Salaires, bonus, dead money : le mode d’emploi du salary cap NFL

Comment les équipes NFL gèrent-elles leur masse salariale ? Éléments de réponse.

À chaque intersaison la question est la même : de combien d’argent disponible dispose chaque équipe de NFL pour signer des agents libres ?

Cette disponibilité se calcule de la manière suivante : plafond salarial (« salary cap ») – dépenses liés aux contrats des joueurs («cap spending ») – argent perdu (« dead money ») = masse salariale disponible (« cap space »)

Explication en détail des composantes de ce calcul, et illustration par des exemples de la manière dont les contrats sont construits pour respecter les obligations légales auxquelles les franchises sont soumises.

1. Le plafond salarial (« salary cap »)

Le plafond salarial est le montant que les équipes sont autorisées à dépenser pour payer les salaires des joueurs. La raison est simple : chaque équipe a exactement le même budget, alors chaque équipe est sur un pied d’égalité.

Les sports américains ont des approches différentes concernant ce plafond salarial :

– MLB : il n’existe pas de plafond salarial ;

– NBA : le plafond salarial peut-être dépassé dans une certaine limite. En contrepartie les équipes devront payer une taxe supplémentaire (« Luxury tax ») en cas de dépassement ;

– NFL : aucun dépassement n’est possible.

Le plafond de salaire exact est défini par l’Association des joueurs (NFLPA) dans la Convention de négociation collective. Si le calcul est complexe, la règle générale est assez simple : toutes les sources de revenus, y compris les contrats de télévision, les ventes de marchandises et les ventes de billets, sont additionnées et réparties entre les 32 équipes

Lorsque le plafond salarial a été introduit en 1994, il était fixé à 34,6 millions de dollars. Il est pour 2019 de 188,2 millions de dollars (contre 177,2 en 2018). Il existe la possibilité de bénéficier d’un supplément de masse salariale, nous le verrons au moment de décrire le fonctionnement des primes.

Si la logique du plafond salarial implique un maximum de dépenses, il existe également un minimum à respecter. Les 32 équipes doivent dépenser au moins 89% de leur plafond (ce qui représente 167,5 M$ cette année).

Les équipes n’ont pas à dépenser leur 89% chaque année. Cette exigence doit correspondre au montant moyen dépensé sur une période de quatre ans. Une équipe comme les Colts, qui est en dessous du plancher sur 2019, n’est pas en dehors des règles car sur quatre ans elle respecte la contrainte de 89%.

La deuxième exigence est que la ligue dans son ensemble doit dépenser 95% de son espace total maximum. Le pourcentage moyen des dépenses plafonnées doit atteindre 95% chaque année, sinon le reste de l’argent sera remis aux joueurs. La règle des quatre ans s’applique aussi sur ce calcul.

2. Dépenses liées aux contrats des joueurs (« cap spending »)

La composante la plus complexe du calcul est sans doute l’évaluation de l’impact du contrat d’un joueur sur la masse salariale. Un contrat se décompose en plusieurs catégories :

– Le salaire

Le salaire de base d’un joueur est ce qu’il gagne chaque année sur une base fixe, hors bonus et primes. Si une équipe libère un joueur, elle cesse de payer le salaire du joueur mais pourra générer de l’argent perdu à cause de cette décision (plus de détails ci-dessous).

– Bonus

Un joueur peut gagner plusieurs types de bonus.

Un bonus à la signature est ce que l’on appelle l’argent garanti (« guaranteed Money »). Il s’agit de l’argent qu’un joueur gagne juste pour la signature d’un contrat. Les bonus de signature sont généralement répartis sur toute la durée du contrat, mais si un joueur est libéré, l’équipe doit lui payer le reste du bonus qui lui est dû.

Ensuite, il y a les bonus d’effectif (« roster bonus »), qui sont ce qu’un joueur peut gagner s’il est toujours dans l’équipe durant la saison ou s’il est présent à un moment particulier (camp d’entraînement, saison régulière etc…). Ces primes sont versées annuellement, selon les termes du contrat.

– Les primes (« incentives »)

Il existe deux types de prime, qui récompensent l’atteinte de certains objectifs. Les premières sont les primes « susceptibles d’être gagnées » (LTBE). Ces primes comptent dans le plafond salarial au début de la saison, mais si le joueur ne gagne pas la prime, l’équipe conserve l’argent et l’espace correspondant à la limite est reporté à la saison suivante.

Une prime « non-susceptible d’être gagnée » (NLTBE), ne compte pas dans le plafond salarial, mais est attribué au joueur tout de même.

Comment un bonus est défini comme susceptible d’être gagné ou non ? C’est lié aux performances des années précédentes.

Exemple : Zach Ertz, le joueur des Eagles, gagne 100 000 dollars chaque saison s’il participe au Pro Bowl. Il a raté le Pro Bowl en 2016 et sa prime était donc « non susceptible d’être gagnée ». Ertz a participé au Pro Bowl lors de chacune des deux dernières saisons (2017,2018). Cette prime est considérée en 2019 comme « susceptible d’être gagné ».

