Jersey Island : le casque de football, Part 2

Equipement emblématique du football, le casque a suivi le développement du jeu pour mieux protéger les joueurs.

Petit aparté pour un épisode spécial de Jersey Island consacré aux casques. Tout comme le maillot, le casque de football est un équipement fonctionnel qui a beaucoup évolué durant l’histoire de la NFL, et qui a pris une grande signification dépassant sa simple utilisation. Il est devenu un symbole de ce sport, un archétype, une référence immédiate qui transporte avec elle histoire et traditions.

Trop dangereux, le football a faillit être interdit et a dû se transformer pour inclure au plus profond de son fonctionnement la sauvegarde de ses joueurs. Au fil des révolutions techniques, les casques de la NFL ont subit des changements drastiques, avec comme principe premier la protection des hommes sur le terrain par l’innovation.

Facemask !

La grille de protection faciale (facemask) est un élément du casque qui protège la partie inférieure du visage, de la mâchoire au nez. Actuellement les grilles NFL sont constituées de barres métalliques enrobées de plastique et présentant un design complexe qui peut varier en fonction de la position des joueurs.

A la fin des années 20, des versions de casques en cuir couvrant le visage entier (le « Executioner Helmet ») ou descendant sur le nez (le « Nose Guard ») sont les premières tentatives de protéger la face des joueurs. La première personne à concevoir une barre de protection est Vern McMillan, un marchand de l’Indiana, pendant les années 30. Avant les années 50, des barres simples sont ponctuellement utilisées pour protéger des blessures, mais ne sont qu’adaptables sur les casques et non permanentes.

La légende veut que la fameuse grille ait été inventée en 1953 par Paul Brown, le légendaire coach de Cleveland. Peu avant la mi-temps d’un match contre San Francisco, Otto Graham (QB, Browns) est durement frappé par Art Michalik (LB, 49ers) et est gravement blessé au visage. Sa mâchoire explosée est recousue de 15 points de suture pendant la pause. Au même moment, Brown bricole un bout de plastique avec Léo Murphy, son responsable du matériel, pour protéger la bouche de son quarterback en seconde période. Graham finit le match en réussissant 9 de ses 10 passes en deuxième mi-temps et en assurant un comeback pour la victoire. L’entraineur rend illico la protection obligatoire pour les autres membres de l’équipe.

Un design un peu plus formel est mis sur pied, et plusieurs franchises imitent les Browns. Cependant ces premiers facemasks, en plastique transparent (Lucite Facemask), ne sont pas à toute épreuve. Ils sont fragilisés par le froid, et peuvent exploser à l’impact. Armé de son idée, Brown contacte alors Riddell afin de finaliser le premier facemask permanent.

« Trouvez-moi quelque chose qui traversera l’avant du casque, qui sera à peu près large comme mon petit doigt, et très résistant. Je veux que ça puisse résister à un coup de pied, à un coup de poing ou d’épaule délibéré, et que ça dissuade de frapper quelqu’un. Mais faites en sorte que ça reste léger, pour peser moins d’une ounce (NDLR : environ 30 grammes) »

C’est ainsi qu’est né le modèle BT 5, la première grille simple barre, faite de plastique et de caoutchouc. Assez rapidement, comme pour les Lucites, plusieurs équipes suivent l’exemple et le modèle devient standard en quelques années. Dès 1955 cette barre se répand dans la NFL, et dès 1956 la pénalité pour facemask est introduite. Pourtant elle ne finit par équiper tous les joueurs de la ligue qu’en 1962 à cause de quelques récalcitrants.

(Original Caption) San Francisco – Green Bay

Au fur et à mesure, le concept se développe. La grille se complexifie avec le temps, incluant plusieurs barres pour offrir plus de protection. La première grille complète apparait en 1975. La simple barre n’est finalement plus utilisée que par les spécialistes (PK et P), et est bannie en 2004 mais avec une clause du grand père. Le dernier joueur à porter le modèle fut le punter des Browns Scott Player en 2007.

Initialement les facemasks étaient transparents, en polycarbonate. Quelque temps marrons, à cause de l’enrobage de plastique autour des barres métalliques, ils sont rapidement devenus gris clair, couleur qui est restée en place jusqu’en 1974. Cette année là les Chargers et les Chiefs sont les premières franchises à introduire des grilles colorées, jaune et blanche respectivement. Si certaines équipes conservent le gris (comme les San Francisco 49ers), de nombreuses franchises emboitent le pas .

