[portrait] Les cousins Chubb : il était une fois en Amérique

Dans une année 2020 où les questions raciales sont au premier-plan, la famille Chubb a une histoire à raconter.

Nick et Bradley Chubb

Nick Chubb, 24 ans, coureur, Cleveland Browns
Bradley Chubb, 24 ans, linebacker, Denver Broncos

Une histoire de football

Au pays de Donald, le football fait partie de l’histoire. Premier match universitaire en 1869, soit cinq années seulement après la fin de la guerre de Sécession. La famille Chubb fait honneur à ce pilier de la société américaine. Aaron Chubb est le père de Bradley et l’oncle de Nick et il a joué quatre saisons avec l’université de Georgia en tant que pass-rusher. Puis il a été drafté par les Patriots de New England avec le choix numéro…324. Parmi ses enfants, l’ainé Brandon a été membre des équipes d’entrainements pour les 49ers, les Lions ou les Panthers.

Bradley lui, a été choisi dans le top 5 de la draft 2018 après une carrière remarquable avec North Carolina State : 10 plaquages pour pertes en 2015, 21 en 2016 et 23 en 2017 ! Et dès sa première saison avec les Broncos de Denver, il délivre 12 sacks. Le ton est donné, lorsque l’on évoque la famille Chubb en terme de football, on parle du haut du panier.

Que dire alors de Nick ? Lui était un joueur-star avec la grande université de l’état, les Bulldogs de Georgia. La fac qui a formée tous les Matt Stafford, AJ Green, Todd Gurley, Mecole Hardman, Geno Atkins ou Roquan Smith de la NFL. Si les Falcons sont importants en Georgie, le programme de football de l’université de Georgia y est le plus populaire et son Sanford Stadium a réuni 650 000 spectateurs en 7 matchs en 2019 (92k de moyenne). Alors quelle fierté pour cette famille installée à l’ouest de l’état, tout près de la frontière avec l’Alabama.

Surtout que Nick Chubb n’est pas, lui non plus, un joueur lambda : 1547 yards et 14 touchdowns dès sa première saison universitaire. Pourtant débutant, il se charge des portés pendant que Todd Gurley purge une suspension puis se blesse (déjà!). 266 yards et deux touchdowns lors du Bowl de fin d’année face au Louisville de Sheldon Rankins (Saints). Sa saison suivante démarre sur les mêmes standards avec une moyenne de 150 yards par match mais lors du sixième, dès son premier ballon il se blesse contre Tennessee. (attention image dérangeante).

On parle alors d’une possible fin de carrière. Et pourtant. Nicholas Chubb signera 1130 yards en 2016 et 1345 en 2017, assez pour convaincre les Browns de Cleveland d’utiliser le choix numéro 35 sur lui, lors de la même draft 2018 où son cousin Bradley a rejoint les pros.

Cela, il ne le savait pas en 2016 quand un journaliste de ESPN lui demande comment il a fait pour ne pas abandonner après la rupture de trois ligaments du genou.

« Ce n’était pas une option après la façon dont j’ai été élevé. Et puis, mes ancêtres ont eu toutes les raisons d’abandonner et ils ne l’ont jamais fait. Bien au contraire. », Nick Chubb pour ESPN

Une histoire dans l’Histoire

Avant la fin de la guerre civile et donc la fin de l’esclavage, John Henry Chubb quitte la Caroline du Nord avec sa femme et ses huit enfants. Les Chubb sont libres, ils ne sont pas esclaves mais ils en souhaitent davantage dans une société où ils ne peuvent utiliser les mêmes bus, toilettes ou commerces que les blancs. Et alors que beaucoup de familles préfèrent rejoindre le nord du pays, John Henry Chubb pense que s’il n’est pas possible d’avoir les mêmes droits dans tant d’endroits de ce sud ségrégationniste, alors autant créer le sien. Il fonde alors ChubbTown en 1864, à cent kilomètres à l’ouest de Atlanta.

ChubbTown est une cité entièrement composée d’afro-américains. Le forgeron, l’épicier, sa fabrique de sirop de canne ou celle d’alcool et des fermiers. Le travail est dur mais avec ténacité, le projet devient viable, ChubbTown est auto-suffisant et commerce même avec les villages « blancs » alentours.

En pleine guerre de Sécession, en plein territoire « sudiste ».

Au début du 20e siècle, la bourgade de deux cents familles possédait même son propre service de pompier et son officine de services postaux. De ce village, il ne reste guère que l’église, quelques maisons et le cimetière depuis qu’une inondation le frappa en 1916. L’héritage moral lui est bien présent dans la famille.

« Dans son attitude générale, sa façon d’interagir avec les autres, ses notes scolaires ou dans sa façon de s’entrainer, on voit qu’il prend les choses au sérieux. Et ça, ça lui vient de sa famille. », John Elway à propos de Bradley Chubb pour ESPN

Jeune, Bradley ne croit pas vraiment à cette histoire, encore une fable des adultes pense-t’il. Jusqu’à ce que son père l’emmène lui et son frère Brandon au lieu-dit. Nick aussi se souvient qu’après le divorce de ses parents quand il a quatre ans, la garde de son père se passait à Cave Spring, soit à une minute de Chubbtown. Alors bien entendu, il connait toute l’histoire depuis son plus jeune âge.

Henry Chubb, père de Nick Chubb (crédits : AJC / CHIP TOWERS)

Entreprendre sans jamais baisser les bras. Avec une telle histoire familiale, il n’est pas étonnant que Nick et Bradley aient effectués tous deux leurs quatre saisons universitaires, les deux en sortent diplômés (économie de l’agriculture et sociologie). Les deux ont aussi connu des blessures, mais pas question d’abandonner.

« Nick et moi, on en parle souvent : comment nos familles se sont battus, comment elles ont toujours fait ce qu’il fallait, malgré l’adversité. », Bradley Chubb pour ESPN

Les cousins auraient pu s’affronter en 2019 mais Bradley était blessé et Nick est repartit de Denver avec une défaite dans ses valises.

Ils pourraient se retrouver lors de la saison 2021 car les deux franchises doivent s’affronter la saison prochaine. Alors, toute la famille sera bien sur présente : les vivants comme les ancêtres.

La semaine prochaine : George Kittle sur la route de Madison

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