[Globetrotteurs] Star Lotulelei : le guerrier Pacifique

Des passeports étrangers ou des parents expatriés. S’il sont tous nés à des milliers de kilomètres des États-Unis, ils ont tous fini par atterrir sur les rectangles verts de la NFL. Voici leur histoire.

Pacifique dans le coeur. Pacifique dans l’âme. Gros bonhomme d’une douceur suintant la guimauve dans la tranchée d’un sport brusque, violent, sauvage presque. Un oxymore sur pattes. Un ourson enrobé de chocolat. Un guerrier paisible à l’image des rivages de son enfance. Pacifiques.

Ma famille d’abord

176 îlots égarés au milieu de cet océan Pacifique qui porte si mal son nom. Un royaume éparpillé sur lequel se répartissent inégalement un peu plus de 100 000 âmes. Le 193e pays le plus peuplé de la planète. Si 70% de cette maigre population polynésienne se concentre sur l’île principale de Tongatapu et autour de la capitale Nukuʻalofa, les Lotulelei font bande à part. Les pieds dans l’eau, où jamais très loin, ils vivent sur un îlot d’à peu près la taille de 5 terrains de football. Sur ce petit bout de terre sablonneux, ils cultivent du taro, plante connue pour sa large racine, et du tapioca qu’ils revendent ensuite dans les rues en échange de quelques paʻangas. Leur maison, une large hutte d’une seule pièce faite de boue argileuse et de feuilles de cocotier. À deux doigts du mythe du bon sauvage. En tête avec la nature.

Son physique, Star le tient de ses gênes polynésiens. Son nom, il le tient de son père. Aîné de sa famille, Star Lotulelei Sr doit lui-même son patronyme à l’un de ses oncles. Sitalaiti, en version originale. Star Light en version doublée. Une choix prémonitoire qui ne tient rien du hasard.

« Il avait en tête que je serais la lueur d’espoir de la famille, » raconte le patriarche dans les pages de Sports Illustrated à deux jours d’un Super Bowl 50 que son fils vivra sur le terrain. « Que je réussirais dans la vie et que je sortirais toute la famille de la pauvreté. »

Aîné d’une tribu de 10 gamins, Starlite, de son prénom complet, passe les 9 premières années de sa vie à patauger dans l’eau turquoise et tiède sur cet archipel dispersé au milieu de l’océan. Presque à mi-chemin entre Papeete à l’ouest, en Polynésie française, et Brisbane à l’est, sur le flanc oriental de l’Australie. Comme tous les gamins de ce bout du monde, il n’a d’yeux que pour le rugby et l’athlétisme. Pas besoin d’équipement. Juste de ses jambes et ses poumons. Le football, il n’en entend que vaguement parler à travers un lointain cousin de sa mère. Vai Sikahema, premier Tongien drafté dans l’histoire de la NFL. Pendant ce temps-là, comme des centaines d’autres natifs du petit royaume, son père est parti voir ailleurs. Un exode insulaire qui doit aux Tonga un solde migratoire très nettement négatif. Une fuite très souvent économique, professionnelle ou sportive dont les voisins australiens et néo-zélandais sont généralement les grands bénéficiaires. Étudiant en comptabilité, Star Sr choisit pourtant de migrer à plus de 5000 bornes au nord-est de là, à l’autre bout de l’océan Pacifique. À Hawaï. En même temps qu’il franchit les échelons universitaires un à un, l’apprenti matheux prépare la paperasse monstre qu’il lui faudra empiler pour faire venir son épouse, ses neuf enfants et ses parents. En mathématicien appliqué et méthodique ayant migré dans l’Utah et l’Université Brigham Young après son escale hawaïenne, il y parviendra en 1999. Au crépuscule du 20è siècle. À l’aube d’un nouveau millénaire. Pour toute la famille, une nouvelle vie. Loin des plages du Pacifique sud, près des monts enneigés des Rocheuses. Son oncle avait vu juste.

Étudiant à la Brigham Young University, son père installe toute sa famille dans une maison du campus de Provo. Gamin épanoui à la maison, mais réservé à l’école, la timidité de Star Junior inquiète des enseignants que sa mère ne tarde pourtant pas à rassurer. À 9 piges, il a toujours été un gosse très casanier. Qui se sent bien entouré des siens, dans un environnement rassurant et chaleureux. La proximité de ses géniteurs, de ses frères, de ses soeurs, de toute la tribu Lotulelei sous un même toit. Le douillet cocon familial. À 10 ans, ses parents lui dégotent un petit boulot de livreur de journaux pour qu’il s’offre quelques billets verts d’argent de poche tout en se rendant utile. Un passe-temps et un gagne-pain qui l’ennuient profondément. À tel point qu’il se retrouve avachi à l’arrière du monospace familial pendant que ses soeurs aînées font tout le travail pour lui se souvient amusée Pesatina, sa mère au brushing parfait.

