[Portrait] Josh Jacobs et l’ascenseur social

Son histoire est un conte de noël moderne, une bonne façon de commencer l'année.

Joshua Jacobs

Né le 11 février 1998 à Tulsa, Oklahoma
1m78 pour 100 kilos
Coureur, Raiders de Las Vegas, 2e saison

Sous les radars

Dans le monde du football universitaire, les lycéens les plus prometteurs sont recrutés dès leur 3e année de lycée. Certains, comme Trevor Lawrence ou Chase Young sont courtisés un ou deux ans avant et, par courtisés on entend qu’ils reçoivent des centaines de lettres de recrutement de la part d’universités qui envoient aussi, sur place, des membres du staff voire l’entraineur principal pour les tout meilleurs.

Alors qu’il signe 2700 yards et 31 touchdowns sa dernière année de lycée, Josh Jacobs n’a toujours pas d’offre de bourse ! Un mois plus tard doit se tenir le « National Signing Day » et lui ne suscite toujours aucun intérêt, ou presque : une université de deuxième division Missouri Southern State. Puis deux autres de première division, certes, mais relativement modestes en New Mexico State et Wyoming. L’université de Alabama ayant un réseau étendue à tout le pays a vu ce joueur en vidéo, il a l’air vraiment bon mais quelque chose doit clocher : comment se fait-il que personne ne le recrute ? L’entraineur des coureurs, Burton Burns, se rend alors sur place et il s’attend à découvrir un problème : problème physique, problème de comportement, il y a forcément un problème.

« On pensait trouver quelque chose de négatif : peut-être qu’il serait plus petit que prévu ? Quelque chose en tout cas. Mais Burns nous dit alors que non, qu’il l’a vu lors d’un entrainement de basketball et qu’il est explosif et athlétique. Mais on a continuer à chercher car quelque chose devait clocher, on a cherché et cherché encore et au final, nous n’avons rien trouvé de négatif. », explique Nick Saban à al.com

L’explication était bien plus simple que l’hypothèse d’un souci caché : le lycée McLain n’est pas parmi les plus réputés de l’état ou même de la ville de Tulsa. Surtout, le lycée est situé dans une zone pauvre et dangereuse. Ajouter à cela un vivier incroyablement riche à travers le pays et Josh Jacobs est passé totalement sous les radars des recruteurs. Au final, ce sont les réseaux sociaux qui permettront à ce joueur de se faire connaitre. Un compte twitter, des vidéos de ses matchs et entrainements dessus et le buzz est devenue viral : Oklahoma, Oklahoma State, TCU et donc Alabama se sont alors intéressés à Josh Jacobs. Alors autant choisir les meilleurs, il rejoint donc le Crimson Tide de Alabama. Inespéré pour un jeune homme que rien ne semblait prédestiner aux lumières du top niveau universitaire.

Sous les ponts

Joshua Jacobs grandit au nord de la ville de Tulsa avec quatre frères et sœurs et un père, se battant chaque jour, pour obtenir les conditions les plus décentes pour ses enfants. Précarité quand tu nous tiens. Josh Jacobs dormait dans une chambre de motel puis dans une autre le lendemain. Le top pour son père Marty était quand l’établissement proposait un petit-déjeuner gratuit avec la location. Parfois, le lit était la banquette arrière de la voiture, son père à l’avant, ne dormant que d’un œil avec un pistolet à la main, au cas où.

Marty Jacobs avait pourtant commencé sa vie d’adultes comme la plupart des gens : un travail, une femme, des enfants. Puis vint le divorce, la perte du domicile et de l’emploi et en un clin d’œil, il se retrouvait sans-abri. Alors commença, la tournée des motels du coin.

« Je comprenais la situation même si j’étais jeune mais je n’ai jamais vraiment souffert de cela. Je crois que je relativisais tout ça. », confie Josh Jacobs au Washington Post

Mettant de coté le plus qu’il pouvait des salaires d’emplois précaires qu’il obtient, Marty Jacobs parvient à finalement à mettre ses enfants dans une maison. Pas un palace, non. Pas dans un quartier résidentiel, non.

« Je me souviens de tous ces hélicoptères de la police qui survolaient régulièrement mon quartier. Je me souviens d’enfants de 13 ans commentant crimes et mêmes meurtres. En vrai, cela aurait été tellement plus facile si moi aussi j’avais vendu de la drogue ou intégré un gang de voleurs. », explique Josh Jacobs au Washington Post, quelques jours avant la draft 2019

Sous les projecteurs

La différence d’environnement entre la prestigieuse université de Alabama, son campus aux allées fleuries et ses bâtiments magistraux et son quartier de Tulsa fût, au départ, un choc pour Josh Jacobs.

« Tout était si beau, c’était bizarre. », dit-il au Washington Post

Dès le départ, il impressionne ses coéquipiers comme OJ Howard (Buccs) ou Eddie Jackson (Bears) qui confie alors à Bleacher Report que ce joueur « va devenir spécial. ». Dès le 4e match de sa première saison, il est titulaire et poste 100 yards et un touchdown contre Kentucky. En trois saisons, il aide Alabama à atteindre trois finales universitaire (une victoire et deux défaites). En 2018, sa 3e et dernière saison avec Alabama, il signe 11 touchdowns au sol et trois en réceptionnant les passes de Tua Tagovailoa (Dolphins).

Son explosivité, sa capacité à attraper les passes ainsi que son caractère « à toute épreuve lié à son enfance » ont alors convaincu Mike Mayock, le directeur sportif des Raiders, de choisir ce joueur dès le 1e tour.

« Je l’ai vu lors de la finale universitaire et dès le lendemain j’ai compilé 7 extraits de sa performance. Je suis alors allé voir Jon Gruden en lui disant de regarder ces vidéos car on devait selectionner ce joueur. », nous apprend Mike Mayock lors du Rich Eisen Show

Et dès sa saison rookie, Josh Jacobs de dépasser les 1000 yards au sol. La saison suivante, il accroit encore son importance dans le schéma offensif des Raiders et inscrit 10 touchdowns au sol. 55 de ses portés permettent à l’équipe d’obtenir une première tentative.

Si la position de coureur est parfois dévaluée aux yeux des scouts comme du grand public, un de la trempe de Joshua Jacobs permet non seulement de faire bouger les chaines, d’inscrire des touchdowns mais aussi, de donner à une équipe une identité en attaque. Et, quid des défenses adverses obligées d’être attentive à ses courses, libérant ainsi des espaces pour son tight-end Darren Waller ou un receveur renaissant de ses cendres, Nelson Agholor. Bon par lui-même et rendant les autres meilleurs, Josh Jacobs a su déjouer tous les pronostics, toutes les difficultés, pour aujourd’hui tutoyer les sommets. Voilà ce qu’il veut apprendre à son fils de 3 ans.

« Je ne veux pas qu’il vive cela bien sur mais qu’il le comprenne. Il va grandir dans un tout autre environnement que moi, mais il comprendra qu’il ne doit pas se sentir supérieur et traiter les gens suivant leurs conditions. », souhaite Josh Jacobs via le Washington Post

 

 

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