[portrait] La story du vendredi – Gardner Minshew II : une moustache au box-office

Gardner Minshew 2, la palme de ce début de festival 2019.

Tous les vendredi, la rédaction de TDActu vous propose le portrait d’un joueur. Son parcours sportif, ses succès et ses échecs, son parcours de vie. Aujourd’hui, tout droit venu du Mississippi, avec son jeu et son style, Gardner Minshew II a fait exploser twitter. Lui, plus habitué à être sous-estimé.

Gardner Flint Minshew II

Né le 16 mai 1996 à Flowood, Mississippi
1m85 pour 102 kilos
Quarterback, Jacksonville Jaguars, rookie

Snatch

Gardner Minshew II est l’histoire de ce début de saison. Le buzz du moment. Et il le mérite : il y a un II après son nom. Cool. Gardner Minshew II. Après RGIII et Will Fuller V, un Gardner II, oui mais sans un 1 du nom.

« Gardner est le nom de jeune fille de ma mère et Flint le nom de jeune fille de ma grand-mère. Alors quand on a su que ce serait un garçon, ma femme a décidé : Gardner Flint II. Pas de junior car dans le Mississippi cela devient Bubba et ça, on ne le voulait pas. », son père pour SBnation

Et sa dégaine, on en parle ? De la moustache à la chemise, tout y est. Même le bandeau. Gardner Minshew 2 ressemble à ce boxeur gitan, incarné par Brad Pitt dans le film de Guy Ritchie : en le voyant, il inspire plus l’étonnement que la crainte. Un de vos sourcils se relève. Et au final pourtant, il vous dégomme.

Car si vous savez déjà tout cela, c’est parce qu’il est bon. Entré dès le premier match de la saison, il remplace au pied levé un Nick Foles malchanceux pour ses débuts en Floride.

Personne ne l’avait vu venir celle-là. Personne ne l’a jamais vu venir tout court. Presque personne.

Will Hunting

En 2015, Gardner Minshew est évalué comme le 70e quarterback prostyle lycéen du pays. Très loin derrière le 1e Josh Rosen ou Drew Lock (7e). Il est tout juste devant Caleb Wilson (82e). Caleb qui ? Vous savez, le tight-end drafté par Arizona au 7e tour en 2019. Ce dernier jouait quarterback au lycée et était à peine moins considéré que l’homme à la moustache.

Rick Cleveland travaille comme journaliste pour le Mississippi Today et en rencontrant pour la première fois @GardnerMinshew5, il lui demande si une université de l’état lui a proposé une bourse :

« Non. Par trois fois ils auraient pu : à ma sortie de lycée, après ma saison en junior college et lorsque j’ai demandé un transfert après mon diplôme avec East Carolina. Mais non, pas de bourse pour moi ici, chez moi. »

Pourtant, les recruteurs de Ole Miss et de Mississippi State avaient sous leurs yeux un quarterback atteignant par deux fois la finale la plus importante de l’état : celle opposant les lycées classés en catégorie 6A. Deux défaites certes, mais à chaque fois il est un élément déterminant dans la réussite du lycée Brandon : 3541 yards et 31 touchdowns en 2014. 11 222 yards à la passe et 105 touchdowns en quatre ans lui valant d’être introduit au Hall of Fame du lycée.

Il est le meilleur joueur de son équipe et cela ne tient pas du hasard. Il veut comprendre les deux cotés du ballon. Le coordinateur défensif du lycée Brandon se souvient :

« Coach pourquoi le safety bouge comme ça ? Que regardent les linebackers quand ils font ça ? C’est quoi la lecture de la défense là ? », Greg Robinson pour The Spokesman Review

Gardner Minshew II est bon sur le terrain et pas que : il obtient un GPA de 4.0, ce qui correspond à une note moyenne de A+. Une qualité précieuse pour un quarterback devant ingérer des cahiers de jeux complexes. Jeux répertoriés avec des noms de code, bien entendu, trop facile sinon. Gardner Minshew 2 est brillant mais, tel Matt Damon dans le film culte de Gus Van Sant, personne ne le remarque.

Devant le peu de sollicitations sportives reçues, il décide de s’engager pour l’université de Troy dans l’Alabama. Si Troy joue en première division universitaire, il s’y rend seulement pour les études. Mais le jeu. Le jeu lui manque. Six mois après, il s’en va. Et lui pourtant si brillant d’un point de vue scolaire, il décide de se rendre dans un junior college ! C’est à dire un type d’établissement recevant des étudiants recalés académiquement par les universités.

Carnets de Voyage

Là, avec le Northwest Mississippi Community College, il devient le leader d’une équipe terminant la saison régulière avec un bilan de 11-1. Puis deux victoires en playoffs et enfin la finale. Victoire : 66-13 contre Rochester. 421 yards et 5 touchdowns pour le lanceur.

