[portrait] La story du vendredi – Javon Kinlaw : j’irai dormir chez vous

Son nom est sur toutes les lèvres à deux mois de la draft.

Tous les vendredi, la rédaction de TDActu vous propose le portrait d’un acteur NFL. Son parcours sportif, ses succès et ses échecs, son parcours de vie. Promis au premier tour de la prochaine draft, Javon Kinlaw partait pourtant de loin.

Javon Kinlaw

Né le 3 octobre 1997 à Washington DC
1m97 pour 143 kilos
Defensive tackle, South Carolina, senior

Perturbateur

Javon Kinlaw est la définition même du terme anglophone disruptive : sur la ligne d’engagement, il transperce et perturbe la ligne offensive constamment. Sa taille, ses longs bras, son premier pas rapide et sa puissance lui donnent un profil convoité par les franchises NFL.

« Dans quels domaines m’améliorer ? Jouer plus bas sur mes appuis. Être plus efficace face aux prises à deux et arracher davantage de ballons. J’ai encore beaucoup de travail devant moi. », dit-il au site officiel de l’université de South Carolina avant la saison 2019

143 kilos sur la balance pour un mètre quatre-vingt dix-sept. De longs bras lui donnant une envergure égale à celle du basketteur Lebron James (2,14 mètres). Une de ces « anomalies » qui fleurissent dans le sport Américain. Quant à son jeu, Javon Kinlaw est un spécialiste de cette fameuse pression du quarterback depuis l’intérieur. Son nom figure désormais dans toutes les projections de la prochaine draft comme un futur choix du premier tour. Son gabarit est comparable à celui de Calais Campbell (Jaguars) et les similitudes ne s’arrêtent pas là avec ce dernier car comme lui, sa vie ne fut pas un long fleuve tranquille.

Nés sous la même étoile

Sa mère quitte Trinidad et Tobago en 1995 pour tenter le rêve américain dans la capitale et sa grande banlieue. Elle accumule les petits boulots et en 2008 elle investit ce qu’elle a pu mettre de coté pour ouvrir sa propre affaire. Escroquée par son associé, elle perd tout ! Y compris son logement. Dans son infortune, elle apprend qu’il n’y a pas que des gens malhonnêtes sur cette planète et un couple de voisins l’aide, elle et deux de ses enfants (dont Javon, 10 ans). Repas partagés et quelques repères pour les enfants.

« Il nous faisait tondre la pelouse et ramasser les feuilles mortes contre de l’argent de poche. Il instaurait quelques règles aussi et on devait faire des pompes ou courir autour du paté de maison quand on désobéissait moi et mon frère. Il était une figure paternelle pour nous. », Javon Kinlaw en parlant de Jason Farley au Greenville News

Après le décès de Jason suite à un accident de moto, la famille Kinlaw vient s’installer avec sa veuve : les repas sont communs, les Kinlaw dorment ensuite au sous-sol aménagé en conséquence. En 2013, la situation n’est pas meilleure et la mère pense qu’envoyer Javon chez son père est plus viable pour tout le monde. Il a 16 ans et cela ne se passe pas bien avec un père dans une situation de vie tout aussi précaire, vivant dans un motel et ne s’occupant pas de lui.

Pour avoir un peu d’argent de poche, sur la route du lycée il prend l’habitude d’acheter des bonbons, qu’il revend ensuite aux écoliers avec un léger bénéfice. Devenu amis avec un camarade de classe, il passe le plus clair de ses nuits dans la famille de Timothy Davis.

« Moi et mon père cela n’allait pas. Je n’avais plus d’endroit où vivre alors j’étais toujours chez eux. Ils m’ont traité comme un membre de la famille et il n’y a rien au monde que je désirais plus. », Javon Kinlaw sur la famille Davis, Greenville News

Au lycée il mesure déjà pas loin de deux mètres et pèse 120 kilos, inutile de préciser qu’il domine les autres sur le terrain de football. Il intéresse les universités et notamment celle de South Carolina. À nouveau, des obstacles viennent se mettre sur sa route : le changement d’entraineur à South Carolina juste après son recrutement et surtout, ses résultats scolaires.

« Je faisais le con. Parfois je n’allais même pas en classe. Je me disais que si je n’allais pas à l’université, ça ne serait pas si grave. », Greenville News

Soutenu par la famille Davis, il prend son destin en main après que le nouvel entraineur des Gamecocks se soit déplacé en personne pour le rencontrer. Will Muschamp lui explique alors le plan : un an dans un junior college du Mississippi afin de remonter son niveau scolaire puis il pourra venir à Columbia. Le Mississippi ? Cela ne lui dit pas grand-chose mais un logement et des repas gratuits ? Il accepte.

Une star est née

Ayant enfin un niveau académique suffisant, il rejoint un an plus tard South Carolina. Une université qui ses dernières années a formé des défenseurs du calibre de Stephon Gilmore, Jadeveon Clowney et Melvin Ingram. En 2017, il joue 7 matchs sa première saison puis explose l’année suivante avec 9 plaquages pour pertes dont 4 sacks. Son total de 30 plaquages est également un chiffre important pour un joueur intérieur dans la si relevée conférence SEC.

Son nom est mentionné par les scouts, à minima un choix du second tour de la draft 2019 lui semble promis. Lui qui a toujours lutté pour avoir ne serait-ce que de quoi se payer un repas par lui-même, les millions de dollars d’un contrat NFL lui tendent les bras. Surtout qu’il n’est plus tout seul : fiancé, il est désormais père d’une fille.

Et pourtant. Il refuse l’opportunité.

« Je n’avais rien accompli. Venant d’où je viens, j’ai pris l’habitude de penser que ce n’est jamais assez bien, je n’avais pas fais une saison suffisamment bonne pour moi. Je voulais m’améliorer encore alors pourquoi partir un an avant la fin ? », dit-il à Draft Wire/USA Today

35 plaquages et 6 sacks en 2019. Et une prestation plus que remarquée face à Georgia. En décembre 2019, il est nommé dans la 1e équipe All-American. Il occupe un des quatre postes de la ligne défensive aux cotés de Derrick Brown et de Chase Young. Son nom est mentionné non plus au second tour mais au premier et souvent dans la première moitié de celui-ci. Pari réussi : il a progressé et le chèque qu’il recevra en avril sera d’autant plus important.

Defensive tackle à la manière de DeForest Buckner (49ers), defensive-end dans un système en 34 tel Akiem Hicks (Bears) ou comme Calais Campbell le fait avec les Jaguars, defensive-end coté fort dans un schéma en 43. Dans tous les cas, Javon Kinlaw jouera en NFL la saison prochaine et son nom sera appelé à Las Vegas lors du premier tour de la draft. Et si les projections actuelles l’envisagent dans une fourchette allant de 14 à 25, ne soyez pas surpris de le voir sélectionné dans le top 10. Vous l’aurez lu ici en premier.

S’il ne sait où son périple le conduira en 2020, il sait déjà ce qu’il fera avec son premier chèque.

« Ma mère est dans ce pays depuis 25 ans et elle n’a jamais eu de maison à elle, jamais. C’est la seule chose qui m’intéresse, le reste viendra ensuite mais tout d’abord, avoir un vrai ‘chez nous’. », Greenville News

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