[Portrait] Tee Higgins vit ses rêves d’enfant

Les enfants font des rêves. Tee Higgins est lui en train de les vivre.

Tamaurice « Tee » Higgins

Né le 18 janvier 1999 à Oak Ridge, Tennessee
1m93 pour 98 kilos
Receveur, Cincinnati Bengals, 1e année

Chad et AJ

Tee Higgins est le nouveau OchoCinco des Bengals : après demande, il obtient la permission de Chad Johnson pour porter le numéro 85. Chad Johnson alias Chad OchoCinco c’est plus de 10 000 yards en réception et 66 touchdowns avec les Bengals entre 2001 et 2010. Tee Higgins en est fier car il sait ce que représente ce numéro pour les fans. Fan ? Il en est un lui-même. Bien que grandissant dans le Tennessee, son équipe NFL favorite n’était autre que les Bengals de Cincinnati. Pourquoi ? Parce que AJ Green.

Le receveur AJ Green est son idole de jeunesse depuis que celui-ci a foulé les pelouses universitaires avec l’université de Georgia. Au lycée, Tee Higgins essayait de reproduire le jeu de ce receveur avec un morphotype sur lequel il pouvait se projeter. Alors quand ce dernier a été sélectionné par Cincinnati, les Bengals sont devenus son équipe NFL, ceux dont il regardait les matchs le dimanche. Âgé de 17 ans, dans sa dernière année au lycée de Oak Ridge, il poste ce tweet qui aujourd’hui prend une toute autre dimension.

(« je rencontrerai AJ Green un jour »)

La vie est bien faite, parfois. Avec le premier choix du second tour, Tee Higgins quittent les tigres de Clemson pour d’autres félins un peu plus au nord, pour y jouer aux cotés de son idole. Depuis, deux dates en particulier étaient cochées sur son agenda : celle du 13 septembre avec ses débuts NFL et celle du 1e novembre pour la confrontation face aux Titans du Tennessee.

Peyton et Tee

Tee Higgins grandit dans le Tennessee. Un état avec les Titans en NFL et surtout avec les Volunteers de l’université de Tennessee. Une équipe de football jouant en conférence SEC devant 87 800 spectateurs de moyenne. UT pour les fans, c’est aussi la fac de Peyton Manning entre 1994 et 1997. À Cette époque-là, le remplaçant au poste de quarterback était un certain Tamaurice « Tee » Martin et c’est après lui que ses parents ont nommé le nouveau joueur des Bengals. Un Tee Martin qui en 1998, succédant à un Peyton Manning parti en NFL, conduit le programme de football à un bilan parfait de 13-0 et un titre universitaire remporté en finale face à Florida State.

Tamaurice Tee Higgins grandit donc à Oak Ridge, à 250 kilomètres à l’est de Nashville mais à seulement 30 de Knoxville, siège de l’université de Tennessee. Oak Ridge, pas vraiment le coin du monde avec la plus grande ouverture d’esprit. Jusqu’en 1954, seuls les étudiants blancs étaient admis au lycée que fréquentera plus tard Tee Higgins. Alors forcément, la population afro-américaine de cette bourgade de 30 000 habitants vit toujours dans ces quartiers où leurs parents avaient été sommés de loger. Tee Higgins se souvient bien de ce quartier pas des plus simples où grandir.

« J’avais six ou sept ans et avec des amis on a entendu une dispute alors on s’est approché. Un des deux hommes s’est mis à tirer sur l’autre. C’était impressionnant de voir l’homme tomber, de voir le sang. Je me souviens aussi d’avoir couru plus vite que je ne l’ai jamais fais. », Tee Higgins pour The Players Tribune

Un quartier gangréné par la drogue et les crimes qui entourent sa vente.

KeKe et Camillia

Dans ce contexte, Tee Higgins tente de rester hors des problèmes par le biais du sport. Du basketball surtout. C’était son sport de prédilection et après sa 3e année de lycée, il est nommé finaliste pour le titre de meilleur joueur de l’état avec 15 points et six rebonds de moyenne. Suivant ainsi les pas de sa grande sœur KeKe (11 ans de plus) qui en son temps a obtenu une bourse d’études en raison de ses compétences dans ce sport. Le sport, ce si souvent unique moyen de s’en sortir pour des gamins vivant dans ce genre d’environnement. Surtout que la drogue n’était pas seulement présente à l’extérieur.

