[Histoire] Cleveland Browns, c’était (bien) mieux avant

Les débuts tonitruants ont laissé place à la médiocrité.

Pour vous faire patienter jusq­u’à la prochaine saison, TDActu vous propose de (re)découvrir l’histoire de chaque franchise sous toutes les coutures. Du logo aux couleurs, en passant par les maillots et l’origine du surnom, tout a été décortiqué.

Restons dans l’Ohio pour nous plonger dans les aventures des Cleveland Browns.

Quelques chiffres

72 saisons entre 1946 et 2020.
All-America Football Conference, division Ouest (1946-1948) – NFL, conférence Américaine (1950-1952) – NFL, conférence Est, (1953-1969) – NFL, conférence Est, division Century (1967-1969) – NFL, conférence AFC, division Central (1970-1995, 1999-2001) – NFL, conférence AFC, division Nord (depuis 2002).
Record : 522 victoires – 504 défaites – 14 nuls.
Playoffs :  28 apparitions, 16 victoires – 20 défaites.
Super Bowl : aucune participation. Titres AAFC (avant 1950) : 4 (1946, 1947, 1948, 1949). Titres NFL (avant 1966) : 4 (1950, 1954, 1955, 1964).
Titres de division : 12 (1946, 1947, 1948, 1967, 1968, 1969, 1971, 1980, 1985, 1986, 1987, 1989).
Titres de conférence (avant 1970) : 11 (1950, 1951, 1952, 1953, 1954, 1955, 1957, 1964, 1965, 1968, 1969).
Leader à la passe : Brian Sipe (125 matchs, 1944/3439, 23 713 yards, 154 touchdowns, 149 interceptions).
Leader à la course : Jim Brown (118 matchs, 2359 courses, 12 312 yards, 106 touchdowns).
Leader à la réception : Ozzie Newsome (198 matchs, 662 réceptions, 7980 yards, 47 touchdowns).

Un peu d’histoire

Les aventures des Browns remontent aux premières heures de la All-America Football Conference, une nouvelle ligue créée en 1944 par Arch Ward, un influent rédacteur sportif du Chicago Tribune. Celle-ci devait à terme défier l’hégémonie de la NFL une fois qu’elle aurait commencé ses activités à la fin de la Seconde Guerre Mondiale, le conflit obligeant de nombreuses équipes professionnelles à réduire leurs activités, fusionner ou faire une pause pendant que leurs joueurs servaient dans l’armée. Le pari était risqué compte tenu de l’échec des trois précédents concurrents de la NFL et de la domination du football universitaire, plus populaire à l’époque. Ward, qui avait acquis une certaine notoriété en organisant des rencontres de baseball et de football universitaire, recherchait alors les propriétaires les plus à l’aise financièrement pour les huit équipes de sa nouvelle ligue. L’un d’entre eux était Arthur B. « Mickey » McBride, un homme d’affaires de Cleveland, qui a grandi à Chicago et connaissait Ward grâce au monde de la presse. Il a développé une passion pour le football en assistant aux rencontres universitaires de Notre Dame où son fils a étudié. Au début des années 1940, il a tenté de racheter les Cleveland Rams à Dan Reeves mais l’opération a capoté. McBride était directeur de la diffusion au Cleveland News au début de sa carrière. Il s’est ensuite établi à son compte dans les années 1930 en achetant des compagnies de taxi à Cleveland et en gérant une agence de presse qui fournissait aux bookmakers des informations sur les résultats des courses hippiques. Cette seconde activité lui a permis de tisser des liens avec le crime organisé de Chicago et de Cleveland.

L’organisation a été officiellement fondée le 20 avril 1945 par McBride aidé de Robert H.Gries, dont la famille a détenu une part minoritaire importante des Browns jusque dans les années 1990. Avec l’obtention d’une place en AAFC, l’influent propriétaire a demandé à John Dietrich, rédacteur sportif au Cleveland Plain Dealer, de lui faire des suggestions pour le poste d’entraineur. Le nom de Paul Brown, qui dirigeait Ohio State à l’époque, est rapidement arrivé en haut de la liste. À seulement 36 ans, il s’était déjà forgé un solide palmarès avec l’équipe lycéenne de Massillon, Ohio, et avait apporté aux Buckeyes leur premier championnat national. Durant cette période, il servait dans la marine et entraînait l’équipe de football à la station navale des Grands Lacs près de Chicago. McBride a suivi les conseils et nommé Brown entraineur en chef. Pour le convaincre, il a également reçu une participation dans l’équipe et avait un contrôle total sur son effectif. Ceci étant acté, elle devait se trouver un surnom, et après plusieurs tergiversations et un concours organisé (voir plus bas), le nom de « Browns » a été choisi par le propriétaire. Un nom sélectionné pour honorer l’entraineur en place, soulignant ainsi sa popularité dans la région, malgré les objections de Paul Brown lui-même.

Avec la fin de la guerre, la franchise a profité des liens de son nouvel entraineur avec le football universitaire et l’armée pour constituer son effectif. La première signature a été celle d’Otto Graham, un ancien quarterback vedette de Northwestern qui servait alors dans la marine. Les Browns ont ensuite signé le kicker et tackle offensif Lou Groza, les receveurs Dante Lavelli et Mac Speedie, et le centre Frank Gatski. Au même titre que les Rams à cette époque, l’entraineur a également joué un rôle clé dans l’intégration raciale des sports professionnels avec les signatures en 1946 de Marion Motley (FB) et Bill Willis (NT), deux des premiers afro-américains à avoir joué au football professionnellement. Brown, Graham, Motley, Groza, Lavelli, Willis et Gatski ont ensuite été élus au Hall of Fame. Malgré la réputation de Brown, rejoindre l’équipe était un risque. Les Browns et l’AAFC étaient des entités naissantes et devaient faire face à une rude concurrence de la NFL. Les débuts réussis ont vite dissipé les doutes avec une qualité au rendez-vous. Cleveland était l’une des meilleures formations des deux ligues, et a dominé les 10 premières années de football professionnel de l’après-guerre.

Otto Graham (Photo : dawgs by nature).

Le 6 septembre 1946, au Cleveland Municipal Stadium, ils ont aisément dominé les Seahawks de Miami devant une foule record de 60 135 personnes lors du premier match de saison régulière. Ils ont terminé la saison avec une fiche de 12 victoires pour seulement 2 défaites, avant de dominer les New York Yankees 14 à 9 lors de la première finale organisée. Le début d’une domination sans partage où seuls les Yankees et les 49ers faisaient illusion. Sous la houlette de Brown, l’équipe a remporté les trois autres championnats de l’AAFC (14-3 contre les Yankees en 1947, 49-7 contre les Bills en 1948, 21-7 contre les 49ers en 1949) jusqu’à sa dissolution en 1949. Ils ont enregistré un bilan de 52 victoires, quatre défaites et trois matches nuls, dont la saison parfaite en 1948 au cours de laquelle ils sont devenus la première équipe invaincue de l’histoire du football professionnel (15-0).

