Jersey Island : le casque de football américain, Part 1

Equipement emblématique du football, le casque a suivi le développement du jeu pour mieux protéger les joueurs.

Petit aparté pour un épisode spécial de Jersey Island consacré aux casques. Tout comme le maillot, le casque de football est un équipement fonctionnel qui a beaucoup évolué durant l’histoire de la NFL, et qui a pris une grande signification dépassant sa simple utilisation. Il est devenu un symbole de ce sport, un archétype, une référence immédiate qui transporte avec elle histoire et traditions.

Trop dangereux, le football a faillit être interdit et a dû se transformer pour inclure au plus profond de son fonctionnement la sauvegarde de ses joueurs. Au fil des révolutions techniques, les casques de la NFL ont subit des changements drastiques, avec comme principe premier la protection des hommes sur le terrain par l’innovation.

Un élément de protection

Le casque de football est une partie de l’équipement des joueurs qui a eu pour vocation première de protéger leur tête, et plus tardivement leur visage. D’abord en toile puis en cuir avant l’adoption des modèles en plastique et désormais en matériaux composites, les casques se sont complexifiés tout au long de l’histoire de la ligue afin d’améliorer la protection et la communication des joueurs.

Aujourd’hui ils se composent de cinq parties : la coque avec ses rembourrages, la mentonnière (chinstrap), la grille faciale (facemask), une visière optionnelle, et les éléments électroniques de communication ou de collecte de données. Le casque de football est considéré comme l’équipement le plus designé et technologique dans les sports majeurs avec la particularité de devoir protéger de coups répétés.

Une activité fatale

A l’origine le football est essentiellement un sport universitaire, qui n’inclue que peu de règles de protection des joueurs. Créé au cours des années 1860-1870, il ressemble à un mélange de soccer et de rugby, où tout est à peu près possible : porter la balle, la passer en arrière, la frapper au pied. C’est une activité violente et très dangereuse pour ses pratiquants même si des règles d’organisation et de tactique apparaissent au cours des années 1880. Bien que le public se passionne pour le football – plusieurs dizaines de milliers de spectateurs peuvent assister aux rencontres majeures – les critiques sont également virulentes. Charles Eliot, président de Harvard et leader officieux du mouvement anti-football, a été jusqu’à appeler à son interdiction en 1895.

Il faut dire que le football est à l’origine d’une véritable hécatombe. Selon le Washington Post, 45 joueurs sont décédés entre 1900 et 1905, des centaines ont été blessé gravement, et pas un seul match ne s’est déroulé sans qu’un ou plusieurs participants ne soient évacués du terrain. Le Chicago Tribune qualifie la saison 1905 de « récolte de la mort » : pas moins de 18 décès et 137 blessures graves ont été recensés. Les universités commencent à interdire la pratique du football, et il semble que ce sport va disparaitre, jusqu’à ce qu’un de ses plus ardent supporter ne coure à sa rescousse. Rien moins que le Président des Etats Unis.

1900 Theodore Roosevelt (AP Photo/file)

Le 9 octobre 1905, Theodore Roosevelt convoque à la Maison Blanche les représentants de Yale, Princeton et Harvard pour une réunion au sommet. « C’est le procès du football ! » déclare-t-il. Il somme les principaux dirigeants de transformer le sport afin de le sauver. Il faut « minimiser le danger » ou l’interdire. Après de nombreuses rencontres houleuses, le 28 décembre 1905, 62 universités se rassemblent à New York pour discuter des possibles changements. A l’issue de la rencontre, l’ Intercollegiate Athletic Association of the United States se créée, qui deviendra plus tard la National Collegiate Athletic Association (NCAA).

Le comité introduit de nouvelles règles au début 1906 : le first down obtenu au bout de 10 yards et non plus 5, l’obligation d’aligner sept joueurs offensifs sur la ligne d’avantage, la zone neutre qui sépare attaque et défense, l’interdiction de la charge générale sur un seul joueur (« Flying Wedge »), et les pénalités en yards pour conduite anti sportive. Et bien sûr, l’autorisation de la passe en avant. A partir de ce moment, l’évolution du jeu et l’amélioration constante de la protection des joueurs seront définitivement liées.

Les Têtes de Cuir

Il n’existe pas de documentation concernant l’invention du casque de football à proprement parler. C’est un équipement qui s’est introduit de façon pragmatique dans le jeu. Les joueurs ont essayé de trouver des solutions pour protéger des blessures déjà existantes ou pour éviter de graves séquelles. En 1869, George « Rose » Barclay, coureur du Lafayette College, a commencé à utiliser des bandages en cuir et des protections d’oreilles pour éviter l’effet chou-fleur (l’assemblage est surnommé le « head harness » ou harnais de tête). Certaines sources créditent James Naismith pour avoir le premier porté un casque de flanelle cousu par sa fiancée en 1891 afin de protéger une oreille blessée.

D’autres citent Joseph M. Reeves de l’Académie Navale lors de la confrontation Army-Navy de 1893. Après une saison très rugueuse Reeves avait été alerté par son médecin d’un risque de « démence immédiate » ou même de mort en cas d’un nouveau coup à la tête. Afin de ne pas rater le grand match contre l’Armée, il a décidé de porter un casque de moleskine (toile de coton tissé serré, recouverte d’un enduit flexible et d’un vernis souple imitant le grain du cuir) réalisé par son cordonnier. Il aurait ramené le concept à l’Académie, et des variantes auraient été utilisées par les pilotes et parachutistes Américain pendant la Première Guerre Mondiale.

