[interview] Lionel Buton (beIN Sports) : « Il y a un côté très esthétique dans ce sport »

Avant la reprise de la saison NFL, nous sommes allés nous entretenir avec Lionel Buton, journaliste NFL sur beIN Sports, qui va diffuser cette année encore le football américain en...

Avant la reprise de la saison NFL, nous sommes allés nous entretenir avec Lionel Buton, journaliste NFL sur beIN Sports, qui va diffuser cette année encore le football américain en France. Pendant 30 minutes, dans les locaux de la chaîne, nous avons échangé avec un vrai passionné qui ne demande qu’une chose : offrir aux gens la chance de découvrir ce qu’il considère comme le meilleur sport du monde. Et il a des arguments !

Comment avez-vous connu le football américain ?

Quand ça a commencé à être diffusé en France sur la 5 dans les années 80. C’était commenté par Roger Zabel ! C’était l’époque des Elway, Sims, Montana, Marino… C’est très dur à l’époque d’avoir plus que les 40 minutes proposées par la chaîne chaque semaine. Mais ça m’a suffit pour tomber amoureux de ce sport.

Qu’est-ce qui vous a plus dans ce sport ?

Ce côté indécis jusqu’au bout, les retournements de situation incroyables, le fait d’être un sport dur où on ne doit pas montrer sa faiblesse. Et sur le plan tactique, c’est exceptionnel ! C’est la danse quelque part, ça mélange la vitesse, la souplesse, il y a un côté esthétique dans la tactique, c’est un jeu d’échec un match.

Ca vous a tellement plu que vous vous êtes mis à jouer.

Quand j’ai commencé, il y avait très peu de clubs en France, je ne pouvais pas jouer, j’étais surclassé jusqu’à mes 16 ans. J’ai joué quarterback pour les Canonniers de Toulon pendant presque 10 ans. J’ai même joué quelques matches en équipe de France, une dizaine si mes souvenirs sont bons.

Quelle serait du coup votre équipe ou votre joueur préféré ?

J’ai découvert le football américain avec John Elway et les Broncos à la fin des années 80, c’était mon équipe. J’aimais bien ce côté outsider, Elway qui ne gagnait pas -encore – contre le reste du monde ! Mais c’est difficile en France de dire qu’on est fan d’une équipe je trouve. Aujourd’hui, je pourrai être autant fan des Packers que des Patriots parce qu’on est attaché plus facilement à certaines performances, à l’évolution de certains joueurs qu’à une région géographique.

« Le vrai sujet, ce sont les inégalités sociales, qui sont très marquées en NFL »

Il y a de plus en plus de joueurs qui s’opposent à leurs équipes pour avoir un meilleur contrat. Vous comprenez leur position ?

Je peux comprendre quelque chose : quand on compare avec la NBA où les contrats sont garantis, on est dans un sport où le risque de blessure est omniprésent. Donc quand on compare les gains d’un Steph Curry (200 millions de dollars sur 5 ans) avec ce que gagnent les joueurs NFL, c’est mirobolant ! En NFL, le plafond salarial est plus difficile à gérer avec un effectif de 53 joueurs. Quand on est une franchise, il faut faire des choix, on ne peut pas donner un contrat monstre à tout le monde. Mais bon, ce n’est pas la première fois que ça arrive en NFL. C’est un moyen pour les joueurs de faire évoluer les choses vers un nouvelle convention collective.

La politique s’invite de plus en plus en NFL depuis un an et le genou au sol de Colin Kaepernick. Vous avez souvenir d’une affaire politique aussi importante en NFL ?

Je n’ai pas souvenir d’avoir quelque chose d’aussi présent que cette année. Mais le vrai sujet, c’est le racisme, ce sont les inégalités sociales qui sont très marquées en NFL. Je crois que ça explique l’impact que ça a aujourd’hui sur et hors de la ligue. Et je ne crois pas qu’il y ait déjà eu une implication aussi importante des joueurs pour la politique.

Est-ce que cela peut nuire à l’image de la NFL hors des Etats-Unis ?

Quand une ligue n’est pas en paix avec son pays, on peut imaginer que ça peut nuire. Après ça peut aller dans le sens inverse. J’imagine que Donald Trump peut nuire à l’image de son pays de l’avis de certains. Et la NFL se posant en opposant à ce que propose Trump, elle peut en tirer des bénéfices.

Grosse actualité de la rentrée : Khalil Mack à Chicago. Qui est gagnant dans l’échange ?

Pour Chicago, c’est un très gros coup. Il suffit de voir le rating des quarterbacks face à lui. Sur le court terme, les Bears sont les gros gagnants. Après, deux premiers choix de draft, avec un coach signé sur une longue durée, ça peut s’équilibrer dans le temps s’il y a un bon projet de reconstruction de la part des Raiders. On en revient à la question de l’équilibre des finances dans une équipe : deux premiers tours de draft, ça peut être des top joueurs payés moins chers pendant 4 voire 5 ans, tu peux y trouver ton compte par rapport à un gros défenseur cher.