Très vite, Star le fainéant découvre un sport dont il a vécu dans la plus pure ignorance jusque-là. Le football. L’autre religion du coin et ses messes du vendredi soir, du samedi après-midi et du dimanche, du matin au soir. Régulièrement, Papa Star rentre à la maison avec des VHS des Cougars et toute la famille se regroupe devant la petite lucarne. Si Junior ne capte rien au début, il ne tarde pas à combler son retard et devenir accro à ce calcio florentin un peu plus civilisé. Tous les samedis, quand BYU joue à la maison, son père emmène Star et son petit frère se noyer parmi les 60 000 mormons du LaVell Edwards Stadium. Les deux gosses deviennent vite des inconditionnels de ces types en armures qui se rentrent dedans et cavalent à toute vitesse. Biberonné aux exploits de Rob Morris, le Colt de toujours drafté au 1er tour au tournant du millénaire, et Brett Keisel, la plus belle barbe des années 2000, Star se prend d’amour pour les colosses de la ligne défensive. Les fantassins des gridirons. La première ligne. En 2005, Dave Peck apprend par un coup de fil qu’un ado terriblement prometteur qui n’a jusque-là connu le football que dans sa version soft, pour les enfants, rejoint South Jordan’s Brigham High. D’abord intrigué, le coach n’en croit pas ses yeux quand il voit débarquer dans son bureau cet impressionnant gamin de plus d’un mètre 80. « Est-ce que je viens de gagner au Loto ? »

Cette année-là, ils sont près de 70 gosses à passer devant les yeux avertis de Peck et de son état-major. Seuls deux d’entre eux seront autorisés à jouer des deux côtés du ballon. Trop talentueux pour se passer d’eux. Star en fait évidemment partie. Indéboulonnable pilier des lignes offensives et défensives des Mineurs. Senior, Lotulelei rafle 72 plaquages, engloutit 7 quarterbacks et les hommes en bleu raflent tout. 14 victoire, zéro défaite et le titre d’État de leur catégorie (Class 5A). Malgré des perfs de lycéen qui attirent timidement la curiosité des recruteurs locaux, le site de référence rivals.com ne le positionne qu’en 57e position parmi les defensive tackles et lui attribue un 5,5 faiblard qui le place tout juste dans le top 750 des recrues de la cuvée. Un nom parmi tant d’autres. Illustre inconnu parmi la nuée de mecs bourrés de talent qui inonde les rangs universitaires de tout le pays chaque hiver, il est pourtant estampillé 3e recrue la plus prometteuse de l’Utah. Pas de quoi provoquer un embouteillage dans sa boîte aux lettres. Coach des quarterbacks de BYU à l’époque, Brandon Doman n’a pas besoin de grimper au balcon et de lui faire la sérénade pour le convaincre de rejoindre les Cougars. Membre de l’Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours, biberonné au football mormon, son choix est tout fait.

« Depuis que je suis tout petit, j’ai toujours voulu jouer pour BYU, » avoue-t-il au Salt Lake Tribune en septembre 2011. « Alors j’ai signé avec eux, mais mes notes n’ont pas suivi. »

Finalement recalé à cause d’un bulletin scolaire insatisfaisant, il se retrouve à la rue. Gentil cancre sans solution de repli. La douche froide. BYU a beau lui offrir d’aller rehausser ses notes tout en taquinant le ballon dans un community college (JUCO) durant une année avant d’aller recogner à leur porte, Star Jr. rejette cet arrangement qu’il voit comme un vulgaire pansement déposé sur une fierté salement amochée. Badigeonnée de Mercurochrome à la va-vite. Il balance même à ses parents qu’il abandonne purement et simplement le football. 

« Je pense qu’il s’en voulait terriblement, » raconte son père. « En fait, la passion du jeu a toujours été secondaire pour Star. Il était plutôt bon et il aimait avant tout jouer avec ses amis. Mais il n’avait pas cette passion pour le jeu… pas encore. »

Pendant un an, ses larges épaules et ses gros biscoteaux en font un déménageur efficace, mais morne en échange de 10 maigres dollars par heure. Réveil aux premières lueurs de l’aube, direction le boulot dès 7 heures du matin, retour à la maison vers 16h, manger, dodo, repeat. Il traine sa misère de cabanon en chalet en trimballant des meubles d’un coin à l’autre de l’Utah en échange d’une paye famélique. Des lits king size disproportionnés, des tables de salle à manger pour familles nombreuses, d’encombrants frigos à double porte, des kits de home cinema entiers. Il déteste ce job. Comme ce boulot de livreur de journaux quand il était gosse. Surtout, le football lui manque terriblement. Ses rares sourires, il les gratifie à son petit frère, Lowell, quand il vient le voir s’entraîner après le travail sur ce terrain qu’il connait si bien. Celui de Brigham High.

« J’ai réalisé que j’étais fait pour le football et que j’avais besoin du football, » raconte-t-il à Associated Press en 2013. « C’est ce que cette année m’a enseigné. Il fallait que je joue au football et la leçon a été douloureuse. »

En 2008, au bout de quelques mois, pas vraiment gentleman, il abandonne ce boulot de déménageur honni. Après de longues et pénibles semaines loin des terrains, il ravale sa fierté, revient sur sa décision, suit les conseils de BYU et s’inscrit à Snow College, un JUCO d’Ephraim, à un peu moins de 200 bornes au sud de Salt Lake City. Pour la première fois de sa vie, Tanguy Lotulelei ne dort pas sous le même toit que ses parents. Une véritable épreuve qui dénote de l’importance que le ballon oval a pris dans son coeur. Il ne lui faut que quelques jours pourtant pour les appeler et leur dire à quel point ils lui manquent. Pendant un an, Star Senior et Pesatina viendront le visiter chaque fin de semaine, n’oubliant jamais de lui apporter des Tupperwares généreusement garnis des fameuses cuisses de poulet de sa mère.

