Et si on arrêtait de sous-estimer Philip Rivers ?

Malgré d'énormes statistiques cette saison, le quarterback n'est pas vu à sa juste valeur. À l'image de sa carrière.

Dans les tribunes du Wembley Stadium, tout le monde ne parle que de ça : la décision de Mike Vrabel d’aller chercher la gagne plutôt que le match nul. En conférence de presse, c’est la même chose. La plupart des questions tournent autour de ces deux dernières minutes. Logique. Elles resteront dans l’histoire des matchs à Londres. En même temps, ces 120 dernières secondes ont un effet secondaire. Elles font de l’ombre à une performance majeure : celle de Philip Rivers.

Il faut regarder la feuille de statistiques de plus près pour s’en apercevoir. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 19 passes complétées sur 26 soit 73,1 %, 306 yards engrangés, 2 TDs, 0 INT et une évaluation de 137,7. Sauf que le match s’est joué sur une action (ou deux) à laquelle le lanceur ne participait pas. Ses 306 yards ? Il a déjà fait mieux en semaine 5 contre Oakland (339 yards). Son évaluation à plus de 130 ? Il a déjà dépassé les 140 deux fois cette saison face aux Bills (143,2 en semaine 2) et aux Raiders (143,4 en semaine 5 donc). Alors, pourquoi s’enflammer ? Parce que justement, ça commence à faire beaucoup.

En route pour la meilleure saison de sa carrière

Comme beaucoup de très bons quarterbacks dans la ligue, Philip Rivers a tendance à rendre « normales » , les lignes statistiques qui sortent de l’ordinaire. Sauf que cette année, il les accumule. À tel point que, s’il continue comme cela, il est sur le point de livrer la meilleure saison de sa carrière. Du moins dans les chiffres. Il a pour l’instant la meilleure évaluation de sa carrière (117,8), loin devant ses années 2008 et 2013 (105,5). Il affiche aussi sa meilleure moyenne de yards par lancées (9,1) ainsi que son deuxième meilleur pourcentage de passes complétées (69,1 %). Surtout, il est parti pour inscrire plus de 35 touchdowns, une première depuis son arrivée dans la ligue en 2004.

Certes nous ne sommes même pas à la moitié de la saison et le W 17 doit encore tenir le rythme, mais l’échantillon est assez significatif.  Le receveur Keenan Allen, qui connaît bien Rivers puisqu’il joue avec lui depuis six saisons, a une explication à ce très bon départ de son quarterback : « Cette année l’attaque s’est mise en route rapidement. On a trouvé notre alchimie beaucoup plus tôt que d’habitude, raconte-t-il tout sourire dans les vestiaires de Wembley. On a même une chance d’être la meilleure attaque de la ligue. » Avec des Rams et des Chiefs qui semblent inarrêtables, c’est un peu présomptueux. Mais une chose est sûre, les armes sont là. Et c’est peut-être aussi là que se trouve la différence pour l’ancien de NC State.

« On a trouvé notre alchimie beaucoup plus tôt que d’habitude cette année », Keenan Allen.

Pour la première fois de sa carrière peut-être, le lanceur opère dans une attaque sans grandes lacunes ni blessures. De la ligne offensive, stabilisée par les arrivées de Russell Okung et Mike Pouncey ces deux dernières années, au jeu au sol, qui est l’un des meilleurs de la ligue avec un Melvin Gordon en feu, en passant par une pléthore de cibles aériennes (Keenan Allen, Mike et Tyrell Williams, Antonio Gates,…), le numéro 17 ne peut pas se plaindre. Ses dirigeants l’ont enfin entouré comme il se doit, en échappant aux blessures (pour l’instant). Et Rivers leur rend bien.

Mais rien n’y fait. Il semble qu’il y ait toujours quelque chose qui fait de l’ombre au joueur de 36 ans. Dans les discussions concernant le MVP d’abord. Il y est rarement mentionné cette année masqué par les performances des Patrick Mahomes, Todd Gurley ou Drew Brees. Sur le site, il a d’ailleurs fallu attendre la semaine 6 pour qu’il fasse son entrée à une petite 5e place. Mais aussi quand on parle des lanceurs qui ont une longévité incroyable, éclipsé par Drew Brees ou Tom Brady qui ont battu des records cette année.

Un seul titre vous manque…

Pourtant, Philip Rivers vit actuellement sa 16e saison dans la ligue et lui aussi bat des records de longévité. Cette année, il a dépassé Fran Tarkenton pour devenir seul le 6e quarterback avec le plus de touchdowns de l’histoire. Dimanche, il est aussi entré dans le club très fermé des lanceurs avec 60 matchs ou plus à plus de 300 yards. Et quand, en conférence de presse à Wembley, le quarterback préfère mettre son équipe en avant, ce sont ses partenaires, à quelques mètres de là dans les vestiaires, qui en parlent le mieux. Et qui d’autre qu’Antonio Gates, son ami de toujours, cible et bloqueur de Rivers depuis son tout premier match dans la ligue pour tresser des louanges au numéro 17 ?

« Il ne cesse d’évoluer. Je pense que les gens ont tendance à le sous-estimer, fait remarquer le tight end, avant d’enchaîner. Il est déjà le meilleur passeur de tous les temps pour la franchise, mais il continue toujours à travailler. C’est génial d’avoir un gars comme lui. Au plus il vieillit, au plus il prend de l’ampleur... »

Philip Rivers ne sera probablement pas MVP cette année, il ne gagnera peut-être jamais ce titre. Mais cette saison, les Chargers ont une réelle chance d’aller au Super Bowl dans une AFC qui se cherche encore. Ils sont en tout cas parmi les prétendants. C’est peut-être cela qui manque au quarterback : une bague.

Parce que si on regarde, par exemple, les trois principaux lanceurs draftés en 2004. Philip Rivers est peut-être le meilleur du groupe. Mais Ben Roethlisberger et Eli Manning pourront toujours se targuer d’avoir remporté le titre à deux reprises. Chacun. Aller jusqu’au dernier match de la saison et le remporter pourrait alors tout changer pour lui et sa carrière. Cela lui apporterait une légitimité qu’il a gagnée par ses performances depuis bien longtemps. Cela lui offrirait une apothéose qui changerait le prisme par lequel on observe sa carrière.

En attendant, vous avez compris ? Arrêtez de le sous-estimer. Ce serait dommage d’être surpris le jour où il entrera au Hall of Fame.

Propos recueillis à Londres.

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