Jersey Island – Part 5 : les équipementiers, fournisseurs du marché

Saviez vous que ce n'est pas Nike qui produit directement les maillots que vous achetez ?

Bien sûr, le ballon est un symbole, le casque est un archétype, mais bien souvent pour le fan de football américain, l’outil du supporter c’est le maillot. Ultra récent ou vintage, moulant ou baggy, pyjama du chien ou exposé sous verre, le maillot permet de célébrer son joueur ou sa franchise préféré, et peut – sous certaines conditions – être un accessoire de mode.

Mais c’est aussi une histoire longue et complexe bien que ses fonctions soient assez simples. Pendant quelques jours, Jersey Island vous emmène à sa découverte.

Déjà publié : Part 1 : les maillots, comment ça marche ? – Part 2 : les noms des joueurs – Jersey Island – Part 3 : les numéros des maillots – Part 4 : les finitions, patchs et inscriptions

L’émergence du marché

Jusqu’au début du XXIe siècle, les différentes équipes de la NFL avaient des contrats avec des manufacturiers différents pour leurs maillots. Il n’y avait pas d’accord collectif pour la ligue, chaque équipe négociait selon ses choix. Jusque dans les années 70, les franchises s’équipent souvent auprès de producteurs locaux spécialistes qui fournissent aussi les universités et les lycées. Si dans les temps anciens les contrats pouvaient durer longtemps (Mitchell & Ness a fourni les maillots des Eagles des années trente aux années soixante), les accords pouvaient également changer d’une année sur l’autre.

C’est au début des seventies qu’apparaissent les premiers maillots retail, c’est-à-dire à destination du grand public. D’abord par l’intermédiaire d’arrières boutiques qui cousent des maillots custom et de quelques entrepreneurs qui, sentant le marché, lancent les premiers catalogues de produits sportifs. La mise au point du flocage durant la décennie aide également à la démocratisation du jersey. Mais devant le succès et l’anarchie, la ligue flaire le filon et veut sa part. la NFL prend le business en main et impose des licences aux producteurs. NFL Properties avait été créée en 1963 afin de gérer les revenus générés par les produits sous licence, mais n’est resté qu’une petite division jusqu’aux années 80. C’est maintenant terminé.

Durant les eighties, le développement du marketing sportif et de la vente par correspondance pousse les ventes de produits dérivés. Les stades ne sont plus remplis de spectateurs habillés en civil, mais de fans équipés exhibant leurs couleurs. A l’image des baskets ou des survêtements, le sportswear s’impose progressivement auprès du grand public. Autour de marques installées depuis déjà longtemps, telles Sand-Knit (Medalist Sand-Knit jusqu’à 1984, puis Mac Gregor Sand-Knit à partir de 1985),Cosby, Starter ou Russell Athletic, on voit l’émergence de jerseys signés par Champion ou Wilson.

Dans les années 90, la vente de jerseys devient une part non négligeable des revenus en produits dérivés de la ligue. On assiste à l’explosion des fournisseurs de maillots. En fonction des franchises et des années, certains manufacturiers arrivent ou quittent le marché, voire reviennent.

Ainsi, des équipementiers comme Logo Athletic, Puma, Adidas, Apex, Ripon, Rawlings, Logo 7 et bien sûr Reebok et Nike fournissent eux aussi des maillots aux équipes et aux fans de la ligue. De plus, la NFL commence dès 1991 à introduire sur le marché des maillots throwback (rééditions de maillots anciens) grand public par l’intermédiaire de la série NFL Throwback Collection, confiée à Tiedman & Company Sportswear.

L’ère des monopoles

En 2000, confrontée à des difficultés de distribution et de banqueroute de plusieurs fournisseurs, la NFL décide de revoir intégralement son système de licence. « Le modèle ne fonctionne plus » déclare la direction de la ligue. Ainsi elle signe un contrat d’exclusivité pour 10 ans avec Reebok valable à partir de 2002, d’un montant minimum de 250 millions de dollars.