Sevré de football depuis le lycée, hors de forme, il pointe à près de 160 kilos lorsqu’il débarque timidement chez les Badgers. En nette surcharge pondérale même pour un poste de gaillards souvent rondelets et du haut de son imposant mètre 88, pas au point physiquement, il grignote quelques maigres minutes par-ci par-là dans un rôle de doublure de luxe à mesure qu’il retrouve son poids de forme et ses réflexes de footballeur. Le talent a beau être là, bien enfoui sous de longs mois de laisser-aller, la remise en forme se révèle pénible. Et terriblement lente. Trop lente. Les semaines sont dures, mais il peut compter sur le soutien de Fuiva, sa copine rencontrée sur le modeste campus centenaire. Une joueuse de volleyball également originaire des Tonga dont Star Sr. connait bien le père. Ils se sont connus avant son exode océanien. « Elle vient d’une bonne famille. Sois gentil avec elle. » Elle deviendra bientôt son épouse et la mère de ses deux filles.

« Me marier et devenir père pour la première fois m’a aidé à rester les pieds sur terre, » confie-t-il en conférence de presse au lendemain de la draft 2013. « Ça m’a permis de me concentrer, de me rassembler en quelques sortes et de me demander qu’est-ce que je voulais faire de ma vie et où je voulais aller. Je crois que c’est ce qui m’a mené là où j’en suis aujourd’hui. »

Malgré une reprise laborieuse, il conclut la saison 2008 avec 52 plaquages et 3 sacks et, comme un an plus tôt, les Badgers retrouvent Butler Community College en finale du NJCAA National Football Championship. Même adversaire, même issue. 12 mois après avoir été balayés par leurs rivaux du Kansas, les bleus de Snow College sont défaits au bout de deux prolongations haletantes. Footballeur retrouvé sur le terrain, époux et père de famille de 19 piges à la maison, il remet de l’ordre dans ses bulletins de notes et réapparait comme par enchantement sur les radars des programmes FBS. Notamment celui de Kalani Sitaki. Le coordinateur défensif d’Utah le connait depuis ses années de lycéen et l’imagine déjà s’épanouir dans la défense 4-3 des Utes. Trois autres lettres de recrutement atterrissent sur son paillasson en provenance d’Oregon, Utah State et… BYU.

« Les coachs d’Utah sont venus jusqu’à Snow plusieurs fois, » raconte Lotulelei dans les pages web du Salt Lake Tribune. « Ils m’ont démontré qu’ils me voulaient vraiment. Ils m’ont démontré qu’ils tenaient à moi. Les choisir n’a pas été une décision trop compliquée. » 

Il faut dire que Kyle Wittingham connaît deux trois choses à propos de ce petit archipel éparpillé dans le Pacifique sud. Dans les années 80, le coach des Utes a porté les couleurs de BYU en même temps que Vai Sikahema. Le monde est si petit. Depuis qu’il a intégré le staff de l’Université d’Utah en 1994, il a été le témoin privilégié de « polynésation » de celle que l’on appelle désormais la PAC-12 et, surtout, de l’expansion de cette diaspora Pacifique sur la face ouest des États-Unis. À l’aube de la saison 2016, il seront pas moins de 33, tous aussi humbles, travailleurs et dévoués à l’équipe les uns que les autres, à garnir l’effectif des Utes.

« Il y a 20 ou 25 ans, la majorité de nos athlètes polynésiens venaient des îles : Hawaï, Samoa et Tonga, » se souvient-il dans les pages web du Sun Journal en janvier 2016. « Aujourd’hui, nous avons de plus en plus de Polynésiens directement sur le continent, ils sont de moins en moins à venir des îles. »

Encore à la traîne en salle de classe et en surpoids, il choisit de rester une année de plus à Snow College le temps de rehausser une moyenne académique encore perfectible. Une année studieuse. Une année sans football, pour conserver une saison d’éligibilité supplémentaire, conformément aux tatillons règlements de la NCAA.

En 2010, après deux ans de community college, fraîchement marié, avec trois ans de football devant lui, il est transféré à l’Université d’Utah, dans l’ombre intimidante de la chaîne de Wasatch, ce bout des Rocheuses hérissé des monts Timpanogos et Olympus, du Lone Peak et des Twin Peaks, à près de 3500 mètres d’altitude. Là-bas, il rejoint un programme qui vit sa dernière saison dans la Mid-American Conference avant de rejoindre la Pac-12 en 2011. Si ses coachs lui recommandent d’emménager sur le campus, Star préfère installer sa smala dans le sous-sol chargé de souvenirs de ses parents, désormais installés dans la banlieue de Salt Lake City. Académiquement au point, il doit désormais passer par la case régime après s’être grassement laissé aller durant son année de sophomore sans football à Snow. Adieu les cookies maison blindés de pépites de chocolat et les 5 cheeseburgers bacon en guise de déjeuner, bonjour les crudités, les fruits, les salades et les soupes. La verdure est devenue sa nouvelle alliée. Au quotidien.

