[portrait] La story du vendredi – TY Hilton et la cité de la liberté

À Miami comme à Marseille, le talent vient souvent des quartiers nord.

Tous les vendredi, la rédaction de TDActu vous propose le portrait d’un joueur. Son parcours sportif, ses succès et ses échecs, son parcours de vie. En alternance d’une semaine sur l’autre, une rencontre avec un joueur universitaire qui pourrait avoir un impact en NFL et un joueur NFL actuel. Aujourd’hui, celui qui doit porter l’attaque des Colts malgré la retraite d’Andrew Luck.

Eugene Marquis « TY » Hilton

Né le 14 novembre 1989 à Miami, Floride
1m78 pour 83 kilos
Receveur, Indianapolis Colts

En 2016, TY Hilton termine la saison régulière en étant le receveur le plus prolifique en terme de yards. Devant Julio Jones, devant OBJ, Mike Evans et Antonio Brown. Un total de 8000 yards en 7 saisons pour 40 touchdowns et cinq fois sur sept, il dépasse la barre des 1000 yards en saison. Il était le gars sûr d’Andrew Luck, celui qui malgré un gabarit moins imposant que beaucoup de WR1, est l’option numéro un en attaque. Avec la retraite anticipée de son capitaine, il est celui sur lequel repose désormais une grande partie des espoirs offensifs des poulains de l’Indiana.

Avant d’emmener sa famille dans cet état plus au nord, TY Hilton a joué pour le Miami Springs High School puis à l’université de Florida International, il y a progressé pour devenir ce joueur aujourd’hui respecté en NFL. Pourtant, pour comprendre son parcours et sa formation, il faut revenir bien avant le lycée : les ligues de jeunes (4 à 14 ans) et plus particulièrement celles de son quartier.

Liberty City

Liberty City, au nord de la ville de Miami, est construite dans les années trente pour faire face à l’afflux de population durant une période de récession. Loyers modérés et densité de logements. Aujourd’hui encore, la population y est modeste et majoritairement afro-américaine (à 95% selon un recensement en l’an 2000). Une zone définie comme calme la journée mais dangereuse la nuit. La pratique du football y est la première alternative à « la rue » et ses dangers. Liberty City est aussi le siège de ce qui est nommée comme la rivalité numéro 1 de la mégalopole de Miami. Non il ne s’agit pas d’un match entre lycées, pas plus que d’une confrontation entre universités mais bien de rencontres entre deux équipes pour minots : les Liberty City Warriors contre les Gwen Cherry Bulls.

C’est Luther Campbell, rappeur des années 80 avec le 2 Live Crew qui fonde les Warriors et il explique à Vice Sports que le succès des jeunes sortis de son équipe est avant tout une histoire de travail et de mentalité :

« On peut comparer cela à la Chine où dès l’âge de quatre ans, les enfants sont entrainés quotidiennement à la gymnastique, ici c’est pareil mais pour le football. Ce n’est pas pour s’amuser, c’est du sérieux! Les mères et les grand-mères regardent les entrainements et si leur gamin ne donne pas tout ce qu’il a, la grand-mère agrippe la rambarde et lui passe un savon »

Des enfants habitués dès le plus jeune âge à travailler dur et sur qui reposent souvent les espoirs d’un avenir meilleur pour la famille. TY Hilton grandit donc dans un environnement compétitif dès ses premiers pas sur un terrain. Un lieu de vie pouvant être formateur ou destructeur.

« Tu traverses tellement de choses ici : tu dois te battre, parfois tu ne manges pas alors, tu joues au football et tu sais que ça compte. », Devonta Freeman pour Vice Sports (vidéo ci-dessous)

Bienveillance familiale

Si Eugene est prénommé ou plutôt surnommé TY c’est en raison de son père Tyrone et des deux premières lettres de son prénom. Tyrone Hilton est un entraineur : celui de l’équipe féminine de softball dans laquelle ont en leurs temps évoluées la mère puis la sœur de TY, celui aussi des équipes de football des 11 ans et moins des Bulls de Gwen Cherry.