Alors qu’elle avait quitté le marché en 1998, Reebok revient donc dans la ligue en 2001 pendant que la NFL fait le ménage dans ses licenciés. Le coup est fort car la marque emporte 26 des 31 équipes de la ligue. Champion n’équipant finalement pas les cinq franchises prévues par l’accord de 2000, seules cinq équipes, alors sous contrat avec Adidas, ne sont pas signées (Patriots, Chargers, 49ers, Buccaneers, Redskins). L’année est particulière pour les fans collectionneurs puisque Reebok sort cette année là sa fameuse série de jerseys dits « Helmet Tag » qui sont de véritables bijoux considérés comme des références de qualité encore aujourd’hui.

2002. La marque fournit désormais toutes les équipes de la NFL, dont les Texans nouvellement créés. Elle maitrise également le marché grand public des maillots et des casquettes. Centralisé et rationalisé, celui-ci croit de plusieurs pourcents chaque année pendant que les jerseys continuent de se démocratiser. Les ventes doublent. Malgré la fusion avec Adidas en 2005 pour contrer la montée de Nike, l’accord n’est pas remis en question et va à son terme, mais il ne sera pas renouvelé.

C’est pendant l’ère Reebok que les franchises développent l’usage des jerseys alternate et throwback.

En 2012, Nike signe un contrat de 1,1 milliards de dollars pour 5 ans avec la NFL. L’accord est renouvelé et prolongé en mars 2015, pour aller jusqu’en 2019. Finalement, un nouvel arrangement de 10 ans est conclu en mars 2018. Durant son ère Nike revoit en profondeur le design des maillots, et tient à insérer une composante « techno » dans la conception. Ils sont censés être plus confortables et légers, plus moulants, mieux accompagner les mouvements et avoir une aération améliorée. La marque n’hésite pas non plus à faire évoluer ses modèles et à élargir sa gamme progressivement (Legend et Vapor Untouchable). Elle réussit ainsi à quadrupler les volumes de vente de Reebok.

En 2015, la ligue installe les matchs « colour versus colour » pour les rencontres du jeudi soir. Dans cette optique, les franchises revoient et mettent en avant leurs jerseys alternate, c’est le début de la série Color Rush.

En mai 2018, un accord de production exclusive de 10 ans est trouvé entre la NFL et Fanatics, le plus gros vendeur de produits dérivés sportifs au monde, en miroir du contrat passé avec Nike. Fanatics obtient le droit de produire tous les jerseys adultes pour le grand public, qui conserveront le branding de Nike.

Cela donne à Fanatics la possibilité de produire à la demande et de réduire les stocks, voire d’atteindre le flux tendu. Egalement la firme prend le contrôle de la distribution des produits sous licence aux autres vendeurs. Avec cet accord, Nike se désengage de la production grand public mais continue à fournir les professionnels et à faire de la recherche et développement. Ainsi, la marque à la virgule poursuit son exploitation commerciale, est toujours associée à la NFL, et touche des royalties.

Selon l’accord conclue entre la NFL et le syndicat des joueurs (NFL Player Association), les joueurs touchent les deux tiers des bénéfices de la ventes de maillots, le dernier tiers revenant à la NFLPA. Les propriétaires touchaient eux un pourcentage du prix de gros des ventes de Nike. Désormais, Fanatics les rémunère en pourcentage du prix de gros pour sa partie distribution, et en pourcentage du prix de vente pour sa partie vente directe au consommateur.

Donc tous les acteurs sont intéressés au succès du marché. Cependant les chiffres sont très difficiles à trouver. La ligue n’édite pas de situation financière (elle a abandonné son statut non lucratif en 2015) et ne communique plus sur ses contrats. Mais ses revenus 2018 se sont élevés à 14 milliards de dollars et on estime le chiffre d’affaire du merchandising à 15% des revenus globaux. Sur ces 15%, environ la moitié provient de la vente de maillots et casquettes, ce qui valoriserait le marché au alentours d’un milliard de dollars.

Sources : NFL.com, NFL Shop.com, Reebok.com, Nike.com, Mitchell & Ness, ESPN.com, Uni-Watch, Thumper300zx, kirbyfortyfour, sportscollectorsdigest.com, 20yardline.com, profootballresearchers.org, The Gridiron Uniform Database, NFL Jersey Fan Paradise, SBNation.com, Ebay, Wikipedia, CNN.com, Bloomberg, TSN.ca, nytimes.com, SGBOnline.com

Partagez cet article sur : Twitter Facebook
Afficher les commentaires