« Je choisis toujours le vert, » précise-t-il au Deseret News en août 2012. « Il y a trois sortes de catégories d’aliments : les verts, les jaunes et les rouges. Les verts représentent essentiellement les légumes verts ; les rouges, surtout de la malbouffe. J’ai éliminé de mon régime beaucoup de choses dans le rouge et j’essaye d’éviter la junk food autant que possible. »

Pendant de longues semaines, il sue à grosses goûtes sous les ordres d’un de ses oncles et fond de près d’une dizaine de kilos. À mesure que la saison 2010 approche et qu’il intègre les entraînements des Utes, il redouble d’intensité et en perd presque 15 de plus. Son embonpoint fond plus vite que la neige qui colle aux flancs des montagnes surplombant Salt Lake City. De doublure de JUCO hors de forme et la tête ailleurs, il se mue en taulier déterminé d’une défense de la Pac-12. 

« Pour être honnête, j’aime me dire que j’ai travaillé fort, » explique-t-il. « J’ai vraiment été en piètre condition physique pendant très longtemps. Mais je me suis remis à m’entraîner et les coachs ont fait un boulot incroyable pour m’accompagner — pas seulement pour mon poids et footballistiquement parlant, mais pour tout le reste aussi. »

Si Sitaki est impressionné par l’abnégation de son poulain et les heures sup passées en salle de muscu à faire disparaître ce gras superflu ou bien à le transformer bêtement en muscle, il l’est bien davantage encore par la façon dont Star prend en main sa vie d’adulte. Sa vie d’époux et de père de famille.

« Je pense qu’avoir ma propre famille, ma femme et mes enfants, m’a donné un avantage de maturité par rapport aux autres gars, » reconnaît Lotulelei.

Footeux et padre, ses journées sont éprouvantes. Debout dès 4h du matin, il ne revient chez lui qu’à 21h parfois, après de longues heures de classe et d’entraînement éreintantes pour le corps, les méninges et l’esprit. En 2011, junior vieillot de bientôt 22 piges, son talent passe de moins en moins inaperçu. Joueur athlétique, imposant et malin, il monopolise l’attention de deux bloqueurs et ouvre des brèches béantes pour des linebackers qui n’ont plus qu’à s’engouffrer dans son sillage. Comme une gigantesque barrage qui ouvrirait ses vannes pour libérer un torrent d’eau. Leader par l’exemple plus que par la voix, il fait l’unanimité dans un vestiaire où il impressionne par sa modestie, sa générosité et sa dévotion pour l’équipe. Nommé co-capitaine, first-team All-Pac-12, MVP d’un Sun Bowl victorieux face à Georgia Tech, il décroche le Morris Trophy récompensant le meilleur lineman défensif de la conférence. Les observateurs se mettent à jacasser de lui au premier tour de la draft si jamais il décidait de s’y présenter prématurément.

« Pour une large majorité [des Polynésiens] ont migré ici, c’est terriblement tentant de pouvoir gagner autant d’argent et subvenir aux besoins de sa famille, » raconte son père à Sports Illustrated. « Mais il nous a dit qu’il voulait aller au bout de son diplôme, donc il est resté. »

Si la tentation de zapper son année de senior pour aller pointer chez les pros l’effleure, la raison l’emporte. La famille avant tout. Toujours.

Love at first sight

Fuiva enceinte pour la seconde fois, Star préfère boucler son cursus en sociologie tout en préparant avec la plus grande minutie le vertigineux plongeon vers la NFL. Pendant que les autres joueurs font la fiesta, traînent entre potes, profitent de leurs dernières années s’insouciance et de privilèges universitaires, dès la fin des cours ou des entraînements, Star grimpe dans sa caisse et quitte le campus au pas. À 30 minutes de route de là, chez lui, l’attendent Arilani, 3 ans, et Pesatina, la petite dernière de quelques mois à peine désormais. Entre un vomi, un rot et deux jeux d’enfants, il révise studieusement, la tête dans les bouquins. Rien de naturel ni d’automatique pour un gamin qui n’aura jamais été un élève particulièrement studieux et aura rapidement compris que son avenir passerait par le football. Un football où il brille et ne passe pas inaperçu, mais où il refuse systématiquement de tirer la couverture. À l’image de ce photoshoot pour la une d’un magazine l’été suivant, lorsqu’il refuse de poser si tous les joueurs de la ligne défensive ne sont pas présents. Et pas seulement les titulaires.

« Je n’ai jamais rêvé d’être célèbre, » confirme-t-il rétrospectivement à Deseret News à quelques jours de la draft 2013. « Je n’ai jamais eu pour but d’être dans les journaux et les magazines. Tout ce qui comptait, c’était de pouvoir subvenir aux besoins de ma famille. C’était la chose la plus importante pour moi. »

À 23 balais à peine, il endosse déjà avec aisance la panoplie complète du parfait père de famille. Un rôle qu’il chérit de tout son coeur. Sa famille, « c’est tout ce dont [il] a besoin, c’est tout ce qu’[il] veut. » Pendant qu’il jongle entre les cours et le ballon à lacet, Fuiva, sa femme, joue les caissières dans un restaurant de West Jordan pour faire rentrer des billets verts dans le compte en banque du couple. Loin d’être livrés à eux-mêmes, les jeunes mariés peuvent compter sur le soutien des parents de Star qui n’hésitent pas à endosser le rôle de baby-sitters quand il le faut.

