Rancoeur et égos : dans les coulisses du clash entre Aaron Rodgers et Mike McCarthy

La relation Rodgers - McCarthy n'a jamais été facile, et ça a commencé avant même l'arrivée de ce dernier à Green Bay.

Viré par les Packers en décembre dernier suite à une défaite à domicile contre les faibles Cardinals, Mike McCarthy n’a pas survécu à une nouvelle saison décevante de Green Bay. Ce licenciement a marqué la fin d’une époque, mais aussi la fin d’une relation souvent tendue entre le coach et le quarterback star Aaron Rodgers.

Jeudi, Tyler Dunne de Bleacher Report a sorti un très gros papier sur les raisons qui ont provoqué ce divorce après 13 ans de vie commune. Treize ans de hauts et de bas, avec certes un Super Bowl remporté, mais aussi beaucoup de déceptions en playoffs. Morceaux choisis.

Une relation pourrie dès le départ

Aaron Rodgers est arrivé à Green Bay en 2005, en étant sélectionné par les Packers en 24e position de la Draft. Mike McCarthy a lui été engagé par la franchise du Wisconsin en janvier 2006. Souvent, quand une relation explose, c’est parce qu’il y a eu une accumulation de choses négatives au fur et à mesure des années. Mais visiblement, dans le cas de Rodgers et McCarthy, c’était déjà mal parti avant même que le coach n’arrive à Green Bay. Il faut remonter à la Draft 2005 pour comprendre les origines des tensions entre les deux hommes.

Cette année-là, les 49ers possèdent le premier choix. Aaron Rodgers fait partie des favoris pour être sélectionné en numéro 1. San Francisco a besoin d’un quarterback, et Rodgers espère évidemment être choisi avant tout le monde. Sauf que voilà, la franchise californienne préfère miser sur Alex Smith, sorti tout droit de l’université d’Utah. Et à l’époque, qui est le coordinateur offensif des 49ers ? Vous l’aurez deviné, c’est un certain Mike McCarthy. Derrière, Rodgers chute jusqu’à la 24e place et prend ça comme une humiliation. En clair, McCarthy estime ce soir-là que Smith est un meilleur quarterback qu’Aaron.

Rodgers n’a jamais oublié cela. Il a toujours eu une dent contre McCarthy à cause de cet épisode. D’après certains joueurs des Packers qui ont connu cette époque, comme le running back Ryan Grant par exemple, Aaron était fâché avec le coach et ce ressentiment a opéré comme « un cancer dans le vestiaire ».

« Aaron a toujours gardé ça en tête avec Mike. Le gars qui est devenu ton coach ne t’a pas sélectionné lorsqu’il en a eu l’occasion. Aaron était contrarié que Mike ne l’ait pas sélectionné, que Mike ait verbalement dit qu’Alex Smith était un meilleur quarterback », raconte Grant.

Même lors des victoires, même quand les Packers ont remporté le Super Bowl en février 2011 face à Pittsburgh, Rodgers n’a jamais oublié et n’a ainsi jamais vraiment respecté McCarthy. La gagne n’efface pas toujours tout. Alors forcément, quand les Packers ont commencé à stagner, les choses se sont rapidement détériorées.

« Mike possède un faible QI football, et cela a toujours dérangé Aaron. Il disait que Mike avait l’un des QI football les plus faibles, si ce n’est le plus faible, de n’importe quel coach qu’il a connu » a déclaré une source qui était proche de Rodgers à l’époque.

Des tensions autour du playcalling

Quand un coach n’a pas de crédibilité aux yeux du quarterback, ce dernier a tendance à prendre les choses en main et changer les jeux. Mike McCarthy a d’ailleurs donné une certaine liberté à un génie comme Aaron Rodgers, mais ce dernier a commencé à diriger l’attaque comme il l’entendait. Cette liberté était devenue trop importante aux yeux de McCarthy, qui a toujours été fidèle à son système et qui ne s’est jamais vraiment adapté, notamment quand le niveau de talent en attaque a baissé. Des tensions se sont donc développées entre les deux hommes. D’un côté, McCarthy voulait avoir le contrôle et gagner à sa manière. De l’autre, Rodgers estimait que le système n’était pas assez performant et a donc voulu jouer les héros.

Si l’on en croit l’article de Bleacher Report, Mike McCarthy aurait perdu du respect aux yeux de Rodgers et des autres joueurs quand ils ont appris que leur coach ratait des réunions d’équipe pour soigner son dos à travers des séances de massage. Parfois, c’était un assistant de Mike qui dirigeait les réunions le jour précédant un match. Forcément, c’est compliqué dans une telle situation d’avoir une crédibilité envers les joueurs, notamment au niveau du playcalling. Alors imaginez Rodgers, qui ne respectait déjà pas beaucoup son entraîneur à la base.