La région de Cleveland a soutenu la franchise dès le début, les Browns bénéficiant du départ des Rams (NFL) pour Los Angeles. Les exploits sur le terrain n’ont fait qu’amplifier leur popularité, et l’équipe a enregistré une moyenne de 57 000 spectateurs par match lors de sa première saison. Mais, victimes de leur succès, la fréquentation a chuté au cours des années suivantes. Les fans ne s’intéressaient plus aux victoires déséquilibrées, pendant que la fréquentation des équipes moins performantes a baissé encore plus rapidement. Ces facteurs, combinés à une surenchère entre les deux ligues pour s’arracher les meilleurs joueurs, a entraîné une augmentation des salaires et une diminution des bénéfices des propriétaires. L’AAFC a été dissoute et trois équipes (Browns, 49ers et Colts alors à Baltimore) ont rejoint les rangs de la NFL à partir de la saison 1950. Une ligue qui n’a d’ailleurs pas reconnus les statistiques et les records de sa concurrente, y compris la saison parfaite de 1948, car ils n’ont pas été établis au sein de la NFL, ou contre des équipes de cette organisation.

L’influence de Paul Brown sur le jeu était énorme. Il prônait la pratique d’un football innovant dont les nombreuses contributions lui ont valu le surnom de « père de l’attaque moderne ». Il a été le premier entraineur à donner à ses joueurs des manuels pour apprendre les tactiques, utiliser la vidéo pour étudier les adversaires, embaucher une équipe d’adjoints à temps complet. Il a également introduit les communications radio dans les casques pour envoyer les tactiques à son quarterback et eu recours au temps sur 40 yards pour déterminer la vélocité d’un joueur. Il voulait savoir à quelle vitesse ses poulains pouvaient retourner un punt sur cette distance, qui était la moyenne de terrain parcouru sur cette phase de jeu. Alors que Cleveland excellait en défense, il gagnait surtout grâce à une attaque qui utilisait la formation en « T » version Brown, qui mettait l’accent sur la vitesse, le timing et l’exécution. Il préférait la rapidité à la masse et aimait ses joueurs « maigres et affamés ». Otto Graham était une star avec ce système. Passeur numéro 1 de la ligue chaque saison, il a cumulé 10 085 yards dans les airs, profitant en plein du nouveau schéma de blocs offensifs inventé par son entraineur, « the cup », où les joueurs de ligne formaient une courbe pour protéger le quarterback. La poche que nous connaissons aujourd’hui. Marion Motley, que Brown a qualifié en 1948 de « meilleur fullback qui n’ait jamais vécu », a été le meilleur joueur de l’AAFC de tous les temps.

De nombreux irréductibles, toujours pas convaincus que les Browns étaient une formation compétitive, s’attendaient à ce qu’ils échouent dès leur entrée en NFL. Ils ont été déçus, Cleveland a continué de surfer sur le succès en apportant la preuve de leur niveau très rapidement. Le 16 septembre à Philadelphie, ils ont ouvert la saison contre les champions en titre de la meilleure des manières avec une victoire 35 à 10 grâce à une attaque de feu (487 yards au total, dont 246 de Graham à la passe). Ce secteur qui mettait également en vedette Groza, Motley, Lavelli et le running back Dub Jones a permis à Cleveland de terminer la saison 1950 à la première place de la conférence Est, à égalité avec les Giants de New York (10-2). Une équipe qu’ils ont vaincu 8 à 3 en playoffs, avant de disposer des Rams à Cleveland 30 à 28, sur un field goal à la dernière minute de Groza, pour s’adjuger le titre national. Le cinquième consécutif toutes ligues confondues. Dans l’hystérie collective, les fans ont pris d’assaut la pelouse suite à la victoire, arrachant poteaux et maillots de joueurs, mettant le feu dans les tribunes.

« C’était le meilleur match que j’ai jamais vu », Paul Brown.

En fait, les Browns ont participé à la finale sept fois au cours de ses 8 premières années dans la ligue (1950-1957). Seule la saison 1956 a été en deçà des standards habituels. Suite au premier titre, ils ont enchainé trois revers successifs en finale contre les Rams (24-17 en 1951), et deux fois contre les Lions (17-7 et 17-16 en 1952 et 1953). Si ces défaites ont déçu des supporters habitués à gagner, l’équipe a continué sa progression avec des joueurs comme Len Ford (DE) ou Ray Renfro (WR) qui ont réussi à atteindre le Pro Bowl. Le 9 juin 1953, Arthur McBride a vendu sa participation dans l’équipe pour 600 000$ à un groupe d’hommes éminents de Cleveland : Dave R.Jones et Ellis Ryan, anciens directeur et président des Indians de baseball, Homer Marshman, un avocat, et Saul Silberman, propriétaire du circuit de Randall Park. Le succès a fait son retour en 1954, bien que cela ne soit pas gagné d’avance. Initialement, Otto Graham avait déclaré que ce serait sa dernière saison, tandis que Motley et Willis ont pris leur retraite. 9 victoires – 3 défaites et les voilà en finale contre Detroit pour la troisième année consécutive. Cette fois, ils ont dominé de la tête et des épaules (56-10). Des deux côtés du ballon. Bobby Lane a été intercepté à 6 reprises côté Lions, pendant que Graham enchainait les touchdowns (3 à la passe et 3 au sol). Convaincu par son entraineur, le quarterback est revenu aux affaires pour une ultime saison en 1955, qui l’a consacré pour la troisième fois. Une victoire 39-14 face aux Rams où il a reçu une standing ovation du public californien lorsqu’il est sorti en fin de match. Il a mené les Browns en finale lors de ses 10 années de carrière professionnelle, avec sept titres à son palmarès (4 AAFC et 3 NFL) et 23 584 yards lancés entre les deux ligues.

