[portrait] Andre Johnson, la star qui n’en était pas une

« Timide », l’adjectif est prononcé. Véritable monstre offensif depuis son entrée en NFL en 2003, Andre Johnson est aussi l’une des stars de la ligue qui s’exprime le moins en dehors...

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« Timide », l’adjectif est prononcé. Véritable monstre offensif depuis son entrée en NFL en 2003, Andre Johnson est aussi l’une des stars de la ligue qui s’exprime le moins en dehors des terrains. Dans le monde de la NFL où c’est souvent le plus bruyant qui l’emporte, cela aura certainement desservi son aura mais lui confère dorénavant une image de vétéran éclairé. Et si, pourtant, l’ex-Hurricane de Miami restait à l’abri des tempêtes pour mieux faire régner le désordre parmi les défenses adverses ?

« Je.Ne.Suis.Pas.Timide. Essayez de m’embrouiller, de me défier. Je ne vous répondrais pas mais sur l’action suivante, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour vous ridiculiser » Andre Johnson

Sur la route des plus grands

Chad Ochocinco, Randy Moss, Terrell Owens, la décennie des « Naught » (le zéro en américain) aura été le lieu de bataille favori de quelques-unes des personnalités les plus charismatiques et chambreuses que la NFL ait jamais compté dans ses rangs. Pourtant, le seul receveur de l’histoire de la NFL à avoir réussi à capter plus de 60 passes à chacune de ses 8 premières années dans la ligue n’est pas l’une d’entre-elles mais porte le #80 chez les Houston Texans. Passé inaperçu auprès du grand public depuis que la franchise texane l’a drafté en 2003 en 3e position, Andre Johnson possède également la deuxième moyenne de yards en réception par match en carrière (82,2), derrière l’extra-terrestre Calvin Johnson (88.0). Ce chiffre à lui seul, réalisé sur une décennie entière, revèle l’extraordinaire volonté du joueur de ne jamais lâcher un match et de toujours être présent pour son équipe alors même que sa franchise, née en 2002, a longtemps été l’une des pires équipes de la ligue.

« Je ne crois pas qu’il y ait eu un moment où j’ai dit « Trouvez moi une autre équipe ». Est-ce que j’y ai pensé ? Bien sûr ! Je savais que ce serait dur d’arriver dans une nouvelle franchise mais j’avais la chance de pouvoir faire partie d’un projet magnifique» Andre Johnson en 2012

Ne pas abandonner, même si tout vous pousse à le faire. Tracer son propre chemin, sans s’occuper de ce que l’on dit de vous, baisser la tête et travailler dur pour y arriver, c’est dans le schéma familial de Johnson que l’on peut retrouver les racines de cette philosophie. Elevé par une mère célibataire postière dans l’un des quartiers les plus durs de Miami, The Bajas, et n’ayant vu son père qu’une seule fois à l’âge de 8 ans pendant cinq minutes sans que celui-ci ne semble intéressé par sa progéniture, Andre a vite compris que la vie n’était pas forcément une partie de plaisir.

« C’est de là que vient mon attitude. J’ai toujours l’impression que je suis en train de réaliser mon rêve d’enfant, mais je sais que tout ça peut s’arrêter à tout instant »

Il le réalise d’autant plus entre 2002 et 2004 lorsque, au cours de cette période, son père, son oncle et son meilleur ami meurent assassinés. Il mettra un point d’honneur à élever le fils de ce dernier comme s’il était le sien, prenant sa condition de parrain très au sérieux ( Le bémol viendra plus tard, en 2012, lorsque son ex-compagne l’assignera en justice pour qu’il paie une pension alimentaire de 1500 dollars par mois pour sa fille, agée alors de 2 ans…).

 
« Sérieux », voilà un autre adjectif qui caractérise un joueur qui n’aura connu qu’une seule escarmouche au cours de sa carrière, en 2010 face aux Titans. L’altercation avec Cortland Finnegan est intense et courte mais rappelle à tout le monde qu’avec un physique d’airain (1m91 pour 104 kilos) tel que le sien, le prendre au sérieux et le respecter est aussi une obligation pour ses adversaires. Grandir à Miami et jouer sous les couleurs de « The U » est sans doute la meilleure école pour ce qui est de savoir se défendre mais également, bien sûr, pour apprendre à jouer au foot.

 

« It’s all about The U »

'Dre sous le maillot de "The U" en 2002

‘Dre, champion sous le maillot de « The U » en janvier 2002

Car si Johnson tire de ses gènes une partie de ses dons (sa mère ayant été une très bonne athlète), les leçons apprises lors de son enfance auprès de son oncle disparu n’ont été que la base lui permettant de devenir l’un des joueurs les plus importants de l’histoire de l’Université de Miami. Ses trois saisons passées sous le maillot vert et orange des ‘Canes en auront fait une légende qui lui a valu en avril 2014 d’être consacré au Hall of Fame local. Entre 2000 et 2002, Andre Johnson aura capté 91 passes pour 1831 yards, le placant 5e sur la liste des receveurs « all-time » juste derrière une légende comme Michael Irvin. Il fera d’ailleurs partie de l’équipe 2001, championne universitaire et invaincue, considérée comme l’une des plus grandes de l’histoire avec son effectif qui aura produit 38 joueurs NFL, dont 17 selectionnés au premier tour, comme Clinton Portis, Frank Gore, Jeremy Shockey ou bien encore Vince Wilfork et Ed Reed. Un pedigree de choix pour qui veut faire carrière dans la grande ligue.

 
Evidemment, l’histoire retiendra aussi de cette équipe le scandale des « cadeaux » alloués aux joueurs par de généreux donateurs floridiens. Le nom d’Andre Johnson, comme celui de Vince Wilfork, est apparu dans les articles mais c’est là sûrement plus le procès du système universitaire que du joueur qu’il faudrait faire. D’ailleurs, plus tard, Andre Johnson n’a-t-il pas « perdu » plus de 20 millions de dollars lors de sa renégociation de contrat en 2007, du fait d’avoir confié sa représentation à son oncle plutôt qu’à un professionnel?

 

Toujours le même ‘Dre

A maintenant 33 ans, Andre Johnson sait que sa carrière touche sans doute à sa fin. Des rumeurs d’échanges ont même commence à bruisser dernièrement et ses performances déclinent doucement mais surement depuis 3 ans. Il se sera pourtant démené pour que la saison pourrie des Texans l’an dernier (2v-14d) ne le soit pas autant, avec ses 1400 yards en 109 réceptions et ses 5 touchdowns, y gagnant au passage sa 7e selection au Pro Bowl. Celui à qui l’on prédisait un destin à la Jerry Rice n’en aura jamais les chiffres au scoring (aucune saison à plus de 9 touchdowns) mais, même diminué et vieillissant, il restera toujours ‘Dre, le receveur qui met le feu dans les défenses et donne des sueurs froides aux cornerbacks adverses, comme aurait pu le dire son alter-ego californien dans son hit de 2001.

 

Et tout comme un Dr Dre posé s’aligne aux côtés d’un Snoop Dog flashy, Andre Johnson apparaît bien fade face à l’exubérance d’un Dez Bryant. Pourtant, si la publicité et la renommée suivent les seconds, il fait peu de doute que ce sont bien plus les premiers qui passeront à la postérité, délaissant les paillettes et le strass et travaillant plutôt à la trace qu’ils laisseront dans l’histoire. Dans la tranquilité et le calme, Andre Johnson aura assurément laissé celle d’une star. Une star qui n’a jamais vraiment essayé d’en être une.

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