[portrait] La story du vendredi – Kyle Dugger : Cendrillon 2.0

Enfant mal-fichu puis adolescent totalement ignoré : Kyle Dugger, de la division 2 à la NFL.

Tous les vendredi, la rédaction de TDActu vous propose le portrait d’un acteur NFL. Son parcours sportif, ses succès et ses échecs, son parcours de vie. Aujourd’hui une possible sensation se révélant sur le tard.

Kyle Dugger

Né le 22 mars 1996 à Fayetteville, Georgie
1m85 pour 98 kilos
Safety, Lenoir-Rhyne, senior

Ombre est lumière

Comment les staffs NFL évaluent-ils les joueurs universitaires ? Tout d’abord leurs équipes sillonnent le pays depuis le lieu de la franchise. Certains scouts habitant une autre région, se concentrent eux sur les universités locales. Ils ont, le plus souvent, su construire au fil des ans un réseau constitué d’entraineurs ou d’observateurs leurs fournissant en amont des informations. Ensuite vient ce qui est nommé outre-manche : le draft process. East-West Shrine game, Senior Bowl, ProDays et NFL Combine.

Lorsque l’annonce d’une invitation à la semaine du Senior Bowl tombe, toute l’université de Lenoir-Rhyne se mit à célébrer son joyau. Kyle Dugger, un safety aux qualités athlétiques bien au-dessus de la moyenne, pourtant déjà haute, du football universitaire. A l’ombre de la chaine des Appalaches, sa carrière commence dans un anonymat qui semble lointain aujourd’hui. La semaine du Senior Bowl, une première étape vers le monde professionnel.

« C’est quelque chose auquel je ne m’attendais pas. Être ici et me frotter à ces gars, c’est une opportunité énorme pour moi. Je veux leur montrer ma polyvalence et ce que je peux apporter à l’étage supérieur. », pour le Philadelphia Inquirer

Et si la plupart des joueurs en NFL ont été formés dans les universités des grandes conférences, chaque franchise s’applique à dénicher son Matt Judon (Ravens), son Tyreek Hill (Chiefs) ou son Adam Thielen (Vikings). Kyle Dugger est sans aucun doute le prochain sur cette liste de joueurs largement sous-cotés, pour diverses raisons, à leurs sorties de lycées.

« Un joueur de 2e division comme lui, vous en trouvez un tous les 20 ans. S’il était à Clemson, Georgia ou Alabama, non seulement il jouerait mais il y serait titulaire. », Drew Cronic son entraineur à Lenoir-Rhyne pour nfl.com

Oui mais voila, il n’a pas joué dans une de ces powerhouse. Il n’a pu y faire constater ses capacités. Et pour cause : aucun des sites spécialisés référençant des centaines de lycéens (247Sports, Rivals, Espn) ne le mentionnent. Personne ne s’intéresse à lui.

Frankenstein

Lorsque Kyle Dugger entre au lycée, il veut jouer au football. Oui mais. Il mesure moins d’un mètre soixante-dix et pèse 60 kilos tout mouillé. Alors que son frère ainé est un colosse mesurant 2 mètres, lui est jugé trop frêle pour évoluer sur un terrain de football. Il joue donc surtout au basketball mais ne grandit toujours pas : même pas dix centimètres de plus quatre ans plus tard. Il est un lycéen chétif et quelque peu difforme aussi : s’il est petit, ses bras eux sont très longs et ses mains ont la taille de celles d’un adulte. Tout comme ses pieds. Un petit bonhomme qui semble avoir été mal assemblé à partir de plusieurs puzzles.

« Je priais Dieu, s’il vous plait ne le laissez pas comme ça. », sa mère pour nfl.com

Kyle Dugger se souvient notamment de la longueur non proportionnelle de ses pieds, de parfois trébucher à cause de leurs tailles si peu adaptées à son gabarit. Dans état de Géorgie où talents sportifs et athlètes en tout genre fleurissent, Kyle Dugger ne pouvait se faire remarquer. Seule une université de deuxième division daigne envoyer, non pas un entraineur, mais un joueur fraichement diplômé faisant ses classes comme le 15e adjoint pour l’observer. Pourtant son entraineur au lycée Whitewater de Fayetteville y croyait.