Sans son maitre à jouer, et face à de nombreuses blessures, ils ont chuté à 5 victoires – 7 défaites l’année suivante, la première négative de son histoire, entrainant le départ à la retraite de plusieurs cadres. Cette saison-là, Brown a testé son dispositif radio à l’intérieur des casques lors de la pré-saison et en saison régulière pour diriger son quarterback. Un procédé copié par ses adversaires, qui ont commencé à développer leurs propres dispositifs, avant que Bert Bell, commissionner de l’époque, n’en interdise l’usage. Cette mauvaise saison les a placés en 6ème position lors de la draft et ont opté pour le running back de Syracuse, Jim Brown. Un choix rapidement payant. Avec 942 yards en 12 matchs seulement, il a été désigné rookie de l’année et aidé Cleveland à retrouver la finale, bien qu’ils aient été battus 59 à 14 par les Lions. Dès 1958, Cleveland s’est appuyé de plus en plus sur le jeu au sol, ne trouvant pas de remplaçant valable à Graham. Une saison où ils ont terminé ex-aequo à la première place de la conférence à cause d’une défaite sous la neige contre les Giants lors de l’ultime rencontre. Ces mêmes new-yorkais qui sont sortis victorieux la semaine suivante lors d’un match de barrage pour déterminer l’adversaire des Colts de Baltimore en finale. Par la suite, ils ont progressivement reculé au classement, minés par des querelles internes. Jim Brown, qui a décroché le titre de coureur le plus prolifique en 1959 et 1960, commençait à remettre en question les méthodes disciplinaires de son entraineur et l’appelait « Petit César » dans son dos. Le début de la fin pour Paul.

Arthur Modell (Photo : Radio Canada).

Les choses ne se sont pas arrangées avec l’arrivée à la tête de la franchise de Arthur B.Modell, devenu actionnaire majoritaire en 1961. Une vente qui a mis un an à se concrétiser. Fred « Curly » Morrison, un ancien running back des Browns qui a travaillé comme cadre publicitaire pour la chaine CBS, a appris en 1960 que Dave Jones cherchait à vendre les Browns, et en a informé Art Modell, spécialiste dans la publicité et la télévision. Celui-ci était intrigué à cause des droits télé potentiellement lucratifs que pourraient rapporter l’une des franchises les plus prospères de la NFL, alors que le football commençait à défier le baseball comme sport numéro 1 aux États-Unis. Il a alors emprunté autant d’argent que possible, et conclu la vente en mars 1961 contre 3,925 millions de dollars. Comme l’avaient fait les propriétaires précédents lorsqu’ils ont repris l’équipe, il a déclaré aux fans que Paul Brown aurait « carte blanche » pour diriger l’organisation et lui attribua un nouveau contrat de huit ans.

« À mon avis, il n’a pas de pair en tant qu’entraîneur de football. Son bilan parle de lui-même. Je considère notre relation comme un partenariat de travail. »

Les actes n’ont pas suivi les paroles. Cela a marqué le début d’une lutte de pouvoir qui a fait des ravages. Sur le terrain, les tensions internes entre l’entraineur et ses joueurs se ressentaient sur les prestations de l’équipe. Cette saison 1961 était typique des dernières. Jim Brown a dominé le classement des yards parcourus au sol pour la cinquième saison consécutive et Cleveland a terminé à deux victoires d’une place pour la finale (8-5-1). Le fossé entre propriétaire et entraineur s’est creusé à partir de l’intersaison suivante. Sans prévenir personne, Paul Brown a envoyé aux Redskins son halfback vedette Bobby Mitchell en échange des droits du premier choix de la draft, Ernie Davis (RB), premier afro-américain à remporter le Heisman Trophy. Ouvertement raciste, le propriétaire de Washington avait fait ce choix contraint et forcé par peur de perdre le bail de son stade s’il n’ajoutait pas de joueur afro-américain dans son effectif. Davis a exigé un échange, laissant la porte ouverte aux Browns, qui l’ont signé pour trois ans et 80 000 dollars. Malheureusement, touché par une leucémie, il a été laissé sur la touche par Paul Brown, au grand désarroi de Modell qui faisait des pieds et des mains pour le voir jouer. Finalement, le coureur n’a jamais porté les couleurs de Cleveland, emporté par la maladie en mai de l’année suivante. Le point de non-retour était atteint. Les Browns ont lutté toute la saison pour finir péniblement par un bilan positif (7-6-1) et Jim Brown n’a pas terminé meilleur coureur pour la seule fois de sa carrière. À l’issue de la saison, l’homme qui a donné son nom à la franchise a été licencié le 9 janvier 1963 et remplacé par son assistant Blanton Collier.

Apprécié des joueurs, il a mis en place un système offensif ouvert permettant au quarterback Frank Ryan de décider lui-même des jeux. Les résultats ne se sont pas fait attendre. Porté par le meilleur joueur de la saison Jim Brown (1863 yards et 12 touchdowns au sol), Cleveland a terminé avec 10 victoires – 4 défaites au compteur, échouant d’un rien pour une place en finale. Avant de retrouver la voie du succès la saison suivante. Suite au succès de prestige face aux Giants (52-20), ils ont remporté la conférence Est afin de se hisser en finale pour la huitième fois, et ils sont venus à bout des Colts de Johnny Unitas 27 à 0 devant les 80 000 personnes du Stadium Municipal. Collier avait mis en place un système rigoureux pour éviter les gains importants, en employant une défense homme à homme sur les jeux de passe. Une tactique qui a porté ses fruits et offert le titre à la franchise, le dernier à ce jour. Ils sont bien retournés en finale la saison suivante, mais ont échoué contre les Packers (23-12) au Lambeau Field avant que NFL et AFL ne fusionnent en 1966. Le dernier match professionnel de Jim Brown au terme duquel il avait amassé 12 312 yards au sol en carrière, un record NFL qui est resté valable pendant 22 ans. Collier a eu beau collectionner les titres de division (1967, 1968, 1969), il est tombé contre plus fort que lui en playoffs (Cowboys, Colts, Vikings) et n’a jamais goûté aux joies des premiers Super Bowls.

Jim Brown (Photo : Throwback Magazine).

Avec la fusion entérinée, Cleveland a rejoint les équipes de l’AFL en compagnie des Colts et Steelers pour former la conférence AFC, et ont été positionnés dans la division Central avec Pittsburgh, Houston (Oilers) et Cincinnati, la nouvelle franchise fondée par Paul Brown. Ils ont dès lors entamé une période prolongée de vaches maigres dont ils ont émergé à de rares occasions. La saison 1970, qui a vu le premier affrontement de l’histoire durant un match du lundi soir (victoire 31-21 face aux Jets le 21 septembre), était mitigée sur le plan comptable, avec un bilan équilibré (7-7) insuffisant pour atteindre les playoffs. Atteint de troubles auditifs, Collier a décidé de prendre sa retraite, remplacé par Nick Skorich. L’ancien coordinateur offensif de l’équipe est resté en place pendant 4 ans, menant Cleveland en playoffs à deux reprises (1971 et 1972). Le milieu et la fin des années 70 ont été une phase de transition. La nouvelle génération de joueur, incarnée par Brian Sipe (sélectionné au 13ème tour de la draft 1972) a mis du temps avant de s’imposer, avec de rares moments enthousiasmants. Forrest Gregg a remplacé Skorich mais rien n’a évolué. Nommé entraineur de l’année en 1976 lorsqu’il a permis à Cleveland de passer de 3 à 9 victoires, il a été prié de plier bagage moins d’un an plus tard à la suite d’une incompatibilité avec Modell.