3. Argent perdu (« dead money »)

Le principe d’argent perdu fait référence au salaire d’une équipe a déjà payé ou s’est engagé à payer (c’est-à-dire une prime à la signature, un salaire de base entièrement garanti, des primes gagnées, etc.), mais n’a pas été imputée au plafond salarial.

En termes commerciaux, il s’agit essentiellement d’un « coût irrécupérable ». Tout argent qu’une équipe verse à un joueur doit être comptabilisé dans le plafond salarial. Par exemple, imaginons qu’un joueur signe un contrat de 3 ans dont le salaire est intégralement garanti. Si le joueur est libéré ou prend sa retraite au bout d’une seule année, cette charge sera quand même imputée à la masse salariale de l’équipe durant l’année en cours.

Il existe un moyen de réduire cette limite dans une saison en cours. Les équipes peuvent répartir le plafond touché pendant deux saisons en libérant ou en échangeant un joueur avant une date limite (1er juin actuellement). C’est pourquoi Tony Romo avait encore un impact de près de 10 millions de dollars en 2018 pour les Dallas Cowboys alors qu’il était à la retraite.

4. Illustration pratique

Commençons par un exemple simple, avec un contrat d’une année. Le cornerback Bradley Roby a été signé par les Texans selon le contrat suivant (source : Spotrac.com) :

Année Salaire Bonus Prime d’effectif Dépenses liées aux contrats Argent perdu Économie de masse salariale
2019 $5,000,000 $4,500,000 $468,750 $9,968,750 $9,500,000 $468,750

On voit que le joueur a un salaire de 5 millions, un bonus de 4,5 millions et un bonus s’il est présent dans l’effectif pendant la saison de 468 750 dollars. La prime est considérée comme susceptible d’être gagné car on présume que le joueur sera toute la saison dans l’équipe.

Imaginons que le joueur est libéré pour une raison ou une autre avant la saison, les 9,5 millions de salaire et de bonus seront considérés comme de l’argent perdu car garantis, alors que le bonus de présence est lui récupérable et permettra de libérer de la place dans la masse salariale.

Prenons maintenant un exemple plus complexe avec Le’Veon Bell, signé par les Jets (source : overthecap.com) :

Année Salaire Bonus Prime d’effectif Prime d’effectif Autre bonus Argent garanti
2019 $2,000,000 $2,000,000 $4,000,000 $468,750 $500,000 $6,000,000
2020 $8,500,000 $2,000,000 $4,500,000 $500,000 $0 $13,000,000
2021 $8,000,000 $2,000,000 $3,000,000 $500,000 $0 $0
2022 $9,500,000 $2,000,000 $3,000,000 $500,000 $0 $0

 

Année Dépenses liées aux contrats Argent perdu Économie de masse salariale
2019 $8,968,750 $27,000,000 -$18,031,250
2020 $15,500,000 $19,000,000 -$3,500,000
2021 $13,500,000 $4,000,000 $9,500,000
2022 $15,000,000 $2,000,000 $13,000,000

Sur un contrat sur plusieurs années le calcul de l’impact sur la masse salariale reste le même que pour un contrat simple, ainsi l’impact de Le’Veon Bell sur les finances des jets en 2019 est de 8 968 750 dollars, qui correspond à l’addition du salaire, des bonus et des primes. C’est dans le calcul de l’argent perdu que le calcul devient plus complexe, notamment car Bell bénéficie d’argent garanti sur les deux premières années.

Si les Jets décidaient de se séparer de Bell avant le début de la saison, l’argent perdu s’élèverait à 27 millions de dollars se décomposant de la manière suivante :

– Argent garanti pour les années restantes du contrat, soit 19 millions de dollars

– Le bonus de 8 millions est lui aussi garantie car versé à la signature. Pour le calcul de l’impact sur la masse salariale il est étalé sur 4 ans mais cela ne change pas son caractère obligatoire.

Ainsi, sur l’année 2019, la conséquence de cette opération ne conduirait pas à une économie d’argent, mais au contraire la masse salariale serait plombée de plus de 18 millions d’euros.

Autre hypothèse : on considère que les Jets décident de se séparer de Bell avant le début de la saison 2021. À ce moment là il n’existe plus de salaire garanti, car ce dernier a impacté la masse salariale 2019 et 2020. Ne reste alors plus que le bonus proratisé (et précédemment versé à la signature) qui s’élève à 4 millions (2 millions par année restante). Dans ce cas de figure l’économie de masse salariale est de 9,5 millions de dollars, cette économie correspondant à la différence entre le montant du contrat de Bell s’il était resté moins l’argent perdu.

Vous avez maintenant compris les bases de calcul du salary cap. Si, dans le détail, il existe encore des subtilités dans les calculs (la formule servant à calculer le plafond salarial prend à elle seule 10 pages de l’accord collectif), vous avez l’essentiel des connaissances nécessaires.

Mais ne vous inquiétez pas, lorsque les parties prenantes négocieront une nouvelle convention collective en 2021, tout pourrait changer, vous serez donc à nouveau complètement dérouté (et nous de même). Pour l’instant, c’est ainsi que les joueurs de football sont payés en 2019 et le seront certainement en 2020.

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