Sur le terrain, mature et épanoui, Star déglingue tout. 42 plaquages dont 25 en solo, 10 dernière la ligne de mêlée, 5 sacks, trois fumbles forcés, en douanier impitoyable, il renvoie les running backs adverses chez eux les uns après les autres. Le 15 septembre 2012, pour la réception toujours un brin spéciale de BYU, il met les petits plats dans les grands. 7 plaquages, 2 passes détournées et un field goal bloqué à l’ultime seconde. Les Utes l’emportent 24-21. Le Rice-Eccles Stadium exulte. Star savoure. De nouveau mis à l’honneur par la Pac-12 au terme de la saison, il est nommé All-American pour sa dernière campagne sur le campus de Salt Lake City. En trois années, devenu capitaine depuis deux ans, il aura empilé 107 plaquages, 22,5 stops derrière la ligne, 7 sacks, 4 fumbles forcés et 5 ballons recouverts. Un CV généreusement rempli pour un nose tackle.

À quelques jours du Combine d’Indianapolis, certaines mock drafts le positionnent en pole position d’une cuvée sans quarterback digne de cracker le top 15. Eric Fisher, Barkevious Mingo, Dion Jordan, Luke Joeckel, Lane Johnson, le globetrotteur Ezekiel Ansah, Jonathan Cooper. En attaque comme en défense, les hommes de ligne trustent les premières places d’un repêchage musclé. Journaux, radios, magazines, sites et émissions spécialisés, les gratte-papiers de toute sorte de médias le contactent chaleureusement pour qu’il leur raconte son exotique histoire. Chaque fois, très avare en révélations sur sa vie privée et son passé, le tackle défensif des Utes décline poliment. Une façon, non seulement, de ne pas perdre de temps dans sa préparation, mais aussi de se préserver et de ne pas se laisser aspirer par tout le cirque médiatique des longues semaines précédant la draft.

« C’est Star. Star n’est pas quelqu’un qui apprécie la lumière des projecteurs, » raconte Kyle Whittingham, coach d’Utah, dans les pages web de Deseret News en avril 2013. « Il préfère s’occuper de ses affaires. Et ça n’est pas du tout par arrogance ou prétention, c’est l’exact opposé de ce qu’il est. C’est quelqu’un de profondément humble. Il est d’une grande simplicité.  C’est une super personne et il ne se sent pas particulièrement à l’aise quand il est mis en avant, tout simplement. »

C’est le moment que le coeur de Star Lotulelei choisit pour lancer un SOS. Timide. Inoffensif. Son ventricule gauche ne fonctionne qu’à 44% de sa capacité normale. Loin des 55-70% de la plupart des êtres humains, mais rien d’alarmant. Un simple hoquet persistant qui le contraint pourtant à renoncer aux festivités de l’Indiana, malgré des médecins rassurants sur le caractère bénin de cette légère frayeur et qui écartent vite tout risque majeur. Sa mère le sentait. Le matin, elle avait un mauvais pressentiment. Son gros nounours de fils n’arrêtait pas de renifler, il avait la gorge sèche, quelque chose clochait. Rien ne trompe l’instinct maternel. D’abord surpris par cette découverte, Star prend son mal en patience sans percevoir le moindre symptôme de cette anomalie pendant que sa mère passe la nuit à sangloter, imaginant son rejeton seul dans sa chambre d’hôtel.

« Ça m’a clairement fait un peu peur, » avoue Lotulelei avec le recul. « Mais comme je l’ai déjà dit, je me sentais en parfaite santé dans mon corps et je lui faisais entièrement confiance. »

Une fausse alerte qui aurait été provoquée par un coup de froid qui aurait déréglé la belle machine tongienne. Mais une alerte suffisante pour éveiller la crainte de certains exécutifs et le faire glisser de quelques places. Pendant 4 jours, privé de terrain, il enchaîne les entretiens avec des coachs et managers généraux qui, pour plus d’un, l’ont probablement déjà rayé de leur liste. Si sa condition cardiaque ne manquera pas d’être minutieusement étudiée par chacune des franchises, il ne fait pourtant guère de doute que son nom retentira rapidement dans le Radio City Music Hall de NYC. Déclaré médicalement apte après une batterie de tests complémentaires passés à l’hosto de l’Université d’Utah, il rattrape son contre-temps d’Indianapolis en livrant un véritable one-man show le jour de son pro-day. Cet aprem-là, au milieu de la cinquantaine de membres de sa famille qui se charge de mettre l’ambiance, une foule record de recruteurs, de coachs et de journalistes se masse sur le campus. Du jamais vu dans l’histoire du programme. 38 développés-couchés qui l’auraient placé en tête de tous les linemen défensifs à Indy (à égalité avec l’Estonien Margus Hunt), une vivacité étonnante sur les ateliers de vitesse, une détente verticale de 75 centimètres émoustillante pour un bonhomme de sa stature. De quoi rassurer les inquiets.