Le propriétaire souhaitait désormais se tourner vers un technicien extérieur à l’organisation. Le manager général Peter Hadhazy lui a alors recommandé Sam Rutigliano, entraineur des receveurs aux Saints. Après plusieurs échanges et rencontres, il a finalement été nommé le 27 décembre. Rutigliano était un homme affable, charismatique et calme, ce qui contrastait fortement avec Gregg. Sous sa direction, l’attaque a pris une autre dimension, menée par Sipe, le duo Reggie Rucker (receveur vétéran) et Ozzie Newsome (un tight-end sélectionné à Alabama) dans les airs, et Mike Pruitt au sol. L’équipe est progressivement montée en régime et a peut-être connu son exercice le plus palpitant en 1980. 12 de leurs 16 matchs se sont décidés par 7 points d’écart ou moins, amenant les fans à surnommer l’équipe les « Kardiac Kids ». Rutigliano aimait prendre des risques avec des jeux truqués, et n’avait pas peur d’annoncer des appels peu conventionnels pour l’époque. À la suite d’une dernière victoire de 3 points face aux Bengals (27-24), ils ont remporté la division (11 victoires-5 défaites) et offert le titre de MVP à Brian Sipe grâce à ses 4132 yards et 30 passes de touchdown lancées. La chance a tourné en playoffs dès le Divisional Round face à Oakland le 4 janvier 1981 dans des conditions climatiques polaires, avec le fatal « Red Right 88 » en fin de rencontre. Comme ils l’avaient fait toute la saison, les Browns étaient engagés dans un match serré, en retard de deux points au tableau d’affichage. En moins de deux minutes, ils ont remonté 73 yards en 8 actions pour se retrouver sur la ligne des 14 yards adverse et 56 secondes restantes au chronomètre. Un field goal et la victoire aurait été en bonne voie. Rutigliano, toujours prêt à prendre des risques, a préféré chercher le touchdown avec le terrain difficile. Il était réticent à envoyer son kicker Don Cockroft car il avait manqué deux field goals et un extra-point plus tôt dans la partie. L’appel de jeu était « Red Right 88« , un schéma de passe où Dave Logan (WR) était la cible prioritaire dans le slot, et Newsome la soupape de sécurité. Sipe a visé son tight end mais Mike Davis a intercepté le ballon au dernier moment pour valider la victoire des Raiders 14 à 12. Le « Red Right 88 » est ainsi devenu le premier symbole des échecs que la franchise connaitra dans les années 1980, avec « The Drive » en 1986 et « The Fumble » en 1987 contre les Broncos à chaque fois.

L’étincelle des «Kardiac Kids» s’est progressivement éteinte. Tout comme celle de Sipe, parti aux Generals du New Jersey de Donal Trump dans la nouvelle United States Football League à la fin de l’année 1983. Lassé des paris à répétition, Modell a licencié son entraineur en cours de saison 1984 et l’a remplacé par le coordinateur défensif Marty Schottenheimer. Durant le camp d’entrainement d’avant-saison, le cornerback Hanford Dixon a essayé de motiver les linemen défensifs de l’équipe en leur aboyant dessus entre les actions. Il a remis cela durant la saison avec son coéquipier Frank Minnifield afin de se motiver durant les rencontres, et a surnommé l’escouade « The Dawgs ». Les médias ont repris le terme, qui a gagné en popularité en partie grâce à l’amélioration de la défense pendant la saison régulière. Les fans se sont grimés en chien, et le phénomène s’est répandu parmi les fans turbulents présents dans la section populaire du stade près du terrain. Dorénavant surnommé « Dawg Pound », elle est un symbole permanent de la base de fans dévoués de Cleveland.

« Il faut des gars qui jouent comme des chiens devant, comme des chiens qui poursuivent un chat », disait Dixon.

Sous le mandat de Schottenheimer, Cleveland s’est remis en ordre de marche. Trois titres de division (1985, 1986, 1987) et quatre participations en quatre ans aux playoffs, mais l’équipe n’a jamais retrouvé sa gloire passée. La sélection du quarterback de l’université de Miami-Ohio, Bernie Kosar, lors de la draft supplémentaire de 1985 a symbolisé le début de cette courte embellie. Natif de l’Ohio, il a toujours souhaité jouer pour les Browns car sa famille vivait dans la banlieue de Youngstown, et a été immédiatement adopté par l’organisation et les fans. Il n’a fait ses débuts qu’en 5ème semaine contre les Patriots lorsqu’il a remplacé avant la mi-temps Gary Danielson. Son premier snap s’est soldé par un fumble, mais il s’est vitre repris pour conduire ses troupes à la victoire (24 à 20) et Cleveland à un bilan équilibré en fin de saison, suffisant pour remporter la division. Il a bien été aidé dans sa tâche par Earnest Byner et Kevin Mack, qui ont complété l’attaque aérienne de Kosar avec plus de 1 000 yards chacun à la course. L’aventure s’est arrêtée dès le Divisional Round face au Dolphins (24-21) malgré une avance confortable à la pause (21-3). Avant la saison 1986, Cleveland a perdu le safety et ancien rookie défensif de l’année Don Rogers d’une overdose de cocaïne, laissant l’équipe sans l’un des meilleurs défenseurs dans le secondary. Après un départ laborieux, les esprits se sont recentrés pour glaner la division, avec cette fois l’avantage du terrain tout au long des playoffs. Après un succès de justesse en prolongations face aux Jets (23-20), ils ont vu leurs rêves de Super Bowl s’envoler à cause de John Elway et de sa dernière série surnommée « The Drive ». Menés au score en fin de match, les Broncos ont remonté 98 yards en 15 actions face à la défense préventive de Schottenheimer pour envoyer les deux protagonistes en prolongations. Avant de remporter l’AFC en marquant un field goal controversé sur leur première possession. Le ballon est passé au-dessus du poteau, laissant les arbitres seuls juges de la décision. De nombreux fans pensaient que le coup de pied était passé à côté, mais les officiels en ont décidé autrement et validé la victoire. Cleveland a continué de gagner la saison suivante, s’adjugeant l’AFC Central pour la 3ème fois consécutive. En playoffs, ils ont d’abord sorti les Colts, avant de retrouver les Broncos pour la revanche. Même adversaires et même résultat avec une autre défaite crève-cœur, survenue à la suite d’une action « The Fumble ». Derrière à la mi-temps (21-3), ils ont recollé à 31 partout, avant d’être une nouvelle fois menés d’un touchdown à 4 minutes de la fin. Les Browns sont parvenus à remonter le terrain et se sont retrouvés sur les 10 yards adverses en position de marquer. Auteur d’un grand match jusque-là, Byner a hérité du cuir à 1 minutes 12 du terme. Il a rebondi sur la gauche de sa ligne offensive, avec le chemin grand ouvert pour le touchdown, mais a été frappé par Jeremiah Castille avant de passer la end-zone, perdant ainsi le contrôle de la balle. Denver a récupéré la possession. Ils ont fait tourner l’horloge, et encaissé volontairement un safety pour l’emporter 38 à 33. L’ère Schottenheimer s’est achevée d’un commun accord à la fin de la saison 1988, après l’élimination en wild card face aux Oilers. Bud Carson (1989-1990) et Jim Schofner (1990) se sont brièvement succédés, avec une finale de conférence pour Carson lors de sa seule année complète, mais ils ont une fois été stoppés par Denver à un match du Super Bowl (défaite 21-37).