« Si vous ne participez pas aux réunions, et qu’ensuite vous essayez d’être fâché concernant l’exécution des jeux, personne ne va vraiment vous respecter. Ils vont vous regarder du genre, ‘Tu étais où toute la semaine ?’ On avait vraiment l’impression qu’il se la coulait douce » a déclaré un membre du front-office de l’époque.

Une guerre d’ego

Une guerre d’ego, voilà comment on pourrait qualifier cette relation entre Aaron Rodgers et Mike McCarthy. Comme l’indique Tyler Dunne dans son papier, le coach n’a jamais vraiment voulu se mettre en retrait pour laisser son quarterback s’exprimer pleinement. Autrement dit, il n’a pas vraiment réussi à gérer un talent de son calibre de la bonne manière.

« Son premier job, c’était de gérer Aaron, et il n’a jamais compris ça » a déclaré un ancien coéquipier de Rodgers. « Aaron est le pilote, le moteur de toute l’équipe. Que vous le voulez ou non, il faut faire tout ce qu’il faut pour que ce gars soit heureux. Ce n’est pas fun comme job, mais en fin de compte, s’il est heureux, vous gagnez. »

Visiblement, la fierté de McCarthy s’est retournée contre lui.

« C’était la grosse erreur de McCarthy. Il voulait être le patron. Il voulait être la raison. Et il n’était pas si bon » a ajouté un membre du personnel.

Les tensions entre les deux hommes auraient été accentuées après le départ d’Alex Van Pelt en 2017, l’entraîneur des quarterbacks qui n’a pas été prolongé une fois son contrat expiré. Aaron Rodgers n’avait pas été consulté sur le sujet et ça forcément, c’est mal passé, d’autant plus que les deux s’étaient rapprochés. Comme indiqué dans l’article, des sources proches de l’équipe pensent que McCarthy se sentait menacé par Van Pelt.

Ces tensions entre le coach et le quarterback ont également été nourries par le comportement des deux acteurs, qui n’ont jamais vraiment discuter en tête-à-tête pour régler leurs différends. Cela caractérise bien une guerre d’ego, quand chacun préfère camper sur ses positions au lieu d’essayer d’arranger les choses. Et visiblement, Rodgers a toujours eu ce comportement passif-agressif, c’est-à-dire transmettre des messages subtils qui peuvent être interprétés de différentes manières, sans jamais jouer cartes sur table. Un comportement forcément nocif.

« Je peux vous l’assurer, il n’a pratiquement jamais discuté de ces choses-là avec Mike, peut-être une ou deux fois, mais quasiment jamais » a déclaré un ancien proche de Rodgers. « Ce qui signifie qu’il n’a fait rien d’autre que suppurer et empoisonner le tout. »

2018, la rupture

La saison 2018 est celle où tout a fini par exploser. Plus que jamais, Aaron Rodgers a pris le contrôle de l’attaque tandis que McCarthy continuait à s’entêter dans son système. Il faut rappeler que le quarterback sortait tout juste d’une prolongation de contrat record, d’un montant de quatre ans et 134 millions de dollars, avec notamment plus de 57 millions de bonus à la signature. Forcément, quand la franchise mise autant sur vous, vous êtes en position de force par rapport à votre coach, et Rodgers en a profité.

Changements de jeux réguliers, préférences envers certains joueurs, Rodgers faisait ce qu’il voulait. Il faisait d’ailleurs très peu confiance aux receveurs rookie, qui ne savaient pas vraiment de quel côté se mettre. Suivre les consignes des entraîneurs ? Ecouter Rodgers, pour éviter d’être mis à l’écart par le quarterback ? Un contexte pas facile pour les petits nouveaux, qui n’ont jamais eu la possibilité de développer une vraie relation avec Aaron.

« C’est à ce moment-là que les choses ont déraillé. Cette merde était terrible. Il a n*qué McCarthy. Aaron a sapé le coach » a déclaré une source proche de l’équipe.

La suite, on la connaît. Une saison ratée, à cause notamment d’une blessure au genou de Rodgers en première semaine, et un licenciement de McCarthy au bout, qui ne possédait plus du tout les clés du camion. Ça ne pouvait donc plus durer, et les Packers ont décidé de donner le poste de head coach à Matt LaFleur, ancien coordinateur offensif des Titans.

Après tant d’années caractérisées par des tensions en interne, il sera intéressant de voir comment cette nouvelle dynamique coach – quarterback va se développer. Et cette fois-ci, Aaron Rodgers est dans une position où il va devoir faire des efforts, qu’il le veuille ou non.

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