Au début du XXe siècle, des versions en cuir souple (soft leather helmets) apparaissent comme équipement optionnel, mais ces casques ne remportent pas un grand succès car leur protection est faible, ils tiennent chauds, et les protections d’oreille empêchent une bonne communication avec les coéquipiers. La première grande amélioration arrive en 1917 lorsque le coach Bob Zuppke d’Illinois élabore le ZH. Des petits trous assurent une meilleure aération, des ouvertures dans les protections d’oreilles permettent de mieux entendre, et des bandes de tissu sont intégrées dans la conception pour répartir et absorber les chocs. A partir de 1920 apparaissent les premiers casques en cuir épais rembourré (hard leather helmets) qui entreront dans l’iconographie et vaudront aux joueurs de football leur surnom de Leatherheads (« Têtes de Cuir »).

Le plastique c’est fantastique

En 1939, l’ancien entraineur de lycée John T. Riddell et son fils, John Junior, révolutionnent le jeu en produisant les premiers casques en plastique. Ils améliorent également le système de suspension existant pour répartir et absorber les impacts ainsi que le confort général. Quelques mois plus tard ils complètent leur produit grâce à l’invention de la mentonnière.

Cependant, en plein second conflit mondial, les Riddell sont confrontés à des problèmes de pénurie et de qualité des plastiques. Les premiers casques sont sujets à des risques de rupture sur les chocs, et la NFL les interdit jusqu’à ce que le problème soit résolut. Ils ne seront rendus légaux par la ligue qu’en 1949. Même si ses années sont comptées, le casque en cuir reste donc d’actualité dans la NFL pour quelques temps encore.

Si la ligue ne se précipite pas pour adopter les nouveaux casques en plastique, l’armée elle ne s’y trompe pas. Alors que les militaires cherchent à remplacer le vieux casque M1917 de la Première Guerre Mondiale, le Général George S. Patton va ainsi contacter Riddell pour l’élaboration du nouveau casque M1 après avoir vu Green Bay jouer avec ces nouvelles protections.

Coup de bélier sur les logos

En 1943, la NFL passe le cap et rend obligatoire le port du casque. La tête de tous les joueurs de la ligue s’orne donc d’un même heaume marron, morne voire laid, et qui entraine des problèmes d’identification sur le terrain. Si bien qu’en 1948, le coureur des Rams Fred Gehrke décide de peindre son casque. En quelques heures, il agrémente son couvre chef de deux cornes dorées sur fond bleu. L’entraineur Bob Snyder et le propriétaire Dan Reeves adorent l’idée, et commandent à Gehrke la finition des 75 casques de la franchise, à 1$ pièce. Lors de l’ouverture de la saison 1948, les Rams ont droit à une standing ovation de 5 minutes.

L’initiative est rapidement reprise à travers la ligue, et aujourd’hui toutes les franchises arborent leur logo sur leur casque. Toutes sauf Pittsburgh – qui n’a son logo que d’un côté – et Cleveland – qui n’a pas de logo.

Une merveille technologique

A partir des années 50 et 60 l’introduction des polymères signe la fin des casques en cuir. Les rembourrages sont améliorés par l’utilisation de mousses spéciales (polyurethane, polystyrene, polypropylene, et ethylene vinyl acetate). En 1971, Riddell introduit même des chambres à air gonflables destinées à amortir les chocs et qui permettent une parfaite adaptation à la morphologie des joueurs.

En 1969, le NOCSAE (National Operating Committee on Standards for Athletic Equipment) est créé pour établir des standards de production et de performance pour les casques de football. Des normes se mettent en place qui sont généralisées en 1973. Elles serviront de bases aux tests en laboratoire à partir des années 90 lorsque la ligue entamera sa lutte contre les commotions. Le Comité liste également des avertissements concernant l’usage du casque, dont celui de ne pas l’utiliser pour frapper son adversaire. A partir de 1983 un sticker rappelant ces avertissements est apposé sur tous les casques.

Dès 1986 on voit apparaitre les coques en polycarbonate thermo moulé. Le polycarbonate est un plastique à haute résistance au choc et qui a l’avantage d’être léger. Cette coque rigide extérieure sert à protéger localement le crâne de l’impact et à délocaliser l’énergie qui sera absorbée par les autres parties. Le polycarbonate est encore aujourd’hui à la base de la conception des casques, même si il peut être remplacé par de la fibre de verre ou du kevlar.

Désormais les casques sont des éléments de haute technologie. En 2002 Riddell commercialise un nouveau casque, le Revolution, qui vient remplacer le légendaire VSR-4 après des recherches pour réduire les commotions. En 2003 Schutt Sports introduit le Thermo Plastic Urethane (TPU), une technologie issue de l’armée, comme alternative aux mousses de protections. Encore plus récemment, un équipementier comme Vicis travaille sur des matériaux souples et résistants pour les coques, qui se déforment et s’adaptent au choc pour mieux absorber l’impact. Ainsi que sur une nouvelle conception interne qui permet la prise en comptes des contraintes linéaires et rotationnelles pour améliorer la lutte contre les traumas.

Références : NFL.com, Smithsonianmag.com, Entertain The Elk, SB Nation, mentalfloss.com, 2ndskull.com, sportscasting.com, SI.com, ESPN, USA Today, NY Times, Uni-Watch.com, sportsnet.ca, Wikipedia

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