« A Londres, on a parfois eu le tout-venant ! »

 Quel va être le programme pour la NFL sur beIN Sport cette année ?

On garde le même dispositif que l’an dernier : les matches de la nuit les jeudis, dimanches et lundis soirs. Et le Red Zone de 19 heures à 1 heure du matin environ. D’ailleurs pour l’ouverture de la saison dans la nuit de lundi à mardi prochain, nous diffuserons les deux matches (Lions-Jets à 1h10, Raiders-Rams à 4h20, ndlr). Et nous reprenons notre pastille hebdomadaire NFL Extra disponible sur notre site internet et sur les réseaux sociaux.

Les matches de Londres n’étaient pas diffusés l’an dernier. Qu’en est-il cette année ?

On ne sait pas encore. Ce sont des droits spéciaux, parfois la NFL passe des accords exclusifs avec un diffuseur comme Twitter ou Amazon. Mais même pour nous, on a un gros programme le dimanche avec le Redzone et le Sunday Night Football, on doit pouvoir assurer toute la nuit. Et puis nous avons tout de même les matches de Noël et les matches de Thanksgiving.

Des affiches qui sont plutôt sympas cette année à Londres d’ailleurs.

Oui mais qui viennent un peu compenser ce qu’on a eu les années précédentes ! On a parfois eu le tout-venant. C’est vrai qu’il y a eu de belles surprises mais sur le papier, on n’a pas toujours été vernis.

Est-ce que la NFL a intérêt à continuer de se développer à l’international ? Particulièrement en France ?

Bien sûr ! Quand ton marché local sature, il faut aller chercher ailleurs. Ils ont fait des efforts sur l’Asie par exemple. Mais il faut voir ce qu’on entend par développer. Est-ce qu’on parle de juste vendre des produits dérivés ou d’exporter le sport en espérant qu’on arrive à sortir des joueurs, étendre la ligue sur un territoire plus large ? Je ne sais pas quelles sont les perspectives pour la NFL mais ils veulent se développer, ils veulent vendre du League Pass, ça reste une entreprise avant tout.

Est-ce que la Fédération Française de Football Américain ne pourrait pas aider dans ce sens ?

Je crois qu’il y a eu des tentatives de rapprochement via certains programmes entre la NFL et la Fédération mais, sans être péjoratif, je crois qu’on parle de deux univers complètement différents. Avec le professionnalisme poussé à l’extrême d’une part et malheureusement des équipes amateures de l’autre. C’est très compliqué en France d’avoir une équipe complète de football américain. C’est compliqué d’acheter du matériel, c’est compliqué d’avoir des joueurs, c’est compliqué de risquer une blessure sans garantie professionnelle… Il n’y a aucun argent à gagner en France pour les joueurs.

« Je veux bien faire professeur particulier »

Comment convaincre les gens de regarder le football américain ?

J’entends souvent les gens parler d’un sport de bourrins désorganisé sans règle. Moi, ce que je propose à ceux qui veulent s’y intéresser, c’est de prendre 20 minutes pour que je leur explique les principes fondamentaux. Leur montrer que c’est au contraire une organisation très complexe dans un temps limité. Je suis prêt à faire le professeur particulier !

Vous sentez qu’il y a une recrudescence du public français pour la NFL ?

Je ne sais pas à quel point c’est significatif mais je vois que, pendant les matches, les gens réagissent de plus en plus sur Twitter, notamment pendant les playoffs. On sent que c’est très actif, comme on peut le voir dans d’autre sport que je commente comme le tennis. J’ai de plus en plus de discussions dans la rue, de gens qui m’arrêtent pour parler de NFL. J’ai même surpris deux personnes débattre de la situation des Giants en passant à vélo dans un parc à Lyon !

Il reste quand même des barrières pour le spectateur lambda.

Bien sûr, il y a les temps morts, les publicités… La NFL c’est un produit fait pour la télévision américaine. Mais on peut choisir de regarder le replay le lendemain sans les pauses, ça ne fait « plus » que deux heures. Il faut voir un match comme deux entreprises concurrentes qui essayent de fournir le meilleur produit possible sur une heure. On met en pratique ce qu’on a préparé, on s’adapte à l’autre et on doit sortir vainqueur. Rien que tous les coaches qu’il y a pour chaque poste, cela ressemble à la hiérarchie d’une entreprise. C’est très américain finalement !

 

Pour finir, un petit pronostic pour le Super Bowl cette année ?

Je veux croire aux Packers en NFC. Même si les Eagles sont en train de faire quelque chose de très solide. Et si Wentz revient ils peuvent faire mal. En AFC, c’est compliqué de ne pas miser sur les Patriots et Tom Brady. Leur système semble vraiment mieux fait que le reste. Alors je vais miser sur un petit Patriots – Packers.

Crédit photo : PANORAMIC

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