Bernie Kosar (Photo : NFL.com).

En 1991, Bill Belichick a été embauché à la tête de l’équipe après 12 années passées chez les Giants sous la direction de Bill Parcells. Avec le directeur du personnel Mike Lombardi, ils ont donné une nouvelle orientation à la politique de recrutement et de scouting afin de former un effectif de capable de retrouver les sommets. La nouvelle façon de procéder ne s’est pas immédiatement traduite par un succès sur le terrain avec 6 victoires en 1991, une de plus les deux années suivantes. Entre temps, la gloire locale Bernie Kosar a été coupé par sa franchise de cœur, faute à de nombreux problèmes physiques. Il a été remplacé par Vinny Testaverde, arrivé de Tampa Bay pour anticiper la chose. Cleveland a réussi à redresser la barre en 1994, porté par une redoutable défense qui a dominé la ligue aux nombres de points encaissés. Ils ont terminé l’exercice avec 11 victoires au compteur, retrouvant les playoffs après 5 ans d’attente. Un mois de janvier terminé dès le Divisional Round face aux Steelers (29-9), après avoir sorti les Patriots au tour précédent (20-13).

En coulisses, tout n’était pas rose. La franchise était minée par les difficultés financières de son propriétaire. Les origines des malheurs de Modell remontent à 1973 lorsqu’il a signé un bail de 25 ans pour le Municipal Stadium, domicile conjoint des Browns et des Indiens (MLB) à l’époque. Selon les termes de l’accord, il possédait partiellement le stade et pouvait récupérer les revenus de toutes les rencontres disputées. Le loyer était de 150 000 dollars par an pendant les cinq premières années, puis 200 000 dollars par la suite. Modell a refusé de partager les revenus des suites de luxe avec les Indians, ce qui a finalement conduit ces derniers à faire pression auprès de la ville pour avoir leur propre bâtiment. Le Jacob’s Field a été construit en conséquence, et les bénéfices de Modell ont commencé à s’effondrer. Il n’a pas réalisé la somme qu’il allait perdre une fois que les 81 matchs des Indians à domicile n’auraient plus lieu dans son stade. Rien qu’en 1993, il a estimé la perte à plus de 21 millions de dollars. Il voyait surtout le Jacob’s Field prospérer et la Gund Arena sortir de terre pour les Cavaliers. Modell a alors approché la ville pour une remise à neuf de « son » arène pour un total de 175 millions de dollars d’argent public. La municipalité ne voyait pas d’un bon œil cette nouvelle dépense car elle venait déjà d’investir une grosse somme d’argent dans les autres projets sportifs de la ville. Face à ce refus, Modell a annoncé son intention de déménager à Baltimore. Un comble alors qu’il s’était toujours fermement opposé aux déménagements (Colts, Raiders), en jurant publiquement qu’il ne bougerait jamais sa franchise. Face à l’urgence de la situation, la proposition de rénovation du stade a été adoptée à une écrasante majorité dès le lendemain. Malgré cela, le propriétaire a exclu de rester sur place, déclarant que sa relation avec Cleveland était irrévocablement rompue.

« Le pont est tombé, brûlé, disparu. Il n’y a même pas un canoë pour moi »,  Art Modell.

Déterminés à garder l’équipe à Cleveland, fans et responsables de la ville ont orchestré une campagne populaire sans précédent afin de bloquer le mouvement. La municipalité a poursuivi Modell pour rupture de contrat, affirmant que les Browns étaient légalement tenus de jouer leurs matchs à domicile au Municipal Stadium jusqu’en 1998. Les supporters en ébullition ont fait tout leur possible pour stopper le processus, notamment en incitant les autres propriétaires à voter contre la proposition. Seuls ceux des Steelers et des Bills s’y sont opposés, et les Browns ont déménagé dans le Maryland la saison suivante. Sur le terrain, malgré un départ prometteur (3 victoires en 4 matchs), ces rumeurs ont affecté les performances de l’équipe qui n’a gagné plus qu’une seule rencontre après l’annonce du déménagement. Dans une ambiance délétère et sous une pluie de projectiles, ils ont dominé les Bengals 26-10 pour clôturer l’exercice avec un piteux 5-11 pour son ultime saison dans l’Ohio. Face au tollé de la décision, la ligue est intervenue et a trouvé un accord pour satisfaire toutes les parties. Modell s’est vu accorder les droits sur les contrats des joueurs et du personnel afin de lancer sa nouvelle franchise à Baltimore, les Ravens. Mais il a été condamné à payer 9,3 millions de dollars à la ville pour compenser les pertes financières pendant les trois années de sommeil de la franchise, et 2,25 millions de dollars de frais juridiques. Cleveland a conservé les couleurs, l’histoire et les records de l’équipe, qui sera réactivée en 1999, en attendant la construction d’un nouveau stade. Les 175 millions de dollars prévus pour la rénovation devaient être utilisés dans ce but, avec une aide de 48 millions supplémentaires de la NFL dans le cadre de sa politique favorisant les nouvelles installations. Dans le cadre de cet accord, les Browns seront également placés à leur retour dans une division comprenant les Bengals, Steelers et Ravens nouvellement fondés, afin de garantir la pérennité des rivalités de longue date. La controverse sur ce mouvement a eu des implications nationales. La délocalisation d’une franchise aussi prestigieuse, avec une base de supporters fidèles, a poussé de nombreuses villes du pays à se soumettre aux volontés des propriétaires en construisant de nouveaux stades de peur de voir partir les organisations spotives sous d’autres cieux.