Un père qui aujourd’hui encore le pousse à faire constamment mieux, qui revient avec lui sur une erreur commise le dimanche. C’est cette présence bienveillante qui l’a préservé des tracas.

« Grandir là, tu es à une ou deux mauvaises décisions de faire basculer ta vie », dit Duke Johnson (Texans) à The Ringer.

Courtisé par l’université de Florida et celle de West Virginia, il préfère rester à seulement quelques kilomètres du domicile familial et jouer pour Florida International. Ainsi sa famille (dont sa fiancée avec qui il a déjà un enfant) assiste à chacun de ses matchs. Lui raconte que c’est son très jeune fils qui a choisi la casquette de FIU. En raison de la Panthère peut-être ? Cela débute en 2008, et lors de son tout premier ballon, Hilton retourne un punt dans l’en-but adverse contre Kansas. ça c’est fait.

En quatre saisons il y capte pour 3531 yards et inscrit 24 touchdowns. Six autres en retour de punt ou d’engagement. TY est rapide, très rapide même, comme son temps au NFL Combine le montre en 2012 : 4,34 secondes au sprint du 40 yards. Il est aussi et surtout un étudiant du jeu comme le rapporte à ESPN son coach de position chez les Golden Panthers, Frank Ponce :

« Il a regardé énormément de vidéos et ainsi il comprenait comment la défense adverse était structurée, comment ils essayeraient de le couvrir. »

My man Antonio

Et justement, c’est en regardant une vidéo de son prochain adversaire qu’il voit un visage familier à l’écran :

« Je me suis dis : non c’est AB ? », confie t’il à USA Today

Un ami perdu de vue depuis longtemps. Voulant observer les defensive-backs de Troy, il voit comment ce receveur de Central Michigan les martyrise. Plus tard, lorsque Antonio Brown dépasse la barre des 1000 yards en réception sur la saison 2011 avec les Steelers en NFL, c’est évidemment le modèle sur lequel il veut calquer son jeu :

« Je le regarde en raison de notre relation et aussi parce que si je dois me comparer à un receveur alors il est mon modèle. », ESPN

Un temps entrainé par le père de TY, Antonio Brown garde un souvenir plus mitigé de Liberty City. Il se souvient que plusieurs de ses camarades ont en grandissant rejoint le gang de John Doe pour y vendre de la cocaïne et terminer en prison ou au cimetière.

« Chaque fête où j’allais cela se terminait toujours de la même façon : par des coups de feux! », Antonio Brown pour The Ringer

Il se souvient aussi d’avoir quitté le domicile trop tôt en raison d’une relation conflictuelle avec son beau-père, de dormir chez l’un chez l’autre. Alors dès qu’il a pu, Brown quitte cet environnement et les deux amis se sont alors perdus de vue.

Dix ans après leur dernière rencontre à Liberty City, les deux se retrouvent finalement lors d’un match de pré-saison à Pittsburgh l’été 2012. Depuis, ils sont restés en contact de façon régulière. Alors que Hilton a pris l’habitude de célébrer ses touchdowns en formant avec ses bras un T puis un Y, en octobre 2015 lors du match du dimanche soir contre les Patriots, il score un touchdown et, mettant une main devant son ventre et une autre en l’air, il commence à danser. En hommage à son ami AB. De retour dans les vestiaires après le match, sur son téléphone un message :

« Mec tu as mis un sourire dans mon cœur », signé Antonio Brown et rapporté par USA Today

Les deux amis ont désormais rendez-vous le dimanche 29 septembre au Lucas Oil Stadium d’Indianapolis pour un Colts-Raiders comptant pour la semaine 4. En somme, juste un dimanche parmi d’autres avec une confrontation entre anciens de Liberty City : en plus des deux amis, ce sont Duke Johnson, Lavonte David, Amari Cooper, Devonta Freeman, Teddy Bridgewater, Artie Burns et Eli Rogers, le rookie des Giants DeAndre Baker et Dalvin Cook qui ont porté leurs crampons dans ce quartier. A mi-chemin entre la pauvreté de « La cité de la joie » et la violence de « La cité de Dieu » : la cité de la liberté.

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