Toujours pas convoité par une écurie de son état, Gardner Minshew s’engage alors avec East Carolina. En 2016, il y joue 7 matchs dont deux comme titulaire (les deux derniers), lançant ses passes notamment à Zay Jones (Bills). En 2017, il est le starter et compile pour 2140 yards et 16 touchdowns. Il y obtient aussi un diplôme en communication.

Comprenant que Jalen Hurts va quitter le programme de Alabama, l’entraineur Nick Saban lui fait une offre, celle de devenir le remplaçant attitré de Tua Tagovailoa. La proposition le séduit. Mais pas tant pour le fait de jouer dans une équipe aussi prestigieuse.

« Mon but est de devenir entraineur alors l’opportunité de mettre un pied là-bas, c’est comme aller au Harvard du coaching. », dit-il à AL.com

Avec Alabama, il aurait pu apprendre le métier qu’il envisage, avec un des meilleurs. Pourtant, un coup de fil a changé ce projet, celui de Mike Leach l’entraineur de Washington State :

« Gardner, tu veux être remplaçant à Alabama ou tu veux venir ici, et dominer le pays en terme de yards à la passe ? »

Le Parrain

Le système de Wazzou est un rêve pour tout quarterback. Cette Air-Raid dont Kliff Kingsbury est un adepte, Mike Leach en est le Godfather. Beaucoup de receveurs écartés, ça attaque de tous les cotés. À la passe surtout. L’attaque tente deux fois plus d’actions dans les airs qu’au sol en 2018. Une proposition qu’il ne pouvait pas refuser.

Qui pourrait croire que le gars en slip sur la photo ci-dessous a lancé pour 4779 yards en 2018 ? 38 de ses passes ont trouvé preneur dans la endzone, 9 seulement ont échoué dans des mains baladeuses adverses.

Son comportement de leader aurait fait honneur au prénom Beowulf, que son grand-père souhaitait pour lui, tant il se bat et ne lâche rien. Et pourtant. Encore une fois. 3615 code quinenveut disaient les Deschiens. Pas grand-monde. Trop petit. Son bras, pas assez puissant. Et puis ce système offensif, non, ça ne marche pas en NFL. Les Jaguars le sélectionnent au 6e tour avec le choix 178. cent-soixante dix-huit, c’est long. C’est loin. Neuf quarterbacks sont choisis avant lui.

Mieux que rien mais pas un signe de confiance manifeste avant d’entamer carrière. Et puis le sort s’en mêle, la recrue Nick Foles se blesse, il entre, il lance, il gagne. Et les médias s’empare de sa personnalité atypique. Les médias mais aussi les fans, de tous âges. Sa simplicité, son sourire, sa décontraction : l’anti-star, en short et t-shirt de Kiss!

Après les années Blake Bortles, c’est désormais un peu plus rock&roll du coté du EverBank Field. On l’imagine bien d’ailleurs dans ce stade, ou plutôt dans cette piscine incrustée à même la tribune. Dans quel tenue ? Vaut mieux pas le savoir.

Jackass

Retour en arrière. Lorsqu’il arrive à East Carolina, deux joueurs seniors sont devant lui dans la hiérarchie. Il pense alors que le mieux serait d’obtenir une saison redshirt. Mais pour revenir l’année suivante en ayant conservé une année d’éligibilité universitaire, il ne doit pas jouer (cette règle s’est assouplie depuis).

« Mais arrive le quatrième match et l’entraineur met le remplaçant en tant que coureur. Le titulaire se blesse. J’entre, je joue une mi-temps et après le match, je pense que j’ai foutu mon plan en l’air pour une mi-temps! », lors du Pardon My Take Podcast

Il ne reste qu’une seule alternative pour néanmoins obtenir un redshirt. Une raison médicale.

« J’ai pris une bouteille de Jack Daniels et un marteau. J’ai bu un coup, posé ma main sur la table et bim bim bim trois fois. J’avais mal mais je sentais que ma main n’était pas cassé. J’ai re-bu un coup. »

Trois fois il essaye de se casser une main avec un marteau, en vain. Et tel un enfant mentant à ses parents ou au proviseur, il expliqua à ses entraineurs s’être cogné la main en refermant une portière de voiture.

Brillant, simple et un peu fêlé. Voilà quel genre de personnage se cache derrière la moustache. Une moustache devenue sa marque.

 

Il a des airs de Ben Stiller dans Dodgeball et, si un certain Lebowski s’intéressait au football, il regarderait désormais les Jaguars. Dans son peignoir, un verre de russe blanc à la main, il aimerait la personnalité de ce quarterback. Alors surtout, ne change rien Gardner. Pardon, Gardner II.

 

Partagez cet article sur : Twitter Facebook
Afficher les commentaires