Super Bowl XLVIII – Richard Sherman : Seahawk With Attitude

Octobre 1988, le titre “Straight outta Compton” (“En provenance directe de Compton”), avec  son swagg, son attitude et son agressivité, prend possession des ondes FM américaines. Avec NWA (Niggaz Wit...

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Octobre 1988, le titre “Straight outta Compton” (“En provenance directe de Compton”), avec  son swagg, son attitude et son agressivité, prend possession des ondes FM américaines. Avec NWA (Niggaz Wit Attitudes) comme porte-étendard, l’un des quartiers les plus chauds de Los Angeles se place comme un point névralgique du hip-hop des années 90. Quatre mois plus tôt, dans le quartier voisin de Watts, une éducatrice spécialisée dans les enfants handicapés et un chauffeur de camion-poubelles accueillent leur second fils, Richard Sherman, qui  reprendra bientôt à son compte l’audace, le sens du show, la verve et l’insolence d’Ice Cube, MC Ren et Eazy-E. Mais, au-delà d’un joueur avec de l’attitude, Richard Sherman est aussi un homme intelligent et qui sait être posé. C’est juste qu’il a un compte à regler…

Une tête bien faite

Quand on vient d’un quartier défavorisé, et même si vos parents ont réussi à vous tenir éloigné des ennuis, l’accès à une éducation universitaire de haut vol est toujours une surprise, un cadeau du destin. Mais ce destin, Richard Sherman se l’est aussi fabriqué en metttant tout en oeuvre pour devenir ce qu’il est aujourd’hui: le meilleur cornerback de NFL.
C’est par l’athlétisme qu’il commence pourtant à faire ses premieres vagues en Californie. A force de copier et de courir après son frère aîné, Branton, Richard Sherman finit par gagner, presque par erreur, un titre de champion de lycée de Californie au triple-saut (avec un saut à 15,44m).

“Richard ne m’a jamais surpris parce qu’il a ces rêves depuis tout petit. Il disait tout le temps qu’il allait accomplir ces miracles. Moi, j’étais plutôt circonspect et, même s’il n’en réalisait que la moitié, cette moitié était déjà fantastique. Donc, il ne me surprend absolument pas.” Branton Sherman

Courtisé par USC pour devenir le cornerback des Trojans, Sherman  décide de poursuivre son chemin à Stanford, avec le Cardinal (surnom de l’équipe), qui lui permet de continuer à jouer au poste de receveur où il a excellé (860 yards et 13 touchdowns en 48 réceptions en 2006) à la Dominguez High School à Compton, là où Richard a déménagé à l’âge de 14 ans.  Ses résultats scolaires excellents lui permettent d’intégrer Stanford la tête haute, pourtant une usine à cerveaux comme il en existe peu, mais c’est surtout ce qu’il y a à construire avec le Cardinal sur le terrain qui le pousse à s’exiler dans les environs de San Francisco .

« je voulais aller quelque part où je ferais partie de ceux qui changent les choses. Je n’avais pas envie d’aller dans une université qui gagnait déjà » Richard Sherman.

Un talent protéiforme

Love is in the air...

Love is in the air…

Rapide mais doté d’un physique filiforme (1m91 pour 77kgs en 2006), Sherman doit attendre sa troisième année en 2009 pour que le coordinateur offensif, David Shaw, l’autorise à changer de position pour jouer cornerback, une mise à l’épreuve de son talent ainsi qu’une volonté d’être plus maître de son destin, lui qui est trop tributaire de son quarterback au poste de receveur. Dans son article de présentation sur Sports Illustrated, c’est la source de cet état d’esprit ouvert qu’il révèle.

« Je me rappelle avoir lu l’Illiade et avoir adoré. On pourrait penser qu’un joueur de foot est à mille lieux de pouvoir apprécier de la poésie grecque sur la Guerre de Troie mais mes parents m’ont donné cet excellent conseil lorsque j’étais plus jeune : on peut apprendre tant de choses sur soi si l’on est prêt à sortir de sa zone de confort. » Richard Sherman

Entre-temps, Sherman a manqué une saison pleine en 2008 à cause d’une grave blessure au genou et Jim Harbaugh est arrivé à la tête de l’équipe, non sans avoir quelques prises de bec avec le jeune Angeleno plein de verve. Harbaugh n’était cependant pas le dernier à tarir d’éloges sur son protégé d’alors, avec lequel Stanford remporte l’Orange Bowl en 2010.

« Il a un cœur énorme. C’est une personne qui apporte de la joie dans chaque endroit où il passe. Les gens l’aiment et veulent passer du temps avec lui » Jim Harbaugh… en 2010

La blessure de la draft

Ayant obtenu son diplôme en communications  en 3 ans, il passe une quatrième année à préparer son Masters et se présente à la draft NFL en 2011. Il se voit déjà être sélectionné au deuxième ou troisième tour, certain que ses qualités de vitesse, sa taille et sa maîtrise du poste feraient quelque peu oublier son physique presque fluet (88 kilos cette année-la) et la difficulté qu’il rencontre face à des receveurs plus puissants, en particulier en couverture serrée sur la ligne d’avantage.

Mais ce n’est qu’en 154e position (5e Tour) que le cornerback de Stanford est sélectionné par Seattle. Pas forcément un hasard qu’il atterrisse dans l’Etat de Washington puisque les Seahawks sont maintenant coachés par Pete Carroll, qui avait essayé de le recruter lors de son passage à USC, rivaux de Stanford dans la Pac-10.

« Je l’avais un peu oublié mais plus je le regardais, plus je voyais combien il était agressif. […] On ne peut pas trouver plus compétitif que lui et c’est exactement ce que l’on recherchait » Pete Carroll

L’esprit de compétition poussé à l’extrême, le même qui l’avait poussé à gagner ce titre au triple saut, Sherman le reconnaît fort volontiers, c’est l’essence même de sa personne.  Des mots que d’autres sportifs, bien plus adulés encore, ont prononcé avant lui.

« Beaucoup de gens adorent gagner, moi je déteste perdre. Peu importe ce que c’est, je déteste perdre. Si nous devions aller jusqu’au terrain d’entraînement à l’instant, il me faudrait être le premier là-bas. » R. Sherman

U Mad, Bro ?

Sa tirade anti-Brady lui vaudra la Une de Sports Illustrated

Sa tirade anti-Brady lui vaudra la Une de Sports Illustrated

Cette place au 5e tour, c’est une défaite pour le cornerback , dans une ligue où le statut est fortement lié à la position à laquelle vous êtes drafté.
C’est la confrontation avec un joueur lui-même choisi au 6e tour (en 199e position), Tom Brady, qui allumera la mèche faisant exploser médiatiquement Richard Sherman en octobre 2012. Le « U Mad, Bro ? » (T’as la haine, mon frère ?), qu’il envoie à la face du Petit Prince de la NFL et qu’il poste sur Twitter,  lui apporte à la fois une audience nationale mais également cette image de chambreur invétéré qui se transforme parfois en terme porteur de préjugés (entre autres raciaux), comme celui de « voyou ».
Son image auprès du grand public se brouille encore l’an dernier avec sa suspension pour « prise de produits interdits », finalement cassée en appel pour vice de forme dans la prise en charge de son échantillon d’urine.
Les épithètes discriminatoires accolés à son nom volent encore après le NFC Championship de dimanche contre les 49ers et sa prise de bec avec Michael Crabtree.  Ce à quoi il a répondu directement dans son article de lundi.

« A tous ceux qui me traitent de voyou, ou pire, parce que je suis exubérant sur le terrain : ne jugez pas une personne sur ce qu’elle fait sur le terrain. Jugez un homme sur ce qu’il fait en dehors de la pelouse, pour sa communauté, pour sa famille ».

La bienfaisance active, un aspect extrêmement important pour lui dont la fondation «Blanket Coverage »  s’occupe, entre autres, de fournir des livres à jour aux élèves des écoles défavorisées afin qu’ils puissent être sur un pied d’égalité au moment des examens d’entrée à l’université.
Dans une ligue où les arrestations policières hors des terrains font régulièrement l’actualité, dans une Amérique où le fait d’être un sportif noir à succès et à opinions tranchées est toujours mal vu par une frange de la population, Richard Sherman déteint dans un monde médiatique où les clichés soporifiques d’après-match sont la norme. Sans doute pas un ange sur le terrain, ni un prix Nobel de fair-play (son « chambrage » de Crabtree était plutôt petit-joueur pour celui qui venait de réaliser l’action d’éclat amenant son équipe au Superbowl), il n’est sans doute pas jugé non plus avec la même indulgence que d’autres sportifs plus reconnus. Le statut, toujours…

La superbe publicité « Beats by Dre », sortie en ce weekend de Championship Game, mettant en scène Sherman face aux journalistes, semble être à ce titre un parfait résumé du personnage.
Il y apparait posé, sûr de lui et contrôlant ses paroles mais prend ombrage des critiques qui se basent sur des informations erronées, notamment cette qualification de « voyou » qui ne colle pas vraiment à une personne avec son parcours, vierge de tous problème hors des terrains. Il semble que, avec Richard Sherman, il suffise  de gratter un peu le vernis brillant et aguicheur pour  trouver un personnage attachant, dont l’assurance exubérante est bien plus un moyen de motivation personnelle qu’un réel irrespect de ses adversaires . Quant à le qualifier de voyou, lui préfèrera écouter Aloe Blacc lui chanter ce qu’il se répète depuis son entrée dans la ligue : « I’m the man, I’m the man, I’m the man » (c’est moi le meilleur).

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