Si certaines formations ont été définitivement refroidies par la petite alerte cardiaque d’Indy, ce que Star comprend parfaitement, d’autres n’ont pas changé d’un iota. À l’image des Panthers. Du côté de la Caroline du Nord, c’est le coup de foudre total. Les papillons, les étoiles dans les yeux, le concert de percussions, la totale. Les félins sont raides dingues de ce gamin au parcours iconoclaste. « Tu le sais, c’est tout, » résume le GM Dave Gettleman au lendemain de la draft. « C’est comme quand vous avez rencontré vos femmes, vous l’avez senti, vous le saviez. Quand sera-t-il drafté ? Star Lotulelei s’en moque pas mal. Avoir le privilège d’être drafté, voilà ce qui importe pour lui.

« Le top 5 ou le top 10, ça sera la cerise sur le gâteau, » explique-t-il à Deseret News. « Je ne serai absolument pas abattu si je ne suis pas le premier sélectionné, ou hors du top 5 ou du top 10, ou je ne sais trop quoi. Tant que j’ai la chance de pouvoir montrer ce que je vaux pour une équipe, c’est tout ce qui compte pour moi. Tout ce qui compte, c’est qu’une équipe se sente prête à tenter sa chance sur moi. »

Aimablement convié à se rendre à New York pour assister à la draft en sa qualité de top prospect, Star décline gentiment l’invitation pour rester auprès de son épouse, de ses deux filles et de quelques proches dans l’Utah. Dans l’intimité d’une famille qui se réunit toujours en nombre. Ils sont une cinquantaine à se rassembler à South Jordan, dans la maison de ses parents. Une décision de longue date. « Je ne peux pas tous les emmener à New York, mais je tiens à ce qu’ils soient tous là et partagent ce moment avec moi. » À quelques jours du repêchage, il confie même ne pas être certain de se joindre à eux. Peut-être restera-t-il seul. Une ballade dans le parc ou enfermé devant un jeu vidéo. Pourtant, le jour J, il est bien entouré des siens. La rockstar du jour. Offensive tackle. Offensive tackle. Defensive end. Offensive tackle. Defensive end. Comme anticipé, le top 5 s’égraine sans lui. Puis le top 10 se boucle sans surprise. Tout ça à cause d’un malheureux hoquet. Quand son nom finit par retentir en 14e position, sous l’oeil discret d’une caméra, le colosse d’un mètre 90 et 140 kilos fond en larmes. Depuis le pionnier Vai Sikahema, repêché par les St. Louis Cardinals en 1986 après être passé par BYU, il est le 14e Tongien a être drafté par une franchise NFL. Le dernier en date aussi.

« J’étais incroyablement ému parce que la route a été longue, » raconte-t-il. « Après le lycée, j’ai passé une année sans jouer, puis j’ai opté pour le junior college. J’ai eu mon premier enfant à 19 ans et je me suis marié jeune. Ça a été un parcours compliqué, semé d’embuches, et en arriver là, être repêché, ça représente tant pour ma famille et moi. »

L’émotion passée, la pression de 5 dernières années éprouvantes évaporée, l’impatience l’emporte. Enfiler le plastron et le casque, se glisser laborieusement dans ce maillot trop étroit, ajuster ses gants et en découdre. Lotulelei à hâte de jouer. Hâte de retrouver un terrain sur lequel il se sent si bien. En attendant, avec son premier chèque de paye, le Tongien compte bien offrir une voiture à sa femme et à ses parents. La priorité des priorités pour le joueur. Sa façon de leur dire merci. Merci d’avoir été là pour le soutenir tout au long de ce chemin sinueux qui l’aura finalement guidé jusqu’à la NFL après quelques détours inattendus. Pour son père, un gros pick-up. Une promesse faite lorsque toute la famille devait s’entasser dans une vieille Plymouth aux lignes terriblement sexy, mais bien trop petite pour que tout le monde rentre dedans. Si étroite que Star devait s’asseoir sur le plancher avec son frère. « Je t’achèterai un pick-up quand je serai devenu un joueur NFL papa. » Promesse tenue. 

Le Bon Gros Géant

En Caroline du Nord, Star retrouve Kawann Short et son patronyme aux allures de publicité mensongère. Un beau bébé d’un mètre 91 qu’il a rencontré lors du Combine d’Indianapolis quelques mois plus tôt. Touché aux ischios et pas assez en forme pour participer aux ateliers, le defensive tackle de Purdue se contente d’enchaîner les entrevues avec les états-majors NFL et les médias. Comme Star. Le 26 avril, 24h après avoir fait du Tongien le 14e choix général, les Panthers blindent l’intérieur de leur ligne défensive en sélectionnant l’ancien Boilermaker avec leur choix de 2e round. Des retrouvailles qui réjouissent Star. Il sera d’ailleurs l’un des premiers à féliciter Kawann. Très vite, les deux hommes vont se lier d’une amitié sincère. Côte à côte sur le terrain, où ils forment l’assise de la colonne vertébrale de la défense, ils se retrouvent en famille avec leurs enfants chez l’un ou chez l’autre dans leur temps libre. Dépourvu de bagnole pour sa première année, Short peut même compter sur la générosité du Tongien pour jouer les taxis et le trimballer où bon lui semble. À Thanksgiving, il s’invite également à la table de Star et Fuvia. Un soir, rookie, l’ancien Utes convie ses parents à dîner dans un resto où ils tombent sur Ron Rivera en tête-à-tête avec son épouse. « Nous sommes heureux que Star soit parmi nous. Il fait son boulot, et il le fait bien. » Silencieux, ému, Star Sr. est fier de son fils. Immensément.