Les préparatifs pour le retour de la franchise ont commencé au début de l’année 1996. La NFL a créé le Cleveland Browns Trust, organisme qui devait gérer toutes les opérations au quotidien, et nommé Bill Futterer à la présidence quelques mois plus tard. Celui qui avait grandement œuvré pour attirer le football professionnel à Charlotte a été chargé de commercialiser l’équipe, vendre les abonnements pour la saison et représenter les intérêts de la NFL dans la construction du nouveau stade, dont la conception s’est finalisée en septembre. Après la destruction du Municipal Stadium, la première pierre a été posée en mai suivant. Pendant ce temps, la ligue commençait ses recherches afin de trouver un propriétaire pour l’équipe, dont elle a décidé qu’elle serait une franchise d’expansion. De nombreuses candidatures ont été examinées, notamment celle de Kosar soutenue par un groupe composé du fondateur de HBO Charles Dolan, comédien Bill Cosby et l’ancien entraîneur de Miami Don Shula. La franchise a finalement été attribuée à Al Lerner, président et directeur général de MBNA Corp., le 8 septembre 1998 contre 530 millions de dollars. À 65 ans, il détenait une part majoritaire, tandis que Carmen Policy, qui a aidé à construire la dynastie des 49ers dans les années 80, possédait 10% de l’équipe et devait diriger les opérations sportives. Cette décision tardive n’a laissé que peu de temps à cette nouvelle équipe pour se mettre en place (369 jours) alors que les dernières formations officialisées (Carolina, Jacksonville et Houston) ont eu entre 642 et 1068 jours pour se préparer. Dwight Clark, l’ancien receveur des 49ers, a été embauché comme directeur des opérations de l’équipe (décembre 1998) et le coordinateur offensif de Jacksonville Chris Palmer comme premier entraineur en chef de ces nouveaux Browns (janvier 1999). L’effectif s’est construit dès le mois suivant avec la draft d’expansion, puis la free agency et enfin la draft classique où ils ont obtenu le premier choix général. Un choix qui s’est porté sur le quarterback Tim Couch. Contrairement à Carolina et Jacksonville, Cleveland n’a pas bénéficié des mêmes conditions lors de sa sélection de joueurs chez les concurrents. Ils pouvaient choisir deux joueurs par équipe parmi une liste de 5 noms disponibles, et une fois le premier sélectionné, la formation détentrice des droits se réservait la possibilité de protéger l’un des quatre restants. La ligue permettait également aux joueurs blessés ou partant à la retraite de figurer sur cette liste, ce qui réduisait encore le talent disponible. Les Browns ont été condamnés dès le début et beaucoup pensaient qu’il serait impossible pour l’équipe de performer.

La construction du nouveau stade s’est achevée en aout 1999, ouvrant la voie à un retour du football en ville pour la première fois en 3 ans. Avec cet effectif bancal, les débuts ont été compliqués. Une défaite 43-0 contre Pittsburgh en ouverture le 12 septembre, la première des sept consécutives, allait donner le ton des prochaines années, voire même décennies. 2 victoires en 1999, puis 3 l’année suivante, Palmer a été licencié, lui aussi le premier d’une longue lignée. En 2002, sous la direction de Butch Davis, les Browns ont participé pour la dernière fois aux playoffs mais se sont inclinés sur le fil en wild card face à Pittsburgh (36 à 33). Derrière, ils ont enchainé 14 des 17 saisons suivantes avec au moins 10 défaites au compteur. L’ultime saison positive remonte à 2007 avec 10 victoires cette année-là. Pendant vingt ans, les Browns ont pataugé dans la médiocrité. Entre 1999 et 2018, 29 quarterbacks titulaires et 10 entraineurs en chef différents se sont succédés. Le record cumulé était de 95 victoires, 224 défaites et 1 nul, soit une moyenne de 4,75 victoires par saison. Pendant cette période, ils ont terminé 15 des 20 saisons à la dernière place de leur division sans aucun titre. Le pire est arrivé en 2017 lorsqu’elle est devenue la seconde équipe de l’histoire à perdre tous ses matchs. Un exploit signé Hue Jackson. Cette saison pitoyable a incité les fans à protester de manière satirique, en organisant une « parade de la saison parfaite » pour montrer leur dégoût une fois pour toutes. Celle-ci a regroupé environ 3000 personnes malgré les températures négatives et permis de récolter plus de 17 000$ qui ont été versés à la banque alimentaire locale.

Baker Mayfield (Photo : USA Today).

Le 2 aout 2012, Randy Lerner, qui avait hérité de l’équipe de son père Al, a vendu l’organisation à Jimmy Haslam, propriétaire de la chaine de relais routiers Pilot Flying J, contre un montant supérieur à 1 milliard de dollars. Un rachat qui a officiellement été approuvé par les propriétaires lors de la réunion du 16 octobre suivant. Avec le changement incessant et des choix pas toujours judicieux à la draft, les Browns ont n’a pu énormément de talents dans leurs différents effectifs. L’un des rares à lever la tête hors de l’eau était Joe Thomas. Sélectionné en 3ème position en 2007, l’ancien tackle offensif a connu une longévité rare à son poste. 11 ans dans cette seule et même équipe où il a atteint en 2017 le nombre ahurissant de 10 000 snaps joués consécutivement, une première dans l’histoire de la ligue. Un des meilleurs à son poste qui a décroché une place dans la meilleure équipe de la décennie 2010. Ces dernières années, les saisons 2016 (1-15) et 2017 (0-16) calamiteuses leurs ont offert le premier choix général lors de draft. Avec les sélections de Myles Garrett (DE) et Baker Mayfield (QB), ils tiennent peut-être enfin les bases d’un retour au premier plan.  Des joueurs comme Odell Beckham Jr., Nick Chubb, Jarvis Landry, Olivier Vernon, Austin Hooper sont venus renforcer l’effectif. Sur le papier en tout cas, il s’agit du groupe le plus talentueux depuis la fin des années 80. Il ne reste plus qu’à trouver celui qui arrivera à cadrer tout ce petit monde. L’élu ne sera pas Freddie Kitchens, débarqué en fin de saison dernière après seulement une année. Cleveland s’est à présent tourné vers Kevin Stefanski, ancien coordinateur offensif de Minnesota, pour tenter de retrouver sa gloire lointaine.

Pourquoi les Browns ?

Alors en All-American Football Conference, le propriétaire Mickey Mcbride a organisé un concours en 1945 auprès des fans pour trouver un surnom. Le vote le plus populaire s’est porté sur « Browns » en l’honneur du premier entraineur Paul Brown, véritable figure populaire dans le sport de l’Ohio. Selon la version officielle, Brown a apposé son véto, préférant « Panthers » parmi les autres suggestions. Problème, un homme d’affaires de la région a informé la franchise qu’il possédait les droits sur le nom « Cleveland Panthers », en référence à une ancienne équipe qui n’avait pas connu un grand succès auparavant. En aout, McBride a cédé, et nommé l’équipe « Browns » malgré les objections de l’entraineur.

