline éradiqué de la surface de la Terre, Cam Newton doit se démerder tout seul. La voie des airs ou bien ses jambes. Il n’a plus d’autre option. Pourchassé, cerné, frappé, écrabouillé, le quarterback est agressé sans relâche. Une énergie sauvage que Kuechly ne peut qu’admirer vu du banc. Pourtant, quand Supercam, planté sur ses 20 yards, envoie une passe laser en plein milieu du terrain vers un Ted Ginn lancé comme une bombe et qui cavale 45 yards avant de tranquillement filer en touche, les félins pensent peut-être avoir trouvé un moyen de déjouer le pass rush démentiel des Broncos en lâchant vite le ballon sur des crossing routes dans un secteur central dépeuplé. Mais la défense du Colorado s’ajuste rapidement. Et quand Fozzy Whittaker déniche 10 yards presque inespérés au sol, Trai Turner ruine tout ruine tout pour un excès d’engagement qui coûte 15 yards aux siens, Cam reprend la marrée et Jerricho Cotchery laisse filer le ballon entre ses bras. Il faudra se contenter de 3 points. Encore faut-il les passer. De 44 yards, Graham Gano heurte la pointe du poteau droit, le ballon tombe du mauvais côté. Les joueurs de la Caroline ont beau crier au hors-jeu, les arbitres restent de marbre. Les Panthers repartent bredouilles et rendent le cuir à Denver dans une position idéale.

En deux passes vers Emmanuel Sanders, le Shérif fait bondir les chevaux de 47 yards. Sur sa ligne de 12, la défense de Charlotte fait front et McManus accroit l’écart de près. 16-7. Toujours pas le moindre touchdown offensif pour Denver. Pendant que les Panthères vendangent leurs rares opportunités, les Broncos capitalisent leur moindre occasion. Dans un match dicté par les défenses, pas question de gâcher. Les protégés de Ron Rivera vont en faire l’amère expérience. Comme sur la série précédente, Cam Newton décoche une flèche en profondeur, se fait démolir, broute la piteuse pelouse du Levi’s Stadium et regarde du coin de l’œil Corey Brown se propulser en arrière pour attraper le ballon en plein trafic 42 yards plus loin. Un big play en attaque. Un big play en défense. 4 jeux plus tard, posté sur les 28 de Denver, Cam rate les mains d’un Ted Ginn surveillé de près et envoie le cuir directement dans les bras de T.J. Ward. Mike Tolbert a beau faire péter le ballon, Danny Trevathan le recouvre. Nouvelle série prometteuse, nouvel échec. C.J. Anderson donne un peu d’air aux siens, Kony Ealy s’illustre une nouvelle fois en emboutissant Peyton. 3 minutes plus tard, il est imité par Von Miller et Derek Wolfe. La paire réexpédie Newton 10 yards en arrière et force les Panthers à punter. Menés. Une situation qu’ils n’auront presque jamais connue de toute la saison. Impuissants, en manque de réussite, les félins s’agacent. Et quand Emmanuel Sanders célèbre un premier essai sous son nez, Tre Boston ne peut contenir sa frustration, tape sur le ballon et pousse le receveur. Rien de bien méchant, mais suffisant pour coûter 15 yards aux siens. Surtout, il trahit son énervement. Les Broncos sont en train de gagner la guerre psychologique. Charlotte a besoin d’un turnover, vite.

Dans un festival de sack record (12 au total), Peyton Manning et ses jambes en béton armé commencent à morfler. Submergé dans sa poche, le quarterback avance, arme son bras, se fait arracher le ballon par Charles Johnson, mais parvient à rapidement plonger dessus. Premier avertissement. Deux actions plus tard, Kony Ealy s’offre une œuf-jambon-formage sauce gridiron. Intenable, le defensive end dépose le tackle gauche, frappe dans la main de Peyton, fait tomber le cuir à terre et dans une mêlée de joueurs incapable de contrôler le cuir, finit par récupérer son bien. Après deux fumbles infructueux, la Caroline tient enfin son turnover. Devin Funchess bondit de 16 yards dans les airs, Jonathan Stewart et Mike Tolbert en débusquent 18 au sol et Graham Gano réduit l’écart de loin. 16-10. Il reste 10 minutes à jouer et tout à perdre pour des Broncos en tête depuis leur premier drive. La tension monte, le front seven de Denver verrouille tout, la Bad Ass D de Carolina en fait de même, les yards se font rares. Three-and-out. Three-and-out. Three-and-out. Puis le tournant du match. 4 minutes 16 au chrono et la endzone en ligne de mire 75 yards plus loin. 3e et 9. Une dernière prière. Maintenant ou jamais. En position shotgun, les yeux rivés sur la gauche, le bras en mouvement, près à décocher, Cam ne voit pas le menace fondre sur lui dans son dos. Lancé comme une bombe, Von Miller balance son bras dans la main du quarterback, le ballon tombe, se promène, roule en arrière et T.J. Ward finit par plonger dessus. Allongé sur le ventre, Newton s’agenouille lentement, le regard dans le vide. Toute la saison, la défense de Denver aura saigné à blanc ses adversaires. MVP ou pas, Cam n’aura pas fait exception.

« Le match aura été à l’image de la saison, un question de solidité, de combativité, de solidarité, » confiera Peyton Manning. « Ça ne pouvait pas finir autrement. »

1st & goal. 4 yards à combler pour tuer le match. 2 yards en arrière, 2 yards en avant, retour à la case départ. Ron Rivera lâche son premier temps mort. Coupable d’un holding, Josh Norman offre trois nouveaux essais et deux petits yards aux Broncos. En force et en deux temps, C.J. Anderson croise enfin la ligne et libère les canassons. Quick slant, passe parfaite, Peyton et Bennie Fowler assurent la conversion à deux points. 24-10. Game over. Cam se fait croquer tout cru une dernière fois par l’inoxydable DeMarcus Ware et Charlotte doit se résoudre à punter. Anderson fait couler le chrono et s’envoler les temps morts. Il reste 54 secondes. Le temps pour Newton de lancer trois passes pour du beurre. Malgré un formidable Kony Ealy, les Panthers n’auront pas fait le poids et Jared Allen, 9e meilleur sackeur de l’histoire, raccroche sans la moindre bague au doigt. Peyton, lui, exulte. Porté par une défense fabuleuse, il imite John Elway et dit adieu aux terrains sur un triomphe. Pourtant, il ménage le suspense. Son futur, on en parlera plus tard. Le quarterback préfère savourer. Et surtout, il a soif. Très soif.

« Je vais prendre le temps d’y penser, » expliquait-il à la presse après le match. « J’ai d’autre priorités avant. Je vais aller embrasser ma femme et mes enfants d’abord… Et je vais boire beaucoup de Budweiser ce soir. »

Cheers to that.

Un match excitant ? Pas vraiment. Un match sexy ? Certainement pas. Un match à suspense ? Repassez l’année prochaine. Un Super Bowl à l’ancienne ? Hell yeah ! 7 sacks, une interception, 3 fumbles, un touchdown et seulement 10 petits points encaissés. Défense cache-misère d’une attaque famélique qui n’aura que 194 yards. Du jamais vu pour un vainqueur. Pire encore que les Ravens de 2001. Merci Vin Miller. Merci DeMarcus Ware. Merci la défense. Et si après tout, la légende était vraie ?

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