Dans le vestiaire de Charlotte, Lotulelei rencontre Amini Silatolu. Si le guard drafté au 2e tour un an plus tôt est né dans la baie de San Francisco, du sang tongien coule dans ses veines. Sur le terrain, titulaire indiscutable, le rookie signe son premier sack chez les pros en engloutissant Eli Manning et s’impose vite comme l’un des meilleurs run stoppers de la ligue. 14e défense contre la course avec une moyenne de 110 yards concédés par match en 2012, les Panthers et leur nouvelle doublette de defensive tackles bondissent au 2e rang et concèdent à peine 87 yards par partie. Lentement, la défense la plus vorace en sacks pose les fondations de 2015. All-Rookie, il ne décroche que 2 votes pour le titre de Recrue défensive de l’année. À égalité avec Tyrann Mathieu, mais loin derrière Sheldon Richardson (23) et Kiko Alonso (19). L’année suivante, toujours aussi dominant au sol, il signe ses deux seuls sacks de l’année sous la yourte du Georgia Dome, en clôture de la saison, dans un match à quitte ou double face aux Falcons. Après un automne pourri, les Panthers réalisent un sans faute en décembre, conservent leur titre dans la NFC Sud et arrachent leur billet pour les playoffs malgré un piteux 7-8-1. La NFC Est n’a rien inventé. Les Cards écartés au premier tour, ils subissent la loi de Seahawks en route vers un Super Bowl XLIX renversant.

En 2015, quand Fuiva tombe enceinte de leur premier fils, le couple achète une maison juste derrière celle de ses parents, à South Jordan. Un pied à terre pour ne pas trop s’éloigner des siens. « Un investissement, » se justifie-t-il. Pourtant, leurs 3 enfants sont tous scolarisés en Caroline du Nord. Pesatina, elle, vit partagée entre deux États. Si sa mère ne manque presque aucun match de Star, elle fait également tout son possible pour assister aux rencontres de Lowell, petit frère qui marche dans les pas de géants de son frangin sous le rouge des Utes. Le 8 novembre, Star s’offre le premier sack d’une saison commencée à la bourre à cause d’un pépin au pied droit en aplatissant Aaron Rodgers et les Panthers décrochent leur 8e succès en autant de rencontres. 8-0. Du jamais vu dans l’histoire de la franchise. Il faudra attendre un déplacement dans le nid des Faucons en semaine 16 pour que les félins de Ron Rivera trébuchent pour la première et unique fois de la saison régulière. Seahawks. Cardinals. Le menu ressemble fortement à celui de l’hiver précédent, Carolina tient son rang et, 22 ans plus tard, retrouve le Super Bowl.

Depuis plusieurs mois, sous l’impulsion d’un Cam Newton aérien et plus souriant que jamais, tout le Tar Heel State se met soudainement à daber. À l’exception de l’imposant et taciturne Tongien. Même lorsque les 52 gars du roster et les coachs aux tempes grisonnantes plongent leur nez dans le creux de leur bras droit sur la photo officielle des Panthers sur la pelouse de Santa Clara, il est l’un des très rares à garder la tête droite. Parce que ça ne fait pas partie de sa personnalité. « […] Mais j’adore voir tous les autres gars le faire, » s’empresse-t-il de préciser. En février 2016, à deux jours du Super Bowl 50, Star Lotulelei Sr. reçoit Sports Illustrated dans son salon tapissé de photos de famille. Au bout d’un cul-de-sac d’un quartier résidentiel de Salt Lake City, au milieu de 240 mètres carrés de confort, calé dans son canapé en cuir, entouré de ses 16 petits enfants, il contemple le chemin parcouru depuis la petit hutte perdue au milieu du Pacifique. Son oncle avait vu juste. À l’entrée, son diplôme de BYU. Impossible de le manquer. Aucune arrogance déplacée, juste un rappel.

« Je l’ai mis là pour que tout mes enfants et mes petits-enfants puissent le voir, et qu’ils se rappellent de toutes les opportunités que je n’aurais jamais eu là d’où l’on vient, » explique-t-il à SI.

Quelques semaines plus tard, la déception sobrement balayée du revers de la main, les Panthers lèvent l’option sur la 5e année de son contrat et Star les récompense en signant 4 sacks, le plus haut total de sa carrière. Au terme de la saison suivante, pièce précieuse de l’échiquier défensif aux stats sans relief, il arrive au bout de son contrat de rookie. Libre, il opte pour Buffalo et un généreux contrat à la clé. Lorsqu’il débarque dans le nord de l’État de New York en mars 2018, vétéran aux 5 saisons sous le capot, il n’a pas changé. Bosseur sans pareil, modèle de maturité, il impressionne l’ensemble du vestiaire, joueurs comme staff, par son inébranlable sens du devoir et du rationnel. Pas de place pour la fantaisie. Tout est réfléchi, pondéré, mesuré. Même lorsque son visage d’ordinaire si rigide se déride pour riposter aux vannes de Shaq Lawson, le bout-en-train de service. Un homme de devoir qui s’amuse discrètement à observer, mais se garde bien de se disperser.