« Je leur disais qu’avec un frère de deux mètres et 110 kilos qui est un basketteur professionnel en Amérique du Sud, il aurait une croissance soudaine. Ses bras déjà très longs montraient qu’il n’allait pas rester aussi petit. », nfl.com

Petit, mal-fichu mais déjà très athlétique. James Copeland est l’assistant délégué sur place pour l’observer et il relate à Chase Goodbread de nfl.com comment il a été impressionné par le joueur…sur un terrain de basketball : avec ses longs bras Kyle Dugger intercepte une passe, remonte le parquet en dribblant et du haut de son mètre soixante et dix-neuf, il plante un dunk monstrueux d’agilité et de puissance sur son adversaire. Aussitôt engagé ! Les universités de seconde division font rarement les difficiles avec le peu qu’ils leurs restent. La division 1 universitaire est divisé en deux catégories : les 130 meilleures en FBS et 126 autres en FCS. Une université de division 2 vient donc après. Loin, très loin de pouvoir attirer les meilleurs joueurs.

The Bachelor

Redshirt en 2014, Kyle Dugger se concentre sur ses études sans jouer le samedi. En 2015, il débute en tant que cornerback et affronte donc les Lions des montagnes de Mars Hill ou les Pionniers de Tusculum. Deuxième division quoi. Repositionné au centre de la ligne arrière la saison suivante, Kyle Dugger connait une progression spectaculaire en même temps que l’achèvement tant attendu de sa croissance : il est désormais un missile de 1m85 pour 98 kilos qui vient frapper ses adversaires à toute vitesse. Car de vitesse, Kyle Dugger n’en manque pas.

Si les évaluateurs attachés à la région entourant Charlotte en Caroline du nord ont l’habitude de se déplacer sur les campus de Wake Forest, de North Carolina State ou de Duke, beaucoup moins font le détour par Hickory et Lenoir-Rhyne. Jusqu’à ce qu’en mars 2019 Ryan Florence, en mission pour les Seahawks de Seattle, décide de suivre les conseils d’un membre de son réseau.

Il y constate des capacités physiques hors norme chez Kyle Dugger. Autorisé à le tester de la façon dont les joueurs le sont lors d’un ProDay ou du NFL Combine, il est ébloui par les résultats obtenus : 4,41 et 4,45 secondes sur 40 yards ! Un Broad Jump (saut en longueur sans élan) qui l’aurait classé 7e des arrières défensifs au NFL Combine 2019. Une envergure de 1,98 mètres, plus longue que 64 des 65 defensive-backs mesurés à Indianapolis en 2019. Et comme une réminiscence de son enfance, aucun arrière défensif présent à Indy n’avait des mains plus grandes que les siennes.

Nul doute que Ryan Florence aurait aimé garder secret « sa » découverte mais depuis ce jour, chacune des 31 autres franchises a envoyé un évaluateur l’observer lors de la saison 2019. Et tous ont pu constaté la violence de ses plaquages, sa capacité à défendre la profondeur comme la boite. Tous ont également noté sa compétence pour relancer les coups de pieds. Car Kyle Dugger ne joue pas seulement en défense, il est aussi une arme pour une équipe spéciale (929 yards en 2019 sur retours de punts).

« Je suis un bon plaqueur et d’ailleurs j’adore plaquer. Je sais prendre les bons angles et me séparer des blocks. Et puis j’ai grandi en jouant running-back, je l’ai fais jusqu’à ma saison junior au lycée alors j’en ai gardé la vision et les cuts pour les relances de coups de pieds. », dit-il à Draft Wire / USA Today

L’impression qu’il laisse lors des entrainements de la semaine du Senior Bowl ne fait que conforter son pouvoir de séduction sur les staffs NFL. Et si l’opposition du samedi ne peut être considéré comme autre chose qu’un match All-Star, Kyle Dugger s’y est à nouveau distingué avec ses plaquages, sa défense en couverture (notamment un stop du tight-end Adam Trautman à deux mètres de l’en-but) et ses retours de punts.

Doté de telles qualités athlétiques, qui peut douter qu’il va à nouveau marquer des points lors du NFL Combine (27 février-1e mars) ? Autrefois mal-fichu et complexé, Kyle Dugger est désormais convoité de toutes parts depuis que les évaluateurs lui ont fait essayer la chaussure NFL.

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