Pendant plusieurs années, Paul Brown a cité une autre version de l’histoire. Le nom serait venu de « Brown Bombers », surnom du champion du monde de boxe poids lourds de l’époque, Joe Louis. Brown voulait que son équipe ait un surnom digne d’un champion, et estimait que « Brown Bombers » était approprié. Le nom aurait été ensuite raccourci en « Browns ». Légende urbaine pendant de longues années, il a finalement admis que cela avait été inventé en partie à cause de sa méfiance à l’idée que l’équipe porte son nom.

Identité visuelle

Les Browns sont la seule équipe de la ligue à ne pas avoir de logo sur son casque. Ce casque sans logo sert d’ailleurs de symbole officiel depuis la fusion définitive AFL-NFL en 1970. En fait, 7 des 9 logos principaux ont présenté ce concept, y compris une version inutilisée de 1965. Les autres emblèmes ont une certaine crédibilité, surtout les versions alternatives, aussi bien le « dawg », fort et simple, très esthétique, la tête de bulldog, féroce et intimidante, ou le ballon de football avec la lettre « B » à l’intérieur.

Le logo principal a connu sa toute première version en 1948. Elle mettait en scène le personnage original de Brownie Elf, dans un style classique d’animation de l’époque. L’image a été créditée à l’artiste Dick Dugan, devenu plus tard dessinateur sportif pour le journal local Cleveland Plain Dealer. Le nom de Brownie est associé au surnom de l’équipe « Browns ». L’elfe se tient debout fièrement avec un ballon de football dans la main gauche, et porte une couronne, symbole de pouvoir. La figure est tournée vers la gauche. Tous les éléments ont un contour sombre aux bords déchiquetés. En 1959, Brownie Elf a évolué. Il était désormais tourné vers la droite, la couronne a été remplacée par une casquette et le ballon de football était dans sa main droite. Ses vêtements sont devenus noirs et orange, ses bras et son visage blancs. Le personnage est représenté de façon sommaire, sans détails, sans ombre typique des images animés, mais avec des contours noirs.

Lorsque Art Modell a acheté la franchise, il a estimé que l’emblème était trop enfantin et l’a supprimé. Au milieu des années 60, un nouveau logo a été créé : un casque orange foncé vu de côté, des lettres « CB » entrelacées marron avec une bordure blanche, une grille de protection grise, une bande blanche sur le dessus et un contour noir. Une version qui n’a jamais été utilisée. Avec la fusion entérinée, ils ont utilisé un logo qui ressemblait à la version inutilisée de 1956. Seuls de petits changements ont été apportés : les trois points gris ont été supprimés, le contour noir interne s’est élargi et la grille est devenu blanche. Ils ont supprimé les initiales « CB » car ils ont décidé de faire de ce casque vierge la marque de fabrique de la franchise. En 1986, les concepteurs ont adopté une vue de ¾ face. Le changement d’angle a permis de dessiner le masque en détail et en 3D. Des lignes sombres, qui longeaient les fixations blanches, soulignaient la tridimensionnalité. Il y avait une double bande blanche et grise sur le dessus du casque et l’orange a adopté une teinte plus foncée. En 1992, la forme globale a simplement été modernisée pour coller à l’évolution des casques. Les couleurs sont devenues plus ternes et un rebord blanc a fait son apparition sur la partie inférieure arrière. En 2006, les formes, le ratio et l’épaisseur des rayures n’ont pas été modifiés. Les variations ont été apportées sur la couleur. L’orange a fait son retour, et du gris a été utilisé pour la grille faciale. Le logo actuel a été adopté en 2015 et représente un casque plus moderne. Sa forme est identique à celle des deux versions précédentes, seules les couleurs ont changé. Un brun est utilisé à la place du noir, l’orange tire sur l’orange brûlé. Un contour blanc entoure désormais l’ensemble des éléments de la grille de protection, y compris les fixations.

La franchise utilise son logo Wordmark depuis 1972 et il n’a guère évolué au fil du temps. La mouture initiale, valable jusqu’en 2002, représentait le terme « Browns » en orange avec un contour marron et inscrit sur une seule ligne. À partie de 2003, le nom de la ville et le surnom de l’équipe sont apparus sur deux lignes. « Cleveland » plus petit en marron au-dessus, et « Browns » en orange avec un contour marron en-dessous. Entre 2006 et 2014, le mot-symbole a utilisé la même teinte orange avec un contour marron. L’ensemble formait un bloc de la même largeur. Depuis la dernière mise à jour de 2015, il existe en deux versions, orange ou marron sans contour, toujours sur deux lignes et de même largeur.

Le premier logo alternatif a vu le jour dans les années 60. Il représentait l’elf de la version originale courant avec un ballon sous un bras et l’autre tendu comme pour raffuter un défenseur. Cette version a fait son retour en 1999 au même moment où la franchise a fait son retour en NFL. Elle a alors introduit un Dawg brun et blanc portant un casque de l’équipe et serrant un ballon de football orange dans sa bouche. Entre 2003 et 2014, les Browns ont eu recours a deux représentations alternatives : un bulldog orange et marron, aux yeux marron, blancs et orange avec une vue de face ; ou un ballon de football stylisé avec la lettre « B » et des rayures orange et marron à l’intérieur. Depuis 2015, l’esquisse reprend les traits principaux d’un bulldog brun de profil, grimant un visage méchant.

Logos : Cleveland Browns.

Les tenues et le casque

Les Browns ont fait leurs débuts dans un maillot marron avec bandes orange et blanches sur les manches, des numéros bloc orange à ombre portée blanche. Les maillots blancs avaient eux des bandes marron et orange sur les manches. Les numéros étaient marrons avec une ombre portée orange. La combinaison était complétée par un pantalon et un casque blanc. Ces ombres portées ont été abandonnées dès 1947. Trois ans plus tard, un casque orange a fait son apparition en complément, avant devenir la seule couleur officielle en 1952. Cette version comportait une bande centrale blanche. L’année suivante, un troisième maillot alternatif orange a été porté dans une rencontre opposant Cleveland à Philadelphie le 10 octobre. Cet original comportait des numéros blancs, tandis que les versions ultérieures ont utilisé des numéros bruns. Ce haut n’a été utilisé qu’avec parcimonie jusqu’en 1955, avant d’être abandonné pendant près de 50 ans.