« C’est comme ça que j’ai été élevé en grandissant, » précise-t-il dans les pages du Buffalo News en septembre 2018. « Je n’ai jamais été un type qui se fait remarquer. En grandissant, que ce soit mes parents ou mes cousins, on m’a toujours appris à rester discret. Pas besoin de parler fort pour se faire entendre. Et il n’est pas toujours nécessaire de se faire entendre. Alors je garde beaucoup de choses pour moi. J’observe et je me contente de faire ma part du boulot. J’essaye d’aider l’équipe de tout mon possible. Puis je rentre à la maison. Je bosse et je rentre. C’est aussi simple que ça. »

C’est exactement pour ce tempérament si contenu, ce leadership par l’exemple si précieux, que les Bills ont sorti le chéquier et lâché 50 millions pour s’adjuger ses services de garde frontière au sol pour les 5 prochaines années malgré une saison 2017 en demi-teinte, où ses lacunes dans le pass rush n’auront jamais été aussi criantes. Le remplaçant tout désigné de Marcell Dareus, parti se dorer la pilule à Jacksonville en cours de saison passée. Le mur porteur d’une défense au sol dépeuplée et piétinée un an plus tôt qui végète dans le quatuor de queue. Même lorsque son cou et son dos refusent de coopérer après le premier match de préparation face aux… Panthers et que deux autres defensive tackles pointent à l’infirmerie, il insiste pour enfiler les pads et ne pas imposer à ses coéquipiers de la ligne une séance éreintante.

« C’est un vétéran, personne n’aurait rien trouvé à redire s’il avait dit, ‘J’ai une petite gène, j’ai besoin d’un jour de repos.’, » raconte Leslie Frazier, coordinateur défensif des Bills, au Buffalo News en 2018. « Qu’il se pointe et participe à la séance, ça en dit long sur quel genre de personne il est et à quel point il se préoccupe de ses coéquipiers et du bien de toute l’équipe. Il va nous faire du bien. »

Le 15 mai 2018, rookie non-drafté signé par les Broncos, Lowell décide de raccrocher ses crampons et de rendre son généreux bonus de signature de 15 000 balles. Ancien phénomène athlétique des Utes lui aussi et malgré un terrain dégagé au coeur de la ligne défensive de Denver, le petit frère de Star ne sent plus l’envie de jouer faire battre son coeur. S’il aime toujours le football, c’est dans la peau d’un coach qu’il s’imagine.

Pendant ce temps-là, à Buffalo, son aîné retrouve Sean McDermott, son ancien coordinateur défensif durant ses 4 premières saisons en Caroline du Nord. Très vite, Star va traîner son généreux contrat de 5 ans et 50 millions comme un boulet. Joueur qui fait davantage briller les autres qu’il ne brille lui-même, il va vite polariser la frustration de plus d’un membre de la Bills Mafia. Pas de sacks en pagaille, pas de salade de plaquages, de rares actions d’éclats, mais une présence incontournable au coeur de la ligne défensive qui monopolise souvent plus d’un bloqueur et permet aux linebackers et edge rushers de s’engouffrer dans les brèches pour s’inviter dans le champ arrière. Jamais All-Pro, jamais Pro Bowler, rarement mentionné parmi les références à son poste, son importance stratégique est pourtant sur toutes les lèvres dans le vestiaire. De ses coéquipiers à ses coachs, en passant même par les grands pontes dans les bureaux, tout le monde loue le rôle prépondérant qu’il joue. Les fans, eux, sont nettement plus dubitatifs. Surtout pour un type qui pèse si lourd sur la masse salariale.

En deux ans dans le nord de l’état de New York, titulaire 32 fois, il ne récolte que 2 maigres sacks et 36 plaquages. En novembre 2019, le jour de Thanksgiving, il s’offre la seule interception de sa carrière sur le synthétique de Dallas. Acrobatique, à une main, en trois temps, un geste aussi inattendu que rare pour ce joueur de l’ombre. Le 28 juillet 2020, quelques mois après avoir restructuré son contrat pour réduire son impact sur le cap space et certain de toucher 4,5 millions même sans jouer, fidèle à son mantra, il fait passer les intérêts de sa famille avant tout et renonce à une saison ébranlée par la pandémie mondiale qui frappe la planète. 16e contre la course en 2018, 10e l’année suivante, orpheline de son run stopper Tongien, la défense de Buffalo chute au 17e rang en 2020. Un timide recul sans grandes conséquences. À désormais 30 piges, de loin, en spectateur heureux, il assiste aux exploits hebdomadaires de Josh Allen, Stefon Diggs et de Bills à qui rien ne semble pouvoir arriver. Son avenir, il y pensera dans quelques mois.

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