À six ans, on ne se rend compte que d’une partie du monde. Lui ne jure que par sa mère, Camillia. Automne 2005, cet enfant est tout d’abord très heureux car on vient le chercher à l’école : il n’aura pas cours aujourd’hui, super ! La suite n’est que larmes car sa mère est à l’hôpital après avoir reçu deux balles dans son corps. Ce n’est que bien plus tard que Tee Higgins comprendra que ce jour-là, l’assaillant n’était autre que le dealer de sa mère. Une mère accro au crack.

La sortie d’hôpital de tout son monde qu’était sa mère, avec un père plus souvent en prison que présent, prend des mois. Quand enfin elle est là, rien n’a changé. Si elle s’occupe bien de son enfant, sa seconde obsession est de se procurer de cette drogue si addictive. Une consommation qui l’a conduira finalement, elle aussi, en prison. Puis en clinique de sevrage. Plusieurs fois. Ce n’est qu’après une énième cure de désintoxication, que Tee Higgins a pu enfin se sentir entouré d’amour maternel. Une mère présente à tous les matchs de basket de son fils. « C’est la mère de Tee Higgins », « oui on sait » pouvaient répondre les spectateurs dix gradins à la ronde tant elle encourageait et félicitait son enfant sur chaque action.

Football et jouets

Le basketball est son sport. Mettre un équipement, transpirer en été et prendre des coups, ce n’était pas son truc. Élevé par ses tantes, pendant les absences de sa mère, il n’a cependant pas eu le choix : voulant le laisser hors des rues, la pratique d’un seul sport n’était pas suffisante pour elles. Alors comment persuader un garçon de dix ans ?

« Ma tante voulait que je joue au football mais je préférai le basketball. Elle m’a dit que si je jouais au football alors elle m’achèterait une Hot Wheels (voiture miniature). Un jour avant un match, elle m’a dit que si je marquais trois touchdowns j’aurais trois voitures. J’ai eu les voitures ! Ma tante est vraiment celle qui a fait de moi un footballeur. », Tee Higgins pour bengals.com

Aussitôt drafté par les Bengals, Tee Higgins fait un don à un club pour enfants défavorisés de son Tennessee natal, de 5000 dollars de voitures miniatures.

Voila comment Tee Higgins a commencé à jouer au football. Il y a prit goût jusqu’à devenir en 2017, la recrue numéro 2 à ce poste (Jerry Jeudy 3e), le 19e joueur national (Chase Young 7e). Bien entendu recruté par l’université de Tennessee, il s’engage verbalement avec eux. Mais le programme de Clemson est tellement séduisant avec des receveurs comme DeAndre Hopkins et Sammy Watkins formés en Caroline du sud. Il hésite puis rejoint les Tigers de Clemson en 2017, en même temps qu’un autre receveur, un autre enfant du Tennessee : Amari Rodgers, qui n’est autre que le fils de Tee Martin !

Trevor et Joe

Il joue peu sa première saison avec seulement 17 réceptions dont deux pour un touchdown. Hunter Renfrow (Raiders) et Deon Cain (Steelers) reçoivent la majorité des ballons mais Tee Higgins apprend dans une équipe de haut niveau, éliminée seulement en demi-finale des playoffs (par Alabama). La saison suivante est différente : si Hunter Renfrow est toujours là, Tee Higgins est l’option numéro un à l’extérieur. L’option numéro un d’un quarterback dans sa première année : Trevor Lawrence. Avec lui, Tee Higgins s’épanouit, 59 réceptions et 12 touchdowns. La première connexion entre les deux compères a eu lieu lors du second match 2018, contre Texas A&M.

Plus tard dans la saison, une revanche face à Alabama pour une victoire donnant le titre universitaire. Champion ! De quoi rendre fière sa mère, sa sœur et ses tantes. Ces personnes l’ayant entouré d’amour depuis l’enfance. Ces mêmes personnes l’entourant lors de sa draft.

Tee Higgins reçoit désormais ses passes de Joe Burrow et en cinq matchs joués en 2020, il capte 16 passes : 13 donnent une 1e tentative aux Bengals et 2 leur donnent un touchdown. Cincinnati ne gagnera pas beaucoup de matchs en 2020 mais ils ont trouvé un partenaire de jeu pour leur quarterback.

 

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