Entre 1957 et 1960, les numéros de joueurs ont été ajoutés sur les côtés des casques. À l’exception de quelques très rares occasions, ce sera la dernière fois qu’un symbole apparaitra sur la protection. À la fin de cette période, deux bandes brunes y ont été incorporées de part et d’autre de la blanche existante. En 1961, face à la popularité de la télévision, les Browns ont accolé des numéros sur leurs manches. Pour le 50ème anniversaire de la NFL en 1969, l’équipe a placé un écusson spécial sur l’épaule gauche des tenues. À noter également l’ajout sur les manches de fines bandes blanches entre l’orange et le marron. Les maillots sont restés essentiellement les mêmes tout au long des années 1970. Comme toutes les équipes de la ligue, les noms des joueurs ont leur apparition à l’arrière des maillots. La seule modification notable s’est produite en 1975 avec l’utilisation d’un pantalon orange et de grilles de protection blanches.

Le changement suivant s’est produit en 1984 avec une évolution au niveau des manches et le retour à un pantalon blanc. Deux fines bandes blanches entouraient une seule orange plus large sur les tenues domicile. Sur les hauts blancs, ce motif était orange sur les bords extérieurs et marron au centre. Durant la présaison, l’équipe a testé des numéro orange avec ses maillots marron mais a dû abandonner l’idée et revenir à un blanc plus traditionnel car le contraste n’était pas trop lisible. Cette version n’était pas du goût des fans qui l’ont beaucoup critiqué et après une petite année, les hauts ont retrouvé l’ancienne apparence. La franchise a conservé ces tenues jusqu’à son déménagement à Baltimore en 1995.

Pour son retour en 1999, Cleveland a opté pour un look classique, pratiquement inchangé depuis leurs dernières apparitions dans le monde professionnel. Un patch « 1999 » a été apposé sur les maillots où les numéros présents sur les manches ont été déplacés sur les épaules. En 2002, alors que la NFL faisait pression pour que les équipes adoptent un troisième maillot, les Browns ont suivi le mouvement en réintroduisant son maillot orange. Ils comportaient des rayures marron et blanches, des numéros blancs avec une ombre portée marron. En 2003 et 2004, des pantalons orange ont été ajoutés comme option, avant que cette couleur ne soit plus du tout utilisée (en haut comme en bas) à partir de 2005. L’année suivante, le maillot marron a vu sa nuance s’assombrir, et les bandes sur les manches avaient le même dispositif sur les deux tenues. En 2008, Cleveland a joué pour la première fois avec un bas marron uni contre les Giants en présaison. Bien que cela reste une option, il ne sera plus porté jusqu’en 2013 et 2014 où l’équipe adoptait un look entièrement marron avec des chaussettes de la même couleur. Une tendance qui n’a pas trouvé son public et a été abandonnée par la suite.

Les Browns ont complètement remanié leurs uniformes avant la saison 2015. Trois maillots et pantalons (marron, blanc et orange) ont été présentés. Pour le haut, les rayures sur les manches ont été réduites de 5 à 3, le mot-symbole « Cleveland » apparaissait sur la face avant, au-dessus des numéros, qui ont été mis en valeur avec une ombre portée. Les bas avaient des rayures partielles, et le terme « Browns » s’étendait le long de la jambe. Le casque a également changé, avec l’ajout d’une grille marron pour la première fois. Un maillot orange, semblable à la version 2002-2004, a lui aussi été réintroduit en 2015 et 2016, avant d’être de nouveau laissé de côté. La déclinaison Color Rush, entièrement marron avec des numéros et bandes orange, a vu le jour en 2018. Cleveland était alors la dernière équipe a présenté son modèle pour l’occasion. Le 16 avril dernier, la franchise a dévoilé la dernière mouture de ses ensembles. Un retour dans le passé avec une touche de modernité. Les nouveaux maillots domicile ressemblent beaucoup à ceux de 2006-2014, à quelques différences près. L’année « 1946 » est inscrite en orange à l’intérieur du col pour commémorer l’année de fondation de l’équipe. La nouvelle police pour la numérotation est plus ronde, et ressemble à celle des années 50-60. Les 5 bandes sur les manches sont désormais de tailles égales et alternent entre le blanc et l’orange sur le maillot marron, le marron et l’orange pour le blanc. Enfin, le nouveau Color Rush est simplement marron, uni, avec les numéros et nom du joueur inscrits en orange.

Les glorieux anciens

Hall of Famers : Otto Graham (QB, 1946-1955), Paul Brown (HC, 1946-1962), Marion Motley (FB, 1946-1953), Jim Brown (RB, 1957-1965), Lou Groza (OT/K, 1946-1959, 1961-1967), Dante Lavelli (TE, 1946-1956), Len Ford (DE, 1950-1957), Bill Willis (OL, 1946-1953), Forrest Gregg (HC, 1975-1977), Willie Davis (DE, 1958-1959), Doug Atkins (DE, 1953-1954), Bobby Mitchell (WR/RB, 1958-1961), Paul Warfield (WR, 1964-1969, 1976-1977), Mike McCormack (OT, 1954-1962), Frank Gatski (C, 1946-1956), Len Dawson (QB, 1960-1961), Chuck Noll (RG/LB, 1953-1959), Leroy Kelly (RB, 1964-1973), Henry Jordan (DT, 1957-1958), Don Shula (DB, 1951-1952), Tommy McDonald (WR, 1968), Ozzie Newsome (TE, 1978-1990), Joe DeLamielleure (OG, 1980-1984), Gene Hickerson (OG, 1958-1960, 1962-1973), Mac Speedie (TE, 1946-1952), Bill Cowher (LB, 1980-1982, coach, 1985-1988).

Numéros retirés : 14 – Otto Graham (QB, 1946-1955), 32 – Jim Brown (RB, 1957-1965), 45 – Ernie Davis (HB, 1962), 46 – Don Fleming (S, 1960-1962), 76 – Lou Groza (OT/K, 1946-1959, 1961-1967).

Récompenses individuelles : Coach de l’année : Paul Brown (1949, 1951, 1953), Forrest Gregg (1976).
Rookie défensif de l’année : Chip Banks (LB, 1982).
Rookie offensif de l’année : Jim Brown (RB, 1957).
Walter Payton Award : Jarvis Landry (WR, 2019).
MVP du Pro Bowl : Otto Graham (QB, 1951), Jim Brown (RB, 1962, 1963, 1966).
MVP en AAFC : Otto Graham (QB, 1947, 1948).
MVP : Otto Graham (QB, 1953, 1955), Jim Brown (RB, 1957, 1958, 1965), Brian Sipe (QB, 1980).

All-star Team : retrouvez une sélection des 53 meilleurs joueurs de l’équipe en cliquant sur ce lien.

Stades : Cleveland Municipal Stadium (1946-1995), First Energy Stadium (depuis 1999).

Partagez cet article sur : Twitter Facebook
Afficher les commentaires