A l’antenne

En 1956, George Sarles, vendeur en électronique, et John Campbel, ingénieur chez General Electric, approchent Paul Brown avec un concept de d’émetteur/récepteur radio dérivé des casques de tankistes de la Seconde Guerre Mondiale. L’idée est d’améliorer la communication et d’accélérer les appels de jeu entre la touche et le terrain.

Friand d’innovation et d’avantage compétitif, Brown leur demande de finaliser le projet en secret et met en place le système en juillet 1956 pour l’ouverture de la présaison. Pourtant celui-ci n’est pas au point. La radio à ondes courtes capte aussi bien les compagnies de taxis ou la police que les appels du coach. Mais l’idée attire l’attention, et la tentative ne va durer que trois matchs. Intrigué par les agissements du banc de touche de Cleveland, le coaching staff des Lions découvre la combine, et devant les contestations le commissioner de la ligue Bert Bell interdit le dispositif.

L’idée va rester dans les cartons pendant 40 ans. Ce n’est qu’en 1994 que la NFL réintroduit la radio dans le jeu. Jusqu’alors les entraineurs pouvaient parler entre eux, mais ils ne pouvaient communiquer avec le terrain que par signaux ou en effectuant des rotations. Désormais, grâce à de petites enceintes dans le casque, le coach ou le coordinateur peuvent parler à leur quarterback.

Pendant des années les défenseurs ont protesté, considérant qu’ils avaient un désavantage par rapport aux attaquants. Eux aussi ont des signaux, des alignements, des appels. Finalement le Comité des Règles accepte en 2008 qu’un défenseur soit également équipé d’un récepteur radio.

D’après la réglementation de la ligue, chaque escouade offensive et défensive n’a le droit d’avoir qu’un seul joueur à la fois sur le terrain portant le récepteur radio qui lui permet de communiquer avec la ligne de touche (et pas les cabines en tribune). Chaque équipe a la permission d’avoir trois quarterbacks équipés, et deux défenseurs (un titulaire et un remplaçant). Les joueurs qui reçoivent le dispositif sont strictement identifiés grâce à un sticker vert à l’arrière de leur casque.

La communication est automatiquement coupée à 15 secondes du décompte de jeu, et si le système d’une équipe tombe en panne, l’autre doit également débrancher son appareillage.

Visières en option

En 1984 on voit l’apparition en NFL des premières visières. En polycarbonate transparent, elles ont pour fonction de protéger la partie haute du visage des joueurs et surtout leurs yeux. Utilisées également pour réduire l’éblouissement, des versions teintées sont apparues progressivement au fil de la pénétration dans la ligue. Des joueurs stars comme Jim McMahon (QB, Bears) ou Eric Dickerson (RB, Rams) ont largement aidé à la popularisation des visières.

Les premiers modèles n’étaient pas sans inconvénients. Elles pouvaient s’embuer à cause de la chaleur ou former des gouttes en cas de pluie. Et des critiques existaient, principalement concernant les visières teintées : de l’amélioration des contrastes au fait de cacher les yeux et le regard du joueur, tout le monde n’était pas conquis et certains y voyait un avantage injuste.

Jan 27, 2019; Orlando, FL, USA; New Orleans Saints. Mandatory Credit: Steve Mitchell-USA TODAY Sports

Pourtant c’est un argument médical qui amène la NFL à bannir celles-ci en 1998. En effet, elles empêchent le diagnostic de conscience sur un joueur blessé si le médecin ne peut pas voir les yeux de son patient. La NFL n’autorise donc plus que les visières non teintées. La règle s’est un peu élargie en 2019 après un partenariat entre la NFL et Oakley, mais normalement seuls les joueurs possédant un certificat médical peuvent demander une exemption, comme cela a été le cas pour Ladainian Tomlinson (RB, Chargers) ou Chris Canty (DL, Giants).

Le cas des capteurs

Grâce aux technologies modernes embarquées, les casques sont devenus au XXIe siècle de vrais objets communicants. Avec l’incorporation de capteurs, d’accéléromètres, et plus récemment d’électro-encéphalogrammes (EEG), ceux-ci peuvent renseigner sur la puissance d’un choc, sa direction, la répartition de son énergie et les éventuels dégâts qu’il a pu causer. Ces capteurs peuvent également déclencher une alerte à partir d’un certain seuil. Plusieurs programmes de NCAA utilisent des protocoles de détection, que ce soit embarqué dans le casque ou dans le protège dents.

Alors que la NFL avait fait des avancées et proposait un programme de recherche sur les commotions basé sur le volontariat, elle a décidé de stopper ses essais à la fin de la saison 2015. Il faut dire que l’organisation ainsi que le syndicat des joueurs avaient des réticences quant aux résultats.

La NFL n’était pas convaincue de la fiabilité des capteurs. D’après la ligue les données collectées ont été questionnées, incomplètes ou insatisfaisantes. De plus les traumas peuvent être causés par des petits chocs répétés et pas uniquement par de violentes collisions. Aspect mal relevé par les capteurs. De son côté la NFLPA craignait pour la confidentialité et l’anonymat des données. Le syndicat avait peur d’une fuite ou d’une utilisation à charge contre les joueurs, pour réduire leur temps de jeu ou pour avoir un levier dans les négociations contractuelles.

Cependant, comme l’a déclaré Brain McCarthy porte parole de la NFL, le comité médical de la ligue continue « de se renseigner et d’analyser la recherche » faite à l’extérieur.

L’adieu à Bucco Bruce

En 2013, un incident à propos de l’uniforme throwback des Buccaneers a révélé les conséquences d’une nouvelle directive de la NFL. N’ayant pas le droit de changer ses casques afin de les coordonner à ses maillots, Tampa Bay doit tout simplement abandonner l’uniforme orange de ses débuts.

Suivant les conseils du Comité Tête, Cou et Colonne et de la Commission Consultative pour la Sécurité des Joueurs, la ligue a mis en place une règle visant à minimiser le plus possible le nombre de casques portés pendant la saison. Les deux commissions considèrent en effet qu’ils nécessitent une longue période d’adaptation, et qu’il peut être dangereux de ne pas la respecter. Des casques neufs seraient moins sécurisants que des équivalents rodés. Ainsi, sauf dans des cas très particuliers, ceux-ci ne doivent pas changés en cours d’année.

Cette règle ne s’applique qu’à la coque. Les franchises ont toujours la liberté de changer les grilles ou les autocollants, ce qui autorise certaines adaptations pour les uniformes alternate et throwback mais ne règle pas tous les problèmes esthétiques.

Les joueurs et leur casque

2017 voit un accord entre la NFL et le syndicat des joueurs (NFL Player Association) afin de rendre obligatoire certaines catégories de casque. Suite à un programme de recherche de cinq ans, les deux organisations éditent en commun un classement des meilleures modèles sur la base de tests en laboratoire. Celui-ci est affiché dans chaque vestiaire de la ligue et est remis à jour chaque année. Les joueurs doivent désormais choisir leur casque parmi la liste des équipements conseillés, certains étant « déconseillés » et d’autres interdits. Auparavant ils pouvaient choisir de porter n’importe quel modèle aux normes.

Une clause d’exception ou règle du grand père a été accordée pendant deux ans afin que les joueurs déjà pourvus puissent faire une transition douce vers un modèle récent. C’est ainsi que Aaron Rodgers, Tom Brady, Larry Fitzgerald ou Antonio Brown ont eu des dérogations temporaires, arrivées à échéance pour la saison 2019. Durant la saison 2018, plus de 15% des joueurs ont changé leur casque pour un modèle mieux évalué.

« La volonté de poursuivre le classement des casques et la décision commune avec le syndicat des joueurs (d’en interdire certains) veulent pousser la transition vers des casques plus performants, » a déclaré Jeff Miller, vice président de la NFL en charge de la santé et de la sécurité, selon USA Today. «  Nous sommes très motivés, car c’est un pas important vers une meilleure sécurité des joueurs. Au cours des deux dernières années, nous avons commencé à voir les joueurs passer de modèles mal classés à des casques mieux classés.  »

Références : NFL.com, Smithsonianmag.com, Entertain The Elk, SB Nation, mentalfloss.com, 2ndskull.com, sportscasting.com, SI.com, ESPN, USA Today, NY Times, Uni-Watch.com, sportsnet